Femmes marocaines et politique

Dossier du mois

Récits d’expériences vécues

Khadija Idrissi Janati

Entrepreneure, activiste de la société civile et membre du Conseil national du RNI

 

La politique n’est pour moi qu’une forme d’engagement parmi tant d’autres. Mon histoire dans ce sens a commencé tôt, pendant mon enfance. Il se manifestait dans de petits détails d’enfants justement, mais on pouvait le voir : à l’école, j’étais celle qui demande à la maîtresse de reporter l’examen, celle qui accompagne un enfant qui est tombé et qui s’est blessé, celle qui organise les journées nettoyage et décoration de la classe…

Cet engagement a pris d’autres dimensions au fil du temps. Pendant mes études secondaires et universitaires, j’ai intégré des associations et j’en ai créé aussi, du sport au caritatif, en passant par le gouvernement des étudiants.

Une fois dans le monde professionnel, la vie réelle a montré son vrai visage : injustice, précarité, défaillances, absence des fondamentaux d’une vie décente pour beaucoup de personnes et dans plusieurs régions du Maroc… S’engager devient ici un devoir non un choix, mais cette fois avec un nouvel état d’esprit : la société civile fait avancer les choses, mais ce ne sont que les politiques qui ont le pouvoir de les changer. Je me mets donc à la politique, en devenant sympathisante du RNI à partir de 2007 puis membre de son Conseil national en 2011.

Les lectures des résultats des communales et régionales du 4 septembre sont multiples. Ces élections ont eu le mérite d’avoir introduit sur la scène politique de nouveaux acteurs, et surtout d’y avoir amené des jeunes et des femmes qui sont souvent restés loin, par choix ou par contrainte. Elles ont également démontré que le citoyen marocain a pris conscience des enjeux de la politique et de son rôle déterminant dans le choix de ses dirigeants, et a exprimé clairement son mécontentement à l’égard de certains agissements politiques en pénalisant les partis qui les adoptent.

Toutefois, la grande déception de ces dernières échéances électorales est la faible représentation des femmes dans les instances dirigeantes des villes et des régions : 0 femme maire, 0 femme présidente de région et 0 femme présidente de conseil préfectoral. Le message est fort !

Ce fut ma première expérience de campagne électorale. J’avais participé activement à la campagne du RNI pour les législatives 2011, mais comparer les 2 expériences n’est pas pertinent.

La campagne électorale pour les communales est pleine de challenges : l’élaboration du programme, le choix des supports de communication, le recrutement de l’équipe de campagne, la veille… Mais la meilleure partie reste le contact avec le citoyen, qui permet de rentrer dans le détail de ses préoccupations, les comprendre et l’impliquer dans l’élaboration de la solution, et ceci a été ma démarche.

Quant aux obstacles, il y en a assez. Ils ne me concernent pas spécialement, mais concernent toutes les femmes qui se présentent aux élections. Tout d’abord, le caractère machiste de notre société fait que le regard que le citoyen porte sur une candidate femme est différent de celui qu’il porte sur un homme : le citoyen a du mal à prendre les propos d’une femme au sérieux, il sous-estime ses compétences, il remet en cause ses capacités… Notre système électoral ne facilite pas les choses, il ne place pas la femme au même niveau que l’homme, mais la relègue au rang de complément. Les partis politiques sont plus regardants dans le choix des candidats hommes que des femmes, car, pour celles qui se présentent dans la liste des femmes, elles ne sont pas considérées actrices de l’opération électorale. Nous avons souvent entendu : «Elles n’ont pas besoin de faire de campagne, c’est le nombre de votes qu’obtiendra la liste principale à laquelle elle est affiliée.»

La parité au Maroc?

Pour cette question, revenez me voir en 2025, je serai peut-être plus décontractée à vous répondre. Mais pour le moment, j’ai encore du mal à en parler.

Lorsque la loi des élections prévoit un quota de 30% pour les femmes et on ne le respecte même pas, on comprend que le chemin est encore long, et que le travail doit commencer à la base, dans la sensibilisation et l’explication, en donnant comme exemples des pays qui nous ont devancés et qui ont réussi une évolution considérable dans leur société et leur économie en adoptant les principes de parité à tous les niveaux et en mettant en place les mécanismes pour la réussir.

Les résultats du scrutin ne reflètent ni la sociologie du Maroc ni les compétences de ses femmes. Mettre des lois est un grand pas vers l’instauration d’un système qui donne aux femmes leur place, mais reste à faire respecter ses lois par la sensibilisation et la sanction, et ensuite la faire évoluer.

Sur 12 conseils de régions, nous devons en avoir 6 présidés par des femmes et pareil pour les conseils communaux.

Les 15 dernières années ont vu la condition des femmes au Maroc évoluer considérablement avec deux grandes actions : le Code de la famille et la Constitution de 2011. La volonté de permettre aux femmes d’occuper la place qu’elles méritent a été exprimée au plus haut sommet de l’État, le tour est aux politiques.

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