Jetez l’argent des deniers publics par les fenêtres, il en restera toujours un peu!

Si le gouvernement d’alternance – dirigé par Abderrahmane El Youssoufi – avait décidé, en 1998, de serrer la vis et de veiller à la bonne gestion du parc automobile de l’Etat, allant jusqu’à vendre des voitures de service moyennant une indemnité de transport au profit des fonctionnaires, aujourd’hui, force est de constater que les grosses cylindrées luisantes sont à la mode. Pour en avoir le privilège, certains fonctionnaires ou élus bénéficient de surcroît d’indemnités. Pourtant, on était bien roulés dans l’illusion, en 2014, alors que le budget du parc automobile de l’Etat était décrié par l’opposition et que le chef de gouvernement avait déclaré qu’il ne voulait plus entendre parler des frais faramineux et du gaspillage exorbitant liés au parc automobile de l’Etat composé de 140.000 véhicules dont 38.000 motos « M rouge ». Il avait même signé une circulaire relative à la gestion rationnelle et transparente de ce parc. Sauf que l’enthousiasme n’a pas duré longtemps, car il est tombé tel un soufflé mal réussi ressortant le leurre qui nous a bercés pendant un certain temps. «La circulaire durcit les acquisitions de voitures, la dotation du carburant et n’accorde plus le droit de cumul entre le remboursement des notes de frais liées aux voyages et la dotation en carburant ». Trop beau pour être vrai !

Luxe automobile à la marocaine

Preuve en est la dernière sortie du chef de gouvernement qui déclare : « Je ne vois pas pourquoi Choubani s’est procuré des voitures à tel prix mais … tout de même n’exagérons rien … nous ne connaissons pas ses raisons. Et puis, les ministres ont toujours été habitués à … on ne peut pas venir d’un seul coup et les priver de … » Derrière ces blancs et son sempiternel geste de la main bien explicite, se cachent les insinuations à peine voilées de Abdelilah Benkirane qui regardait droit dans les yeux son assistance avec insistance. Un regard parlant voire intimidant qui veut dire « vous le savez tout comme je le sais et c’est ainsi, on ne peut priver nos ministres d’une manne devenue un droit ». N’est-ce pas là une preuve évidente de son incapacité d’être tranchant sur des problématiques fondamentales ? On le voit bien, le gouvernement Benkirane, très dépensier en cette période de vaches maigres, a du mal à ralentir son train de vie et à serrer la ceinture, fermant les yeux sur des dépenses superflues qui contribuent à creuser davantage l’excavation extensible dans les caisses de l’Etat. N’est-ce pas le chef de gouvernement lui-même qui appelle, à tout bout de champ, à adopter une politique d’austérité ? Ne faut-il pas mettre des actes derrière les paroles ? Pourtant le gouvernement dépense, chaque année, 10 milliards de dirhams pour l’achat, l’entretien, l’assurance et la consommation des véhicules! Trop de dépenses qu’il refuse d’optimiser puisque cela le touche en premier (que de dépenses en déplacements, en primes et indemnités, en études de projets creux, en conférences sans enjeu, en factures de téléphones, en voitures de service…), habitué depuis quelques années au luxe et désireux de maintenir son standing même aux dépens du peuple et du pays. Quand on appelle à serrer la ceinture cela ne s’applique décidément pas aux membres du gouvernement. Et dire que la conjoncture économique actuelle exige la vigilance compte tenu de la dégradation continue des finances publiques ! Avec un parc automobile de l’Etat de 114.000 véhicules, le Maroc devance de loin la France qui compte 75.000 véhicules de l’Etat, les Etats-Unis, 72.000, le Japon, 50.000 et la Grande Bretagne, 34.000. A noter que sur les 114.000 unités, les véhicules de l’armée et de la police ne sont pas comptabilisés. Il n’y a qu’à voir autour de nous pour constater que tous les gouvernements organisent l’optimisation des voitures de fonction et de service utilisées dans les administrations et les opérateurs de l’Etat. Nonobstant, au Maroc, la voiture doit être à l’image du titre. Au lieu de dégraisser le mammouth, on l’engraisse.

Un gouvernement qui refuse de rouler à l’économie

A chaque critique que les citoyens expriment à propos des dépenses de nos chers ministres ou élus, ils sont qualifiés de populistes – nouveau terme en vogue pendant ce dernier mandat- . Quand on dénonce, quand on décrie, le PJD crie au complot et à la volonté de mettre des bâtons dans les roues à des gens qui ne juraient que par la transparence, les réformes et la probité. Il est vrai que chaque dépassement financier, pris séparément, n’aura pas d’impact économique vibrant sur notre pays… Mais tout de même, il n’y a pas de grande ou petite économie quand il s’agit d’une région connue pour être la plus pauvre des douze autres. Chaque dirham dépensé de façon injustifiable est un crime à l’égard des habitants, un délit de non-assistance à une région en danger. C’est ainsi donc qu’El Habib Choubani a mis le pied dans le plat. Il crée l’événement et le buzz sur la toile, encore une fois, et suscite la polémique en amenant le Conseil de la région Darâa-Tafilalet à voter pour l’acquisition de sept 4×4 type Volkswagen Touareg acquis pour les membres dirigeants de la région au prix de… 3 millions de dirhams. Ceci après l’achat de deux Mercedes acquises auparavant pour le président et son premier adjoint pour un montant de 1,2 million de dirhams. Un coup d’accélérateur qui intervient à un moment clé où le chef de gouvernement donne un tour de vis supplémentaire à l’étau qui se resserre sur les citoyens de condition modeste, confrontés aux hausses en tous genres.

