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Dossier du mois

La condition de la femme et la lutte contre toutes les formes de marginalisation

Zeina El Tibi*, Journaliste franco-libanaise. Présidente-déléguée de l’Observatoire d’études géopolitiques  à Paris et Présidente de l’Association des femmes arabes de la presse et de la communication

Depuis son accession au Trône, le 23 juillet 1999, le roi Mohammed VI a donné une nouvelle impul­sion à la marche en avant du Maroc. À la suite de son grand-père Mohammed V puis de son père Hassan II, il a placé la question de la femme au coeur des enjeux fondamentaux de la modernisation, faisant bouger les choses d’une façon considé­rable. Sur ce point, il est possible de dis­tinguer quatre grandes étapes.

1 – La Moudawana

L’étape essentielle a été la réforme du Code de la famille, la Moudawana par un dahir du 3 février 2004. Parmi les points les plus importants, il faut signaler le relè­vement de l’âge du mariage des filles de 15 à 18 ans, les obstacles mis à la polygamie (la rendant quasi impossible), le divorce judiciaire en lieu et place de la répudiation et le partage des biens en cas de divorce. Plusieurs mesures vont ainsi dans le sens de l’égalité de l’homme et de la femme. La famille est désormais placée sous la «res­ponsabilité conjointe des deux époux» et non plus sous celle du seul mari. Enfin, des dispositions visent à renforcer la protection de l’enfant, qui nouveauté notoire, pourra être confié, sous certaines conditions, à sa mère, même après le remariage de celle-ci. On sait que cette réforme a été tout en­tière voulue et imposée par Mohammed VI qui en avait fixé les grandes lignes dans son discours du 10 octobre 2003. Dans ce dossier, le Roi a adopté une démarche d’ijtihâd afin de faire prévaloir une for­mulation moderne remplaçant les concepts restreignant la dignité de la femme. Il est notable que le souverain a dû vaincre bien des réticences des milieux conservateurs, y compris dans les partis politiques.

2 – L’INDH et la condition de la femme

L’évolution du statut de la femme passe aussi par la lutte contre la pauvreté et la marginalisation. Cette lutte est l’un des grands chantiers du Roi Mohammed VI. Sa vision de la question des droits de l’homme ne se limite pas aux aspects institutionnels et juridiques, ni à certaines mesures et procédures spécifiques, mais elle porte sur des questions très concrètes notamment «les aspects sociaux qui constituent la base de la préservation de la dignité de l’homme». Le Roi a donc défini l’équilibre social du pays comme une prio­rité et il a voulu lui donner une traduction en lançant, en 2005, l’Initiative nationale de développement humain (INDH) visant à désenclaver les zones défavorisées du pays, à lutter contre la précarité et à ins­taller une économie solidaire au profit des catégories les plus démunies.

L’un des axes fondamentaux concerne la promotion de la condition féminine. En effet, l’INDH a pour objet d’apporter une aide significative aux personnes en grande difficulté ou à besoins spécifiques, et sur ce point, elle concerne directement la condition des femmes, spécialement celles des zones rurales et l’intégration des femmes dans le développement. Par exemple, le programme «villes sans bidon­villes» a permis une hausse du taux d’accès des femmes à la propriété du logement. L’INDH a également joué un rôle au pro­fit des femmes en matière d’éducation et d’emploi, et leur intégration dans le déve­loppement y compris dans les provinces du Sahara marocain où la condition de la femme a évolué, depuis la récupération des territoires en 1976, au même rythme que dans le reste du pays, et, peut-être, un peu plus vite encore car il existe dans ces régions une forte tradition d’émancipation de la femme. Celle-ci a donc vite trou­vé sa place dans le mouvement de progrès impulsé par la volonté royale. Et il faut souligner l’apport considérable de la femme dans le développement des provinces du Sud.

3 – Les femmes dans la vie publique

Des progrès conséquents ont été effectués en matière de représenta­tivité des femmes dans la sphère politique. Cette implication politique a été jugée in­dispensable pour donner corps à une égali­té juridique de plus en plus palpable en dé­pit des résistances sociales conservatrices. L’adoption d’une liste nationale réservée aux femmes a ainsi permis d’améliorer nettement la représentation des femmes au parlement. Dans de nombreux discours, le Roi a invité les partis politiques à présenter des candidatures féminines et il ne cesse d’encourager les femmes àparticiper à la vie politique. Par ailleurs, le Roi a mis en oeuvre des réformes visant à favoriser leur accès aux postes de décision, dans l’administration et les établissements pu­blics. De la sorte, les femmes exercent des charges autrefois réservées aux hommes, à commencer par des fonctions de haut niveau : ambassadeur, gouverneur, caïd, commissaire de police, etc. Même le champ religieux a été touché puisque le Roi Mohammed VI a tenu à nommer des femmes pour siéger dans le Conseil su­périeur, les Conseils régionaux et locaux des oulémas ou la récente Fondation des oulémas africains.

4 – La constitutionnalisation de l’égalité

Le principe de l’égalité figure dans la constitution adoptée par le référendum du 1er juillet 2011. Ce texte a permis de nouvelles avancées pour la condition de la femme. Le préambule proclame que le Royaume du Maroc s’engage à «bannir et combattre toute discrimination à l’en­contre de quiconque, en raison du sexe». L’article 19 de la Constitution de 2011 dis­pose que «l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, cultu­rel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution,… dans le respect…des constantes et des lois du Royaume». On peut dire que le texte constitutionnel pré­sente un ensemble de principes normatifs cohérents qui garantissent un statut mo­derne de la femme marocaine.

C’est donc le Roi qui, fort de sa fonc­tion de Commandeur des croyants, lui per­mettant de bousculer les conservatismes et les archaïsmes pour faire évoluer les mentalités, est personnellement à la base des initiatives sociales récentes , en par­ticulier pour l’évolution de la condition de la femme marocaine. L’amélioration constante du statut de celle-ci, tendant désormais vers l’égalité, est tout entier le fruit des efforts de la monarchie depuis la Libération. S’il demeure des facteurs de blocage dans certaines couches de la société, ou dans les partis politiques, les femmes marocaines doivent se souvenir que ceux qui ont fait avancer les choses sont Mohammed V, Hassan II, Moham­med VI. C’est pourquoi, elles comptent sur un Roi moderne et à l’écoute de son peuple pour veiller à renforcer les acquis et à vaincre les réticences. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, on peut encore parler d’exception marocaine.

* Zeina el Tibi est une journaliste franco-libanaise. Elle est docteur en droit public, présidente-déléguée de l’Observatoire d’études géopolitiques à Paris et présidente de l’Association des femmes arabes de la presse et de la communication. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages dont L’Islam et la femme chez DDB (2013) et co-auteurs de L’exception maro­caine, chez Ellipses (2013) et Sahara marocain. Le dossier d’un conflit artificiel aux éditions du Cerf (2016).

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