Quand les autres disent « cornu », Benkirane dit « fourchu »

Cela fait déjà plus d’un mois que le Roi a fait savoir au chef du gouvernement désigné son agacement par le biais de ses deux conseillers Abdellatif Mennouni et Omar Kabbaj. Ces derniers lui ont fait part « des attentes de Sa Majesté le Roi et de l’ensemble des Marocains au sujet de la formation du nouveau gouvernement » en précisant qu’il était urgent de le former. Pourtant, et contrairement à toute attente, il défraie la chronique, encore une fois,avec son communiqué qui s’ajoutera aux annales et à ses sorties médiatiques. Avec sa fameuse phrase « il n’y a plus rien à dire », il a freiné le processus des tractations, lui qui est chargé de la constitution de l’Exécutif, faisant ainsi fi des instructions royales. Quoiqu’on dise, il demeure le responsable N°1 du blocage attendu que les autres partis sont libres d’accepter ou de réfuter ses « propositions » qui voilent à peine ses caprices pour ne pas dire ses conditions qui répondent aux équations calculées. Si aujourd’hui, l’entrave persiste c’est parce que chacun des leaders des partis, à quelques exceptions près, n’ont probablement plus confiance en Benkirane. N’a-t-il toujours pas usé du pouvoir et pris des décisions unilatérales rappelant à chaque fois que le gouvernement c’est lui ? Preuve, s’il en faut une, est l’emploi majestueux du « JE » dans ses déclarations sans impliquer les autres membres du dernier gouvernement dans la prise de décision.

Les dirigeants des partis, qui aujourd’hui lui mènent la tâche dure, ne seraient-ils pas en train d’assurer leurs arrières ?En tout cas, si chacun des acteurs de cette pièce à la Molière,qui devient ennuyeuse, y cherche son compte, celui du peuple ne fait certainement pas partie des priorités des uns et des autres. L’économie s’en ressentira à coup sûr en plus des grands chantiers et projets qui sont en suspens.

PJD et Istiqlal, un mariage en suspens

Ce qui devait arriver arriva ! Lundi 16 janvier, les  députés ont élu leur président qui n’est autre que Habib El Malki, d’ailleurs candidat unique au poste ! Le lendemain, la liste complète des nouveaux responsables de la première chambre est dévoilée et toutes les structures ont été désignées. En élisant alors ses instances, la Chambre des représentants apporte du nouveau sur la scène politique et nous fait passer à une autre étape du jeu. Cette « trouvaille » de la dernière minute signe une première dans l’Histoire du Maroc après plus d’une centaine de jours de blocage et d’attente d’un gouvernement dont les contours s’estompent à chaque fois, selon les caprices des uns et la versatilité des autres.

Le coup de boutoir est dès lors déclenché sur les réseaux sociaux en effervescence et les médias qui se déclarent leur guerre appuyant un des partis ou descendant un des noms qui défraient la chronique, en ce moment de forte turbulence.

Et comme chaque jour apporte son lot de surprises depuis quelque temps, dans son édition du mercredi 18 janvier, le quotidien de l’Istiqlal,  Al Alam revient sur la scène spectaculaire du retrait du groupe istiqlalienlors de la séance plénière consacrée, lundi à l’élection du Président du Parlement. Le porte-voix du parti de la Balance apporte ses explications sur les vrais motifs du retrait des 46 parlementaires qui ont quitté l’hémicycle pour manifester leur désapprobation quant à la position du PJD lors de ladite élection.

Alors que le groupe de l’Istiqlal, qui était prêt à soutenir un éventuel candidat du PJD, se préparait à une coordination avec ses homologues du PJD, il apprend, non sans exaspération, par un communiqué rendu public, que désormais Abdelilah Benkiraneavait la latitude pour agir au nom de son parti grâce à la dérogation qui lui a été accordée. Et ce n’est que deux heures avant la séance de l’élection que la direction du PJD contacte le groupe istiqlalien pour lui apprendre que le Secrétaire général a décidé de voter blanc.

Coup de semonce contre infidélité ?

Face à cette conduite désinvolte et discourtoise, l’Istiqlal a refusé de se plier aux directives du PJD au moment où il comptait sur le dialogue et la concertation. Il a donc a préféré quitter la salle n’approuvant pas le flou qui entoure la scène politique.