Voitures flamboyantes dans une région qui manque de tout

N’oublions pas que Choubani, s’est permis de louer une villa –qui appartiendrait à un ami parlementaire- à 50.000 dhs pour en faire le siège de bureau alors que le loyer ne dépasse pas, à Errachidia, les 3000 dhs ! Apparemment, la nouvelle régionalisation appauvrira davantage la région Darâa-Tafilalet, nouvellement créée, manquant d’infrastructures et d’équipements élémentaires et – suprême ironie – présidée par un originaire de Bejaâd. A supposer, et pour honorer les propos du chef de gouvernement, que Monsieur le président ne peut que jeter son dévolu sur une grosse voiture, des voitures de montage local ou du moins, moins coûteuses ne pouvaient-elles pas faire l’affaire pour ses adjoints ? Mais non, penser à l’argent du peuple ne semble pas faire partie des priorités de celui qui était membre de la Commission centrale de la probité et de la transparence, en 2009, en plus de sa casquette de président de l’Observatoire civil de moralisation de la vie publique et de soutien à la transparence. Des titres qui ne collent pas avec les actes bien entendu ! Justifier l’acquisition des véhicules par leur adaptation appropriée à la nature montagnarde de la région et ses reliefs n’est que de la poudre aux yeux. Autrement, il fallait opter pour des Ford F 150 ou des Land Rover. Et comme pour faire encore plus dans la provocation des habitants de la région, Choubani annonce qu’il n’acquerra que des voitures de luxe et qu’il pensait même se procurer un hélicoptère à l’instar de Houcine El Ouardi ! Sauf que si ce dernier met l’appareil à la disposition des malades, le pré- sident du Conseil pense le mettre à la disposition des membres de son Conseil pour soi-disant leurs missions et déplacements. Or, le budget des voitures peut faire fonctionner un dispensaire pendant un peu plus d’un an ou scolariser des enfants.

Lire aussi : Quand nos ministres rivalisent dans la provocation du peuple

Et pourquoi pas un hélicoptère ?

Remarquons et sans raillerie aucune que d’un hélicoptère, il aura en revanche une vue générale de la détresse grandeur nature de ce carré de la terre où dans des zones recluses, les gens cherchent encore un endroit caché pour faire leurs besoins. Il se régalera de la vue des toits de cabanes en patchwork de tous matériaux censés les abriter des intempéries. Il verra les enseignants et enseignantes qui parcourent des sentiers dangereux à dos d’ânes pour accéder à leur lieu de travail. Il apercevra les campagnards qui trimballent leurs malades ou femmes enceintes sur des tracteurs parce que la région manque d’ambulances, il assistera au spectacle d’élèves entassés dans des camions pour parcourir des dizaines de kilomètres avant d’atteindre leur école puisque quand on n’a pas la chance d’avoir des écoles en bonne et due forme, il serait prétentieux d’aspirer au transport scolaire, il sera témoin des scènes d’enfants qui rendent l’âme des suites de morsures de scorpions faute d’antipoison contre des scorpions noirs fréquents dans la région d’Errachidia (le 29 juin a connu une manifestation de la société civile devant l’hôpital d’Erfoud après le décès du petit Mohamed, enfant de 5 ans). De là-haut, s’offrira à lui le panorama d’une région pâle et terne, oubliée par les privilèges de Dame nature et mutilée par ses élus.

Se faire une vie au détriment de la population

Et pour finir la semaine en beauté, le président du Conseil de la Région réserve une quarantaine de chambres dans un luxueux palace de la ville de Midelt pour le week-end pour les membres du Conseil régional qui paradoxalement, ne sont que 24 ! Le tableau est bien clair : si Choubani se souciait un tant soit peu du budget de la région, il pouvait tenir cette réunion au siège de la région même sans facturer le déplacement et l’hébergement de son cortège! N’est-ce pas là un crime contre une région qui se meurt parce qu’elle manque de TOUT ? L’affaire Choubani, a provoqué des manifestations à Tinghir, à Goulmima et une marche des Aït Atta à laquelle ont participé pas moins de 560 voitures et 65 cars des différentes zones de la région vers la Wilaya de la Région Darâa-Tafilalet pour dénoncer les abus. Et ce n’est qu’un échantillon qui incarne l’irresponsabilité des responsables pour qui l’intérêt personnel prime sur l’intérêt général. Pendant ces dernières années, on a assisté à une série de scandales relevant de la dilapidation de l’argent de l’Etat si bien que c’est devenu une culture qui impacte le processus de démocratisation. N’est-ce pas ce gouvernement qui nous avait promis monts et merveilles faisant de la lutte contre la corruption et contre la rente le slogan de sa campagne électorale en 2011? Pourtant on ne fait qu’enfoncer le pays un peu plus dans la crise qui s’annonce et le soulèvement en gestation qui augure une crise d’hystérie du peuple. Bien évidemment, on ne peut pas gagner sur tous les tableaux et tant que les hommes politiques choisissent