Best-seller : « L’histoire d’un écrivain à la dérive »

Après son premier roman «Le Job» qui a été bien accueilli par la presse, les lecteurs, et couronné par le prix littéraire de la Mamounia, Réda Dalil récidive avec un deuxième roman «Best-seller». C’est l’histoire abracadabrante d’un écrivain en panne d’inspiration et d’écriture. Un voyage dans la tête de Bachir Bachir, l’écrivain, une tête qui bouillonne et dans laquelle se mêlent dans le désordre, le passé, le présent et l’avenir.

Un passé lourd à porter

Du passé, Bachir Bachir revient sur les traces de sa famille. Un père brillant, honnête, portant l’intégrité comme camisole au moment où ses collègues raflaient tout : argent, terrains… Un fonctionnaire modèle mais qui naviguait à contre-courant. A 36 ans, Bachir Zouhair –le père- était abandonné d’une part par l’administration et de l’autre par sa femme Nejma, qui a fait fortune en le troquant contre un cheikh du Moyen Orient en lui laissant deux enfants à charge. Après 29 ans de séparation, cette dernière surgit et essaye de récupérer la « smala ».

Complicité, mariage et divorce

A 24 ans, fraîchement diplômé, Bachir Bachir tombe amoureux de Fedwa qu’il a rencontrée en Floride à Walt Disney. En Boys Boy, sorte de serpillère humaine ou un « BOB l’éponge », il travaillait au restaurant le Marrakech. Sa dulcinée, elle, était affectée à l’accueil pour son sourire et sa beauté à la Kardashian de l’Atlas.

Leur histoire d’amour est scellée par un mariage pour le meilleur et pour le pire. De cette union est né Farid. Avec le temps, l’amour tombe comme un soufflé, leur flamme s’éteint et le divorce s’ensuit, puis l’expulsion du domicile conjugal, un enfant à charge pour Bachir, et les traites mensuelles à payer. Celle qui était l’âme soeur a trouvé refuge auprès de Hajji, son éditeur. Ce qui va compliquer les choses au jeune écrivain bien évidemment. Cet éditeur est décrit par l’écrivain comme une sangsue qui s’engraisse de la vanité des scribouillards, siphonne leurs fantasmes et pompe leur foi en un best-seller. Ce dernier avait un autre poulain, Annasi, star montante de la littérature dont le premier roman « Mirages » a battu le record des ventes, tiré à plus de 30.000 exemplaires. Riad Annasi est à la fois un crack, une fortune et un créatif avec un style fluide, capable de séduire le lecteur ; ce qui le place au-dessus du lot. Bachir Bachir, notre héros, est maladivement jaloux. Lui qui a perdu toute confiance depuis le 1er succès de son premier roman le « Jib » dont le style était urbain et frais et qui a attiré plus les trentenaires. L’écrivain a découvert, avec le temps, que son écriture séduisait un public de retardés désireux d’oublier leur âge ou ajourner leur Alzheimer par une lecture fort peu exigeante. De ce fait, les sollicitations des salons littéraires, médias se raréfient et là c’est la panique à bord. Pour apaiser l’angoisse, Bachir Bachir se réfugie dans l’alcool de tous genres et la fréquentation des bistrots.

Un drame dans la famille

livre2 Mis sous pression par un éditeur affairiste et cynique, humilié par une exfemme volage, délaissé par ses lecteurs, boudé par les médias, Bachir Bachir avait perdu une famille, sa femme, son fils … Et comme si ce n’est pas suffisant, il reçoit 47 appels et 14 sms de la part de son ex-femme pour lui annoncer qu’un pitbull a dévoré le visage de Farid, son fils. Bachir Bachir se trouve dans le désarroi total. Il faut trouver de l’argent pour soigner le fils qui demeure son unique ancrage à l’humain.

Le miracle se produit

 Cette traversée de désert n’a fait que trop durer. Bachir Bachir, en totale déchéance, n’arrive plus à suivre son train de vie et se trouve dans une sérieuse impasse. Lors d’une nuit arrosée chez Annassi, qui fêtait son dernier roman, où tout le gotha Casablancais était là, le miracle se produit. Dans le bureau de Riad Annassi, Bachir Bachir découvre le graal, un manuscrit. Il n’aura d’autre choix pour continuer à exister, que de commettre l’irréparable s’il cède à la tentation. Le roman de Réda Dalil est un récit narratif et descriptif, avec une écriture fluide et aérée rendant le roman agréable à lire. Le récit est très attachant et accrocheur et maintient le lecteur en haleine.

