Les Caisses de Retraites, bombes à retardement et minuteurs en avance?

Par Hicham Alaoui Bensaid

 

Corollaire logique au dernier Recen­sement Général de la Population et de l’Habitat réalisé en 2014, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) vient de publier, le 26 mai dernier, une étude portant sur une estimation projetée des principales caractéristiques de la population marocaine à l’horizon 2050.

De fait, au-delà de la conclusion princi­pale dudit recensement (« nous sommes environ 34 millions de marocains »), le HCP a opéré une série de conjectures, en considérant des bases rétrospectives et statistiques, pour conclure à 4 orientations principales au titre de notre démographie ou, plus précisément, à 4 thématiques indui­sant un impact direct sur la problématique de financement des Caisses de Retraite dans notre pays.

Tout d’abord, la croissance démogra­phique annuelle escomptée se situerait aux alentours de 270 000 mille habitants, soit l’équivalent de la population d’une ville comme Sefrou par exemple. Le chiffre est conséquent -d’autant plus s’il est comparé aux standards des pays occidentaux, dans lesquels l’accroissement démographique est de plus en plus marginal-, toutefois en déclin notable, puisque l’on se rappelle no­tamment qu’en 1975, le chiffre retenu par le défunt monarque Hassan II pour la par­ticipation à la Marche Verte, i.e. 350 000 citoyens, correspondait à l’accroissement démographique annuel de l’époque. Par voie de conséquence, la population maro­caine devrait, à l’horizon 2040, flirter avec la barre des 44 millions de personnes.

Ensuite, la structure de nos villes et campagnes devrait connaître une évolu­tion radicale, voire une mini-révolution, puisque nous passerions d’une proportion de 3 «citadins» pour 2 «ruraux» actuel­lement, à 3 «citadins» contre 1 «rural» à l’horizon 2050, dans une logique somme toute directement corrélée aux évolutions internationales, spécifiquement décrites, par exemple, par Alfred Sauvy lorsqu’il évoquait sa célèbre «théorie du déverse­ment». L’amélioration de la productivité agricole, notamment induite par le Plan Maroc Vert, mais également la tertiarisa­tion de l’économie marocaine, constituent autant d’explications potentielles à ce phé­nomène annoncé.

Parallèlement, les effectifs de la popu­lation jeune devraient décroître, non pas uniquement en pourcentage de la popula­tion totale, mais, beaucoup plus inquiétant encore, tout simplement en valeur abso­lue. Ainsi, les enfants de moins de 14 ans passeraient de 6,7 millions, aujourd’hui, à 5,8 millions en 2050, soit une baisse conséquente, là où la population globale enregistrerait une augmentation marquée, comme indiqué précédemment.

Enfin, conclusion liée au postulat pré­cédent, la population de plus de 60 ans devrait, du fait notamment des progrès de la médecine et de l’amélioration générale des conditions de vie, plus que tripler, pour dépasser, en 2050, les 10 millions de personnes, contre un effectif de 3,2 mil­lions, actuellement.

En d’autres termes, au titre de cette étude du Haut-Commissa­riat au Plan, la population maro­caine devrait, à l’horizon 2050 : croître substantiellement (certes à des niveaux inférieurs à ceux observés lors du siècle précé­dent, mais à des standards tout à fait appréciables), se concentrer de plus en plus dans les villes, au détriment des campagnes, compter de moins en moins de jeunes, y compris en valeur absolue et voir ses effectifs, de plus de 60 ans, plus que tripler, pour dépasser la barre des 10 millions de citoyens.

Or si aujourd’hui déjà, l’évolution du rapport démographique des caisses de retraites (ratio cotisants sur retraités) in­terpelle -voire inquiète- de très nombreux observateurs, en rappelant notamment qu’en 1980, le Maroc comptait 15 actifs pour 1 seul retraité, ratio dégradé à moins de 5 actifs par retraité, aujourd’hui, les projections sus-évoquées des populations jeune (futur « réservoir », pourvoyeur, de cotisants) et de plus de 60 ans (retraités) semblent indiquer une réduction, à terme, des cotisants aux régimes de retraites, et un accroissement très marqué des bénéficiaires de ces régimes.

Le constat serait bien entendu encore plus alarmiste si l’on évoquait l’augmen­tation prévisionnelle, fort heureusement d’ailleurs, de l’espérance de vie de la population marocaine, qui supposerait le versement des cotisations de retraites sur une plus longue durée que ce qu’il en est actuellement. Et ce, sans évoquer le cas spécifique des fonctionnaires marocains, pour lesquels la retraite servie demeure très conséquente (elle correspond actuel­lement, en moyenne, à plus de 85% du dernier salaire perçu).

Comment pallier donc la situation ac­tuelle, et tenter de contrecarrer une défail­lance semblant inexorable, au regard de la compression annoncée de la population active et de l’augmentation de celle des bénéficiaires de régimes de retraites, avec des pensions à servir, a fortiori, sur une plus longue durée, du fait de l’allongement de l’espérance de vie ?

De manière purement objective et ra­tionnelle, les solutions semblent simples : augmenter le montant des cotisations, aug­menter la durée de prélèvement des coti­sations (prosaïquement, décaler l’âge de départ à la retraite), réduire les pensions à servir, ou une combinaison plus ou moins heureuse de ces axes. L’on pourrait égale­ment évoquer d’autres potentialités, telles le financement du déficit des caisses de retraites par l’endettement public, mais cela concourrait tellement à générer une aggravation des problématiques en jeu qu’il ne s’agit guère là d’une option recevable.

Toutefois, un gouvernement marocain aura-t-il le courage politique d’anticiper une faillite annoncée des systèmes de re­traite, en y sacrifiant l’immédiateté du jeu politique, et en souffrant de s’attirer les foudres de fonctionnaires, de salariés du secteur privé, de syndicats…?

Restons optimistes, mais point naïfs…

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