Boycott : on joue avec la crédulité du peuple, on casse l’économie et on monopolise le pouvoir …

Par Hassan Alaoui

Cela fait huit semaines que la campagne de boycott tient en haleine l’opinion publique et se réinvente chaque jour dans ses modalités. Dans la forme et dans le fond, elle interpelle les pouvoirs publics, notamment un gouvernement au départ d’autant plus inerte, aseptisé au point de paraître, à sa décharge, comme l’immaculé complice.

Le gouvernement est apparu désarmé, à coup sûr. Et le Parlement s’y est substitué, assistant à la montée sur l’estrade de quelques boutefeux dont on s’est demandé s’ils n’étaient pas en mal de reconnaissance et de publicité. Emboîtant le pas aux réseaux sociaux, à des milliers de vidéos, de texto sur facebook et twitter, ils ont vite fait de bafouer la règle élémentaire de courtoisie, s’en prenant à quelques collègues, parfois au président des séances. L’enceinte du parlement incarne évidemment à la fois l’exercice de la démocratie au quotidien et la volonté du peuple. Sauf que le monopole du peuple, personne ne le détient et ne saurait s’en prévaloir, encore moins certains élus ou partis, encore dix fois moins certains leaders qui surfent sur le populisme et la détresse des populations pour redorer leur blason ou se refaire une virginité.

L’emballement avec lequel la campagne du boycott s’est déclenchée, est demeurée impressionnante ; elle n’a pas son précédent. Et c’est la raison pour laquelle, prenant de court à la fois les pouvoirs publics et une large partie de l’opinion, elle a ciblé trois grands groupes qu’elle a accusés de tous les maux, avec des mots où se mêlent l’invective, l’insulte voire la haine.

Vingt-six jours après, elle nous interpelle toujours. Et dans la foulée nous nous interrogeons sur certains dérapages de langage et parfois des actes de violences qui l’ont marquée, alors qu’elle gagnait en sympathie les uns et les autres. Bien sûr, elle a révélé au premier abord un sens aigu de la responsabilité et de la mesure chez la grande majorité des populations et, ce faisant, constitué peut-être – comme certains en sont tentés de l’affirmer – une leçon de civisme.

Or, passé l’emballement, la réalité nous a rattrapés par la nuque. On a compris, en tout cas tous ceux qui suivent attentivement la campagne de boycott dans sa dimension multiple, qu’elle vise comme des tirs groupés de « snipers » trois groupes et non des moindres. Et il nous est même apparu qu’Aziz Akhannouch, président du groupe Akwa,  ministre de l’Agriculture et président du Rassemblement national des indépendants (RNI) est dans l’œil du cyclone, pour sa double casquette politique et financière. Victime unilatérale d’une terrible « akhannouch-bashing » comme en savent fabriquer les réseaux sociaux et les pernicieux stipendiés derrière, il a néanmoins préféré la discrétion à une sortie publique. On lui sait gré de cette attitude digne, lui que l’on soupçonnait à tort ou raison d’avoir le tempérament intempestif et réactif.

Or, preuve par deux s’il en faut , son adversaire politique connu, qui a eu la charge de diriger le gouvernement pendant 5 ans sans aucune envie de lâcher prise, doit se frotter les mains…Pourtant encore, c’est lui – ce leader islamiste – qui un certain soir en 2015 , devant les chaînes de télévision l’air mi-triomphal, mi-goguenard , avait annoncé : « Je relève le prix du gazoil » ! Ce propos péremptoire lâché comme une sentence, les boycotteurs d’à présent l’ignorent ou préfèrent le passer sous silence, tandis que les consommateurs en payent le prix fort.

En extrapolant la réflexion, on pourra rappeler aux uns et autres, sans rentrer dans le jeu morbide des finasseries qui tenteraient les brillantissimes économistes, que le même ci-devant chef de gouvernement avait tout fait pour anéantir et supprimer la Caisse de compensation, à la différence de tous les gouvernements qui l’ont précédé, fussent-ils de « droite » ou de « gauche »…Il ne croyait pas si bien dire et faire pour priver les populations de ce soutien émanant de la Compensation qui, volens, nolens soutenait les ménages. L’inflation qui a atteint des prix vertigineux se rappellera à coup sûr de ce petit coup de pouce.