Cinq questions à Réda Dalil

  • Maroc Diplomatique _ Après une brillante carrière dans le monde des finances, vous vous convertissez en homme de littérature et d’écriture. Que représente celle-ci dans votre vie?

– Réda Dalil : L’écriture qu’elle soit journalistique ou littéraire est toute ma vie. C’est ce que je fais, c’est ce pourquoi je suis destiné. Comme tout le monde, lorsque j’étais étudiant, il a fallu faire un choix pragmatique. Si j’ai opté pour la finance c’est pour avoir une chance de m’en sortir matériellement plus tard. Les choses ont évolué selon ce que j’avais planifié, et, le diplôme en poche, je me retrouve à gratter du chiffre sur un ordinateur à longueur de journée. Tâche fastidieuse et rébarbative. Il a fallu un déclic pour abandonner cette petite vie douillette et rangée que je m’étais confectionné par conformisme et exercer le métier qui me tenait véritablement à coeur : écrire.

  • Votre premier roman le « Job » a été un grand succès, un best-seller si on peut dire. Y a-t-il un point commun avec votre second ouvrage?

– Oui, jusqu’à une certaine mesure « Le Job » est une autofiction. Ce qui est aussi le cas de « Best-seller ». Je ne suis pas un auteur à imaginaire. La plupart des idées qui me viennent sont puisées de mon quotidien. J’essaie ensuite de lustrer les faits banals de la vie, d’en magnifier la portée, de les imbriquer dans une trame. C’est comme cela que j’écris. Je recycle ce que je vois, ce que je vis en poussant des épisodes anodins de mon train habituel vers une dimension plus extrême. En outre, j’exorcise des frustrations qui m’habitent. Par exemple, dans Le Job, je m’insurge indirectement contre le néolibéralisme sauvage qui régit nos sociétés, tandis que Best-Seller est une parabole du mépris dont fait souvent l’objet l’artiste, l’écrivain, celui qui n’est pas inscrit dans une trajectoire classique : métro, boulot, dodo, épargne, crédit etc.

  • Après le prix reçus pour le « Job » ? «Best-seller» prend le chemin de la gloire et figure parmi les livres en lice pour le Prix littéraire Arabe. Quel effet cela vous fait-il de représenter le Maroc ?

– Une immense fierté comme vous pouvez l’imaginer. J’espère pouvoir aller jusqu’au bout. Mais je fais face à de brillants auteurs, dont certains comptent plusieurs short-list de prix à leur actif. Vous savez, la sélection en soi me remplit de bonheur. L’idée qu’un texte sur lequel vous avez sué sang et eau pendant deux ans, soit remarqué, lu, reconnu, vous fait dire que tout cet effort n’a pas été vain.

  • Dans « Best-Seller », l’histoire commence avec un regard acerbe sur le champ littéraire marocain, que cela soit au niveau de la condition d’écrivain, du rapport avec les éditeurs ou des lieux de culture. Cela traduit-il votre pensée?

 – Je grossis un peu le trait. Mon personnage est plutôt désabusé et puisqu’il s’exprime à la première personne du singulier, beaucoup de lecteurs ont tendance à croire que ses opinions s’apparentent aux miennes. Certes, il écrit, c’est donc un artiste, un rêveur, il est doté d’une certaine sensibilité, mais au fil du temps et des épreuves, son idéalisme a laissé place à une sorte de cynisme empreint de frustration, d’un vague à l’âme permanent dû à l’impossibilité, pour un écrivain marocain, de vivre de sa plume. Cela est possible ailleurs, mais pas chez nous. C’est donc contre cet état de fait que mon personnage s’insurge.

  • Vous ne faites pas dans le style pompeux et choisissez plutôt un style simple et fluide. Êtes-vous des écrivains qui prônent la simplicité et l’accessibilité dans l’écriture comme outils de beauté stylistiques ?

– Aucun écrivain de bonne foi ne peut nier qu’il écrit d’abord et avant tout pour être découvert, lu, critiqué … etc. Mais, je n’irais pas jusqu’à dire que mon style est prémédité ou conditionné par les attentes supposées d’un lectorat type. Je ne me positionne pas en fonction d’un goût général, je n’essaie pas d’exploiter un filon. Il serait proprement impossible de rédiger un roman de 300 pages selon une formule standard, destinée à fonctionner mécaniquement. Non, j’écris comme j’écris sans vraiment me livrer à une recherche stylistique effrénée. Je ne suis pas un adepte du culte de la belle phrase. J’essaie d’instiller autant de sincérité que je peux dans mes livres, tout en donnant la part belle à l’histoire dont je prends grand soin à fluidifier le déroulement.

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