Génocide au Rwanda: les parties civiles redoutent un non lieu pour l’armée française

La justice française a décidé de ne pas entendre l’ex-chef d’état-major des armées dans l’enquête sur les possibles responsabilités de l’armée française lors du génocide de 1994 au Rwanda, ont annoncé jeudi à l’AFP les parties civiles, qui redoutent ainsi un « non lieu« .

La cour d’appel de Paris a confirmé, le 31 octobre, le refus du juge d’instruction d’auditionner l’ex-amiral Jacques Lanxade et son adjoint de l’époque, l’ex-général Raymond Germanos, comme le réclamaient l’association Survie, la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH et LDH) et les autres parties civiles, qui accusent la force Turquoise d’avoir sciemment abandonné aux génocidaires hutu des centaines de Tutsi des collines de Bisesero, du 27 au 30 juin 1994.

« Ce refus de rechercher toutes les responsabilités éventuellement engagées, y compris celles des plus hauts responsables de l’armée française, compromet gravement l’enquête », affirment les trois associations dans un communiqué. « Cette décision pourrait ouvrir la voie à un non lieu judiciaire », s’inquiètent-elles. Cet acte « montre que si la justice enquête, elle le fait +pour l’histoire+ et non dans la perspective de mises en examen (inculpations, NDLR) et encore moins d’un procès« , s’insurgent Fabrice Tarrit, co-président de Survie, et leur avocat Olivier Foks, joints par l’AFP.

Les rescapés, à l’origine de la plainte en 2005, affirment que les militaires français leur ont promis le 27 juin 1994 de les secourir pour ne le faire que le 30. Pendant cet intervalle de trois jours, des centaines de Tutsi ont été massacrés dans ces collines de l’ouest du Rwanda. Depuis le 22 juin 1994, la force Turquoise, déployée sous mandat de l’ONU, avait pour mission de mettre fin aux massacres, en cours depuis deux mois et demi.

L’enquête, instruite au pôle crimes contre l’humanité à Paris, semble démontrer que la découverte des réfugiés le 27 était connue des autorités françaises avant l’intervention militaire du 30, selon une source proche du dossier. Mais pour le juge, qui a acté ce refus d’auditions fin août, la question de savoir si l’absence d’intervention des militaires pendant ces trois jours constitue un acte de complicité de génocide « ne concerne que les officiers qui ont déjà été entendus », tous membres de la force Turquoise, car ils bénéficiaient de suffisamment d’autonomie vis-à-vis de l’état-major à Paris.

Au terme de son audition en janvier 2016, le chef de la force Turquoise, le général Jean-Claude Lafourcade, a été placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté, tout comme trois de ses subordonnés avant lui, échappant ainsi à des mises en examen. Depuis, « l’enquête est quasiment au point mort« , selon M. Tarrit. Les associations déplorent « que nombre d’auditions demandées en 2015 n’ont pas eu lieu et que des documents essentiels à la compréhension des événements n’ont pas été communiqués par le ministère de la Défense« .

Les parties civiles ont ainsi réclamé, sans succès depuis deux ans, l’audition de François Léotard, alors ministre de la Défense, et la confrontation des officiers déjà mis en cause. Cette enquête, emblématique de la controverse sur le rôle de la France lors du génocide qui a fait 800.000 morts selon l’ONU – principalement au sein de la minorité tutsi – a depuis un an son pendant au Rwanda: en novembre 2016, Kigali a lancé une procédure contre 22 officiers français accusés d’implication dans le génocide, dont l’ex-amiral Lanxade et l’ex-général Lafourcade.

afp

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