Changer autrement, changer maintenant !

Par Bouchra Louizi

Parler de l’avenir est le métier des prospec­tivistes. Un métier d’expert qui selon le centre d’études ProJective «consiste à donner du sens à ce que nous voyons, entendons, lisons et percevons, afin de mieux comprendre quelles formes le futur pourrait prendre». En France, le printemps de la prospective est fêté depuis cinq ans à Reims. Aux Etats-Unis, en Chine et en Russie, les moyens financiers consacrés à la prospective se comptent en milliards, tant les enjeux sont importants. Au Maroc, l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES) a mis en place le Panel International des Prospectivistes (PIP), avec une deuxième rencontre program­mée ce mois de mai.

Les prospectivistes sont donc aujourd’hui interpellés sur l’avenir mais aussi sur l’ampleur des changements, sur leur accélération et sur leur impact, notamment en termes d’obsolescence des connais­sances et de pertes d’emplois.

A l’ère du digital

D’ici 2030, avec la révolu­tion numérique, le développe­ment de la robotique et l’ex­plosion du digital, plus de la moitié des métiers que nous connaissons sont appelés à disparaître.

Des camions pourront bien­tôt circuler sans chauffeur et des pizzas seront livrées sans li­vreurs. Aujourd’hui déjà, avec le développement des chaînes de production automatisées, la nature du travail ouvrier a considérablement changé. Dé­sormais, l’ouvrier programme des machines complexes dans la chaîne de production. Avec les progrès de la robotique, ces évolutions vont s’accélérer, toucher un plus grand nombre et, par conséquent, impacter les compétences et les modes d’organisation.

La majeure partie des nou­veaux métiers sont d’ailleurs encore quasiment inconnus.

Ce monde qui est, au­jourd’hui, en perpétuelle transformation génère des in­quiétudes, des incertitudes, des interrogations. Et plus l’incer­titude est grande plus le besoin de sens s’accentue chez l’indi­vidu. Si l’on tient compte du fait qu’une menace commune peut aussi être fédératrice, il paraît évident de comprendre la nécessité de resserrer les rangs pour accompagner le changement.

Changer autrement, changer ensemble

Aujourd’hui, les organisa­tions les plus performantes sont celles qui veillent à préserver certains équilibres subtils et qui pensent solidai­rement le changement.

Comment alors dévelop­per des approches inclusives qui favorisent innovation et créativité et contribuent à la résilience des individus et des organisations ?

Actuellement, la majeure partie des entreprises défi­nissent et déclinent leur stra­tégie sans réelle implication de la base. Les modes de gou­vernance ont certes évolué, mais ils continuent de souffrir d’une implication au mieux partielle, du middle mana­gement. Le changement est encore souvent décliné trop loin des réalités du terrain par un groupe dominant et des pistes ingénieuses à prendre en compte sont, d’emblée, écartées. Carl Young est le premier à avoir entrevu les bénéfices de la complémen­tarité. Les entreprises com­muniquent c’est vrai, mais leurs approches, faute d’une réelle implication de tous et d’une coopération plus élar­gie, génèrent des pratiques peu efficientes, parfois même perverses, des frustrations en raison d’un manque de re­connaissance et souvent des exclusions.

Où et comment les leaders puisent-ils leur inspiration ? La conduite du changement ne mérite-t-elle pas d’être re­vue en termes d’approche et de paradigme ?

Le coaching des organisations

Le coaching est un métier au coeur de l’accompagne­ment du changement et, bien conduit, il permet d’intervenir en toute humilité et avec éco­logie pour prendre des déci­sions en pleine conscience. Il permet de changer en ayant intégré le contexte et les en­jeux. Il permet une confron­tation avec ses croyances fon­damentales. Il facilite la prise de conscience des impacts dé­sirés et non désirés. Il apporte de la valeur en termes de connaissance de soi, de chan­gement du rapport au temps, de capacité de discernement, et de potentialités permettant d’élargir les champs du pos­sible. Des outils, utilisés en support, sont déployés pour mobiliser toutes les énergies positives et des démarches in­novantes favorisent prise de recul, motivation et créativité.

Prendre le temps par des démarches appropriées pour valoriser les réussites, repé­rer les ressources clés, laisser place à l’inspiration pour rê­ver ensemble le meilleur che­min à suivre et veiller à ne laisser personne sur la route, relève du possible. Les ap­proches de type Appréciative Inquiry inspirent les coachs ,car plutôt que de réfléchir en termes de résolution de pro­blèmes, elles permettent de faire reposer le changement sur les expériences positives du passé et de s’interroger sur les conditions de succès. Les professionnels de l’accom­pagnement des organisations font aussi appel à d’autres ou­tils pour aboutir à une vision commune, à un changement co-construit, et non décliné par des experts ou consul­tants dont on ne connaît que le nom de l’entreprise qui les emploie.

Les DRH, au coeur des démarches prospectives

En matière des RH, les ap­proches prévisionnelles, en termes de gestion des emplois et des compétences, sont tout aussi importantes. Elles per­mettent, grâce à un travail au plus près des besoins opéra­tionnels, de donner une visi­bilité à cinq ans ou à trois ans sur les fonctions nouvelles, les fonctions récessives et les fonctions en évolution. Mais faute de législation en la ma­tière dans notre pays, elles tardent à se mettre en place, même dans les plus grandes entreprises nationales.

Le DRH pourrait contribuer à la définition de politique et stratégie RH plus audacieuse, plus inclusive car, si la pé­rennité de l’organisation est un devoir, une responsabilité, l’employabilité et la disponi­bilité des compétences clés le sont aussi.

Ces données précieuses sur les emplois récessifs (en cours de disparition) les emplois en évolution et ceux en émer­gence, permettraient pourtant de mieux cibler les besoins en formation et d’enclencher, juste à temps, les processus de reconversions profession­nelles. Le marché pourrait éga­lement les utiliser pour amé­liorer l’adéquation de l’offre à la demande en matière de for­mation, ce qui nous éviterait d’investir encore longtemps dans des compétences en ob­solescence. Aujourd’hui, l’ac­cent est mis sur les soft skills et c’est une nécessité. Cependant, les compétences clés dispo­nibles au coeur de l’entreprise ou sur le marché, représentent également un vrai défi.

Au niveau individuel, l’ac­compagnement du coach avec un outil comme le modèle de Hudson permet de donner du sens au changement en le pré­sentant comme un processus faisant partie du cycle natu­rel de la vie, avec différentes phases qui s’apparentent aux saisons : Le printemps, l’été, l’automne et parfois l’hiver. Pendant cette dernière saison, le changement est là, il n’y a plus qu’à préparer son prin­temps. Car «nous n’avons que le choix entre les changements dans lesquels nous aurons su vouloir et accomplir» Jean Monnet.

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