Donald Trump, le « spectre du déclin » ou la stratégie du chaos ?

Dossier du mois

Dr Mohammed Issam Laaroussi, Professeur des relations internationales

Les dérapages de Trump sur l’échiquier international et l’État profond

Il est indéniablement vrai que la politique étrangère américaine fait, plus que jamais, l’objet d’un débat médiatique virulent, exprimant, à la fois, critiques et inquiétudes de la communauté internationale, suite aux dérapages de Donald Trump, jugés racistes ou discriminatoires prévalant le slogan «America First».

Indifférent aux pratiques établies par l’Administration américaine, le Président Trump opte pour une doctrine de politique étrangère soi-disant isolationniste, affichant ainsi son hostilité, qui s’est traduite au truchement de ses décisions vis-à-vis de certaines affaires internationales importantes, comme par exemple la reconnaissance officielle de la ville d’Al Qods, capitale d’Israël. Une décision qui a remis en cause les efforts diplomatiques, déployés depuis des décennies, par ses prédécesseurs républicains et démocrates, sur la question du statut de la ville sainte. Sans oublier l’adoption des lois interdisant l’accès des migrants provenant des foyers de tension aux Etats-Unis et sa position visà- vis des crises au Moyen-Orient, en Syrie, au Yémen, en Irak et la crise entre le Qatar et ses voisins.

En réalité, il faut prendre en considération – constat communément admis – que tous les ex-Présidents des États-Unis plaçaient les intérêts américains en premier lieu, en empruntant, souvent, les voies diplomatiques et confirmaient les engagements de la Maison Blanche vis-à-vis des affaires internationales. Or, Donald Trump – et contrairement à ses prédécesseurs – envisage de se désengager des obligations et conventions internationales pour récupérer (la grandeur des Etats-Unis). Ainsi, il va jusqu’à considérer que les alliés ne doivent plus bénéficier de la protection américaine en remettant en cause le maintien du système international qui favorise le partage mutuel des intérêts et assure l’équilibre des puissances.

 Cependant, la stratégie de Trump reflète un changement beaucoup plus radical par rapport à ce qui caractérisait l’Administration américaine, en matière de gestion des affaires internationales. Cette vision sceptique et nuisible risque de faire rapprocher la Russie et la Chine, une telle tendance a été consciemment évitée par les administrations démocrates et républicaines. Cela pourrait finir par compliquer fortuitement les relations de coopération avec la Chine, en particulier lorsque cela est dans l’intérêt des États-Unis. Créer des tensions avec la Chine, à long terme, serait donc un choix irrationnel.

Donald Trump a ordonné à ses généraux de bombarder la Syrie et d’engager des manoeuvres navales en Asie. Il a été ovationné par les parlementaires américains, républicains et démocrates, ainsi que par la quasi-totalité des médias, y compris en Europe. De même, il envisage de rectifier ou bannir, définitivement, l’accord nucléaire avec l’Iran «Plan d’action conjoint» et déclarer la guerre contre la Corée du nord. Mais la question qui se pose est celle de savoir si le Président américain dispose des moyens nécessaires pour y parvenir. Et si c’est le cas, est-il sûr de pouvoir atteindre les objectifs escomptés ?

Malgré ses déclarations fracassantes qu’il pourrait déchaîner contre l’Iran et la Corée du Nord, jusque-là, il n’y a pas eu de manoeuvres militaires dans le sens de frappes préventives contre ces deux pays. Et tandis que les options militaires sont, comme toujours, «sur la table», l’approche de l’Administration actuelle consiste, en réalité, surtout en un mélange de renforcements des sanctions et d’incitation à ce que la Chine en fasse plus : une stratégie que trois administrations précédentes avaient privilégiée, sans grands résultats.

 Certes, il existe d’autres centres de pouvoir qui déterminent et influencent les choix du pays en matière de politique intérieure et étrangère aux États-Unis. Mais à ce titre, il est important de souligner le concept connu sous le nom d’exceptionnalisme qui accompagne ces centres de pouvoir, souvent appelés l’État profond.

 Si l’État profond continue à bloquer la présidence américaine et si l’institution militaire réussit à faire pression sur Trump, il est probable qu’il y ait un certain nombre d’effets collatéraux. Il y aura une augmentation exponentielle des synergies entre les pays qui ne sont pas alignés sur les intérêts américains. En termes économiques, il existe des systèmes alternatifs à ceux qui sont centrés sur le dollar. En matière d’énergie, il existe plusieurs nouveaux accords entre des partenaires européens, turcs ou russes. Et en termes politiques, il existe une alliance plus ou moins explicite entre la Russie et la Chine, avec une forte contribution de l’Iran, comme cela deviendra bientôt plus évident avec l’entrée de Téhéran dans l’organisation de coopération de Shanghai.

En fin de compte, le débat aux États- Unis ne porte plus sur l’opportunité de participer aux relations internationales, mais sur les modalités et les objectifs de cette participation : unilatéralisme ou multilatéralisme, valeurs ou intérêt national, soft power ou hard power, respect ou non du droit international, telles sont les lignes de fractures qui parcourent, aujourd’hui, la société américaine et qui questionnent les tendances de Trump sur l`échiquier international mettant en question le slogan «l’Amérique d’abord».  

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page