Benkirane-Benabdellah : Quand l’audace fait pousser les ailes d’Icare

 

Il est clair que le Maroc a changé ! Preuve en est s’il en faut une, le communiqué du Cabinet Royal du 13 septembre qui recadre M. Nabil Benabdellah, ministre de l’Habitat et de la politique de la ville et Secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme suite à des déclarations irresponsables pour le moins que l’on puisse dire. « En rendant public ce communiqué explicatif, le Cabinet Royal tient à lever toute équivoque au sujet de ces déclarations, eu égard à leur caractère important et dangereux, d’autant plus que ces déclarations émanent d’un membre du gouvernement, et que la personne visée occupe actuellement la fonction de conseiller de SM le Roi et qu’elle n’a plus aucune relation avec l’action partisane« , lit-on dans le communiqué qui ajoute aussi que les déclarations du secrétaire général du PPS « sont en contradiction avec les dispositions de la Constitution et les lois qui encadrent la relation entre l’institution monarchique et toutes les institutions et les instances nationales y compris les partis politiques« .

On ne peut plus clair ! Mais de quoi s’agit-il au juste et qu’est-ce qui a valu à Nabil Benabdellah les foudres du Palais qui considère que « les récentes déclarations de M. Nabil Benabdellah, ministre de l’Habitat et de la politique de la ville et secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme, sont un outil de diversion politique en période électorale, qui requiert de s’abstenir de lancer des déclarations non-fondées » ?

Qui s’assemble, se ressemble !

Le ministre de l’Habitat aurait déclaré lors d’une interview donnée au confrère Al Ayyam, parue le 8 septembre que le problème de son parti «n’est pas avec le PAM comme parti, mais avec celui qui est derrière et qui personnifie le tahakoum  ». Insinuation à peine voilée qui s’attaque directement au Conseiller du Roi, Fouad Ali El Himma alors que celui-ci a quitté les loges du parti depuis longtemps déjà.

En faisant preuve de vétille puérile tout en prenant ses aises et en versant dans ses bavures répétitives, monsieur le ministre était à mille lieues d’imaginer qu’il allait prendre un billet de parterre devant le Palais qui l’a pris au bond après avoir mesuré sa dimension.

Si Nabil Benabdellah n’avait pas marché dans les pas du Chef de gouvernement avec lequel il joue dans la même cour depuis qu’ils ont scellé leur alliance en vue des élections législatives du 7 octobre malgré toutes les différences qui existent entre les communistes et les islamistes, il se serait certainement épargné de se faire reprendre de volée tout en se faisant taper sur les doigts. Mais l’opportunisme politique joue parfois bien des tours regrettables.

Par ce rappel à l’ordre, autant tirer plusieurs moutures du même sac et s’adresser du même coup à Abdelilah Benkirane, puisqu’ils sont désormais du même côté de la barricade qui fait de « Attahakkoum » une antienne qu’ils ne cessent de remettre en boucle et qui nous rappelle le slogan du PJD de 2011 à savoir « la lutte contre la corruption ». Sauf que paradoxalement, le chef de gouvernement qui n’arrête pas de brandir en étendard son dévouement et sa loyauté envers la Monarchie allant même jusqu’à dire que son parti serait prêt à quitter le gouvernement plutôt que de contrarier l’institution monarchique, ne tarde pas à étaler ses positions plutôt d’opposant lors de ses meetings. Serait-il donc bipolaire ou serait-ce ses vieux souvenirs qui refont surface?

En effet, tout observateur ordinaire de la scène politique sera certainement d’accord que le quinquennat de Benkirane est passé par trois grandes étapes. Son arrivée au pouvoir était conçue comme une sorte de catalyseur qui a calmé les esprits à un moment où le monde arabe était en ébullition. Toutefois, les illusions des Marocains n’ont pas tardé à s’envoler en poussière chemin faisant. Les réformes osées du chef de gouvernement ont vite suscité la colère des citoyens qui ont vu leurs libertés se rétrécir comme une peau de chagrin, en plus des répercussions flagrantes d’une incompétence de gouvernance sur le plan économique et social. Aujourd’hui, le peuple retient son souffle et prend en grippe Abdelilah Benkirane qui en voulant chasser le naturel, celui-ci le rattrape par la nuque.

S’il a toujours tiré son épingle du jeu, son stratagème le trahit de plus en plus. Tout en s’efforçant de montrer la bonne foi du parti de la Lampe à composer et à collaborer avec la Monarchie, il n’a jamais pu cacher son allergie épidermique quant au parti Authenticité et Modernité, celui-ci même qu’il a toujours laissé croire que c’est le parti de l’Etat et donc protégé.

Diversion politique en période électorale

On ne peut parler de cet incident sans nous rappeler la fameuse sortie du chef de gouvernement qui, en s’emmêlant les casquettes, a laissé entendre qu’au Maroc, il y a « deux gouvernements » à savoir celui qu’il dirige et celui dont le Roi tirerait, en catimini, les ficelles. Il ne savait pas, lui qui tire à hue et à dia, qu’il tirait à boulets rouges directement sur le palais ou peut-être qu’il voulait véhiculer un message implicite ? Tirer dans les jambes du Roi pour tirer la couverture à soi dépasse l’ambition démesurée d’un chef de gouvernement qui chausse une pointure trop grande pour lui.

Ces contresens nous interpellent à l’approche des élections législatives du 7 octobre, alors que le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad est sur tous les fronts et multiplie ses sorties pour tirer la sonnette d’alarme et rappeler à tous les partis politiques que ce scrutin doit être « intègre et transparent » par respect pour la volonté et les directives Royales soulignées dans le discours du Trône.

Or, qu’un chef de gouvernement se comporte ainsi et qu’un ministre accuse presque ouvertement un Conseiller du Roi d’ingérence juste à quelques semaines des élections et juste quelques semaines après le discours Royal du 30 juillet où le Souverain a dit clairement « Je ne participe à aucune élection et n’adhère à aucun parti. Car Moi, je suis le Roi de tous les Marocains, candidats, électeurs et aussi ceux qui ne votent pas […] le seul parti auquel Je suis fier d’appartenir, c’est le Maroc », nous fait penser qu’ils cherchent à faire naître et nourrir la suspicion quant à la transparence des élections et à la crédibilité de leurs résultats.

C’est à se poser des questions ! Qui vise-t-on au juste ?

 

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