Incivilités, mode de vie actuel ?

Dossier du mois

Incivisme au Maroc : Le salut par l’éducation

Ismaïl Harakat Enseignant universitaire au Québec, conseiller politique et directeur de publication du site www.espacemre.com

Le phénomène ou plutôt le fléau est observable à l’oeil nu. Nul besoin d’instituts de sondage pour réaliser que l’incivisme ronge la société marocaine jusqu’à la moelle. Mettons-nous à la place d’un étranger de passage au Royaume pour une semaine afin d’expédier quelques affaires courantes. Dès sa sortie de l’aéroport et à supposer qu’il prenne un taxi, il y a fort à parier qu’il se fera, d’emblée, une petite idée quant à notre degré d’incivisme. La circulation au Maroc est un véritable cauchemar qui illustre à merveille l’égoïsme de plusieurs parmi nous. Devant une épicerie, une droguerie ou n’importe quelle administration, les gens s’agglutinent devant le guichet au lieu de prendre la file le plus normalement du monde. Et le tout dernier arrivé commence à réclamer, à voix haute, ce dont il a besoin comme si ceux qui l’ont précédé n’existent pas !
Dans un hôpital, un billet de banque peut réaliser des miracles comme avancer un rendez-vous médical d’un mois ou vous épargner une file d’attente interminable. Il en est ainsi dans n’importe quel service. La façon dont vous êtes accueilli est tributaire de votre promptitude à délier les cordons de la bourse. À huit heures du matin, alors que vous vous apprêtez à vous rendre au travail – à supposer que vous soyez du genre ponctuel -, vous vous apercevez que votre voisin a stationné en deuxième position, faute de place. Quant aux piétons, ils délaissent, délibérément, le trottoir pour marcher à même la chaussée. Et que dire du harcèlement dans la rue dont pâtissent toutes les femmes qui ont le malheur d’être gâtées par la nature !
Derrière cet incivisme primaire se cache, d’abord et avant tout, la faillite du système éducatif. L’école ayant démissionné de son rôle, les enfants apprennent sur le tas, faute de bénéficier d’un apprentissage adéquat à même de leur inculquer les notions élémentaires du civisme et du patriotisme. Les responsables ayant en charge le dossier de l’Éducation nationale et de sa refonte sont les premiers à inscrire leurs enfants dans une école privée qui les met à l’abri de toute promiscuité «malsaine». Difficile dans ces conditions de convaincre le Marocain ordinaire de la viabilité du système éducatif public dont la précarité s’étend du primaire à l’universitaire.

Le tribunal des réseaux sociaux

Depuis l’ère nouvelle, la marge de liberté d’expression au Maroc s’est indéniablement élargie, ce qui constitue en soi une excellente nouvelle. Le problème, c’est que cette bouffée d’oxygène n’a pas été accompagnée d’une préparation adéquate. Pour certains, rabrouer un agent de police ou refuser de lui remettre les documents du véhicule est un acte de désobéissance tout à fait «naturel» s’ils considèrent que le jugement du policier est sujet à caution. Face à une injustice, avérée ou non, de nouvelles formes de manifestations totalement inadmissibles ont vu le jour et sont pourtant défendues bec et ongles par le tribunal des réseaux sociaux qui, soit dit en passant fait rarement dans la nuance. Or, ce n’est pas parce que le bon peuple crie qu’il a forcément raison.
L’opinion publique est conditionnée par la situation sociale et puisque celle-ci est souvent précaire, alors on juge utile de se rebeller avec un certain éclat convaincu que les réseaux sociaux vont appuyer, sans réserve, votre cause indépendamment de sa justesse.
Voyeurisme virtuel, harcèlement sexuel, anarchie au volant, corruption endémique…Tels sont les différents aspects de l’incivisme au Maroc dont le remède passe nécessairement par la refonte du système éducatif. Une école modèle ne peut préparer qu’une relève modèle dont les effets vont transparaître à travers tous les actes régissant notre vie quotidienne. Le plus tôt serait le mieux, car les anomalies qui agressent l’ouïe et la vue, au quotidien, prennent des proportions, de plus en plus inquiétantes.

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