De ce fait, en votant blanc, le PJD a suscité la colère du parti de la Balance qui craint que ce ne soit une sorte de compromis politique  afin que Abdelilah Benkirane sauve ou préserve ce qui lui reste à arracher surtout que les négociations avec les partis de l’opposition restent infructueuses. Coup de canif de la part de Benkirane ? On ne saurait trop le dire mais peut-être que c’est un coup de revers qui coûtera cher au chef de gouvernement désigné qui trouve du mal à garder ses « alliés ».

Par ailleurs, le plus cocasse est que le PJD ait voté blanc alors qu’il s’était abstenu de présenter un candidat sous sa couleur. Décision plutôt saugrenue qui ne veut dire qu’une chose : « je ne vote pas pour vous mais je vous laisse toutes les chances pour gagner ». Peut-on dire alors qu’en voulant ménager la chèvre et le chou, Benkirane se montre prêt à passer sous les Fourches caudines juste pour se ménager une porte de sortie ?

C’est dire qu’on assiste à un jeu de complaisance malsain où les dirigeants politiques se renvoient l’ascenseur sous les yeux de vrais militants impuissants et d’électeurs frustrés. La politique du troc bat son plein.

Mais coup de théâtre ! Le PI remue les cartes dans l’Edito de son porte-voix officiel dans son édition du 20 janvier et confirme qu’il fait toujours charrue avec le PJD et qu’ils se mettent à la stratégie « par ensemble » ! Si le PI ne lâche pas le morceau, il y a toujours des « mais » qui ponctuent l’article. Ceci dit, le peuple est mal engrangé entre ses partis politiques qui cherchent à le mettre en boîte.

A quand donc le gouvernement Benkirane III ?

Il est évident que l’agitation à laquelle on assiste aujourd’hui  autour de la constitution du gouvernement n’est pas une simple échauffourée. Bizarrement, elle nous met face à un entrisme à peine voilé qui anime les volontés politiques en vue d’avoir la mainmise sur les institutions et les départements vitaux pour le pays et dont les ruines risquent d’être très désolantes.

En tout, cas et alors que l’on croyait qu’entre le chef du gouvernement désigné et celui qui allait être son « allié », le président du RNI, des compromis prenaient forme, des rebondissements de la dernière minute remettent les compteurs à zéro. Nous revoilà donc à la case départ en raison de coups de bec, pour ne pas dire de coups tordus. Si l’un fait un caprice électoral, l’autre use abusivement d’une feinte transparence et affiche ostentatoirement leurs différends de façon à se faire passer pour une victime.

Dans un contexte international qui est loin d’être facile, cette situation du retour au statu quo ne profite pas à notre Royaume dont on veut faire un Etat de droit et de démocratie, où Benkirane et Akhannouch campent sur leurs positions et tirent la couverture chacun de son côté. Piètre notion de l’intérêt suprême du pays quand la panne économique est négligée, quand l’avenir du pays est en suspens et que les enjeux sont ignorés par ceux qui comptent décider de son sort pour cinq ans à venir. Ceci dit, ce blocage à constituer un gouvernement à la hauteur des attentes du peuple et de la vision Royale semble comme une mission impossible. Il est vrai que ce n’est pas catastrophique dans d’autres pays où ces crises politiques sont habituelles à savoir l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et dernièrement l’Espagne. Mais pour le Maroc, c’est une première dans la mesure où cette situation de crise porte préjudice au processus, à la  crédibilité des institutions et des règles élémentaires du respect des électeurs.

In fine, respecter la Constitution s’impose mais d’autres contraintes s’invitent sur la scène et exigent une intervention suprême imminente afin de débloquer la situation.

Or, loin d’être pressé par les attentes du peuple ni même par celles du Roi, et au lieu de s’en soucier et de trouver un consensus pour déblocage et formation d’un gouvernement qui se fait désirer ardemment, le chef de gouvernement baigne dans sa torpeur et ses grabuges. Toujours emmitouflé dans les jupons du PJD, il a du mal à bien porter son titre de chef de gouvernement et par manque de tact, de finesse diplomatique et politique, il réussit toujours à éparpiller autour de lui ceux qui sont censés être ses alliés et les discrédite un à un tout en s’agrippant au fauteuil, chasse gardée, au prix de la défaite de la nation sur le plan social et économique.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page