L’ancien chef de gouvernement, qui a bloqué à la fois sa relève à la tête du PJD et celle à la tête du gouvernement pendant six mois,  n’a-t-il pas marqué son feint « étonnement » au cinquième jour du boycott avec cette phrase sibylline : « Je ne comprends pas pourquoi on boycotte Oulmès et Danone… ! » Sans toutefois citer Afriquia ! Il n’en avait pas besoin, à vrai dire, le non dit est là, explicite et gros comme l’erreur. Comme dit l’adage, « honni qui mal y pense » ! Les économistes, planificateurs et fixateurs des schémas de progrès d’un pays, peuvent-ils expliquer qu’un chef de gouvernement puisse augmenter le prix du gasoil pour les citoyens et, en même temps, enterrer la Caisse de compensation puis diminuer drastiquement les subventions de l’Etat ? Pis : le même responsable qui a totalement libéré les prix un 1er décembre 2015, a abandonné le champ aux opérateurs et distributeurs avec cette consigne implicite : « A vous la manœuvre ! faites-en ce que vous voudrez ! ».

« Un pas en avant, deux pas en arrière » ( Lénine)

Aujourd’hui, on assiste à une cacophonie ahurissante entre le chef de gouvernement, Saad Eddine El Othmani tenu par son devoir de réserve à une certaine neutralité, et la base du PJD où trônent encore les affidés de Benkirane. La séquence du boycott a plané sur eux comme l’oiseau géant à double ailes, elle a révélé les dysfonctionnements et les postures contradictoires. Le chef du gouvernement, dans un premier temps, a annoncé son soutien aux boycotteurs – tout à son honneur -, ensuite son porte-parole a cru dans un premier temps, appuyer le propos et mettre en garde ceux qui s’amusent à mettre en péril l’économie – entendez-par là les brigades électroniques. Mustapha El Khalfi, a affirmé « que la loi actuelle sera révisée « car personne ne saurait accepter que l’on véhicule des informations erronées pouvant porter atteinte à la réputation du pays et à son économie« . Enfin, dans un sursaut rhétorique, c’est à El Othmani de procéder à la méthode de Lénine : « Un pas en avant, deux pas en arrière » ! Devant la Chambre des Conseillers , réunie lundi, El Othmani a souligné « la détermination du gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour défendre les intérêts des citoyens, appelant les producteurs d’aliments à forte consommation ainsi que les professionnels de la distribution et les commerçants à entreprendre des initiatives pour baisser les prix, alléger le fardeau sur le panier des ménages et booster la consommation intérieure »…

Il est à noter qu’au moment où le chef du gouvernement ruait sur les brancards devant la Chambre des Conseillers lundi après-midi, le secrétariat général du PJD concoctait le « niet » définitif à tout positionnement non-conforme à ses postures initiales en matière de boycott et que ses « lanceurs d’alertes » ont nourri. L’appel au plafonnement des prix du super et du gasoil , bien sûr, constitue une bonne nouvelle ! C’est le pragmatisme économique, la Raison d’Etat et l’intérêt de tous, mais c’est un constat d’échec lamentable et un aveu ! De la même manière que la perfide campagne menée tambour battant contre les 3 marques nationales – Afriquia, Sidi Ali et Danone – qui participent d’un ahurissant lynchage et relève de la tactique politique. Le montant que les Eaux minérales versent à la Commune est à proprement parler une preuve plus que tangible qui accable un avocat de son état, à la langue fourchue, venu déblatérer sur les vidéos de quelques sites sur une prétendue « exploitation » du village d’Oulmès par la compagnie au nom éponyme…

Nous n’avons pas fini, à dire vrai, avec la médiocrité rampante qui caractérise la gestion économique et sociale de notre pays depuis 2011…Le spectre du populisme est inscrit sur le fronton des coteries islamiques, si fort, qu’il nous interpelle : l’instrumentalisation des sentiments du peuple est une voie dangereuse !

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