Haro sur les apôtres du déclin

Les apôtres du déclin sont à l’oeuvre, reclus dans les rangs de la classe aisée, fabulateurs et scrutateurs. Ils sont légion, et douter, médire sont devenus leur exercice préféré. Dans leur chaumière d’hiver comme dans leur terrasse de plage, et sans jamais dételer, ils maugréent, avalent leur amertume et dénigrent le pays qui les a faits : je veux dire le Maroc. Peut-être leur rancoeur est-elle animée, au regard de l’inertie qui caractérise le champ politique national, tout entier tenant, telle une pomme au creux de la main le destin d’un pays, par des responsables gouvernementaux sans charisme.

Oui, en effet, le charisme manque à ce gouvernement composite, censé refléter un harmonieux tableau de 6 formations, qui n’a de l’apparence que la forme et de la cohérence une image désordonnée, incongrue. On disait «moulouk tawa-if» d’une confrérie où chacun se taille son petit royaume – ici de ministère -, instaure sa propre gouvernance, et cultive sa propre image. De fait, les membres du gouvernement sont liés, en principe, au nom de la solidarité gouvernementale, mais ce dernier mot de solidarité est à prendre entre guillemets, avec cette précaution exigée qu’il ne traduit aucune réalité sur le terrain. La télévision nous offre, chaque semaine, la sempiternelle image d’un cérémonial devenu, à force, si caricatural qu’il frise l’ubuesque. Cette réunion prise sur le vif, toujours sous les mêmes angles, entrelacs d’images et de gestes surfaits, serait-elle finalement la seule où l’on puisse voir une équipe gouvernementale cohérente avec elle-même ?

Non que les ministres ne travaillent pas, chacun à sa manière et dans sa «chapelle» ! Ils sont actifs, résolument portés à communiquer – encore que jamais dans leur majorité -, se livrent aux jeux des médias, triés sur le volet néanmoins selon les sensibilités partisanes voire les copinages. Mais l’impression, collante et indicible, est que le gouvernement ne travaille pas, ne donne guère l’impression de bouger, ouvrant la voie à un florilège de critiques et de malveillances auxquelles on n’avait auparavant jamais été habitués. Les fake-news deviennent ainsi le mode d’expression d’une opinion publique, succombant à l’addiction des réseaux sociaux, et résiliente à toute vérité, quand bien même celle-ci serait pour une fois « vraie de vrai » ! C’est peu dire qu’une crise morale entache le rapport de l’opinion à la politique et à l’Establishment…

Dans le discours du Trône, prononcé le 29 juillet à Al Hoceima, le Roi a lancé une série de messages au gouvernement et aux partis politiques. Le fond de son appel tient à l’absence d’une politique sociale et à l’inertie – le mot est faible ici – des partis politiques qui, très souvent, donnent l’impression d’une démission ahurissante. Il a mis en exergue l’ampleur du défi qui attend notre pays : la conjugaison nécessaire d’une vision avec la structuration du champ social et politique dans laquelle les formations politiques, en concomitance avec le gouvernement, doivent jouer leur rôle de protagonistes de l’encadrement et de courroie de transmission. Cela dit, les partis politiques devraient, en premier ressort, opérer de fondamentaux changements en leur sein, cultiver la démocratie dans leur fonctionnement, former et promouvoir les jeunes, accepter l’inévitable relève de dirigeants et se résoudre à cette équation : rajeunir ou périr.

C’est là que le bât blesse, car souvent le principe de Peter – qui confine à la sénilité organique et intellectuelle – sévit au coeur d’institutions, empêchant ainsi les jeunes aux ambitions justifiées de gravir la marche de la réussite. L’édifice ne cesse de se fissurer parce que le ressort qui s’appelle confiance se brise, ouvrant un boulevard béant aux critiques et aux admonestations dont notre pays peut bien se passer. Nous vivons une période rythmée par les spasmes sociaux et les dangers d’explosion à tout moment. La responsabilité en incombe à tout le monde, gouvernement, Etat, chaque ministre dans sa sphère, partis politiques et même société civile dans la mesure où la part d’éduquer le peuple, lui revient aussi.

L’effort exigé est collectif, et la sensibilisation à la problématique globale et au déficit social n’est le monopole de personne. Notre pays, et les témoignages lucides venant de l’extérieur nous le répètent, est doté d’atouts et de richesses à tous points de vue, économiques et humaines. Ils devraient nous inciter à relever le défi du sursaut. Le sens du discours de Sa Majesté le Roi à Al Hoceima est inscrit sur ce registre du dépassement de nos ressentiments et du devoir de mobilisation, en mettant le holà aux sinistres apôtres du déclin.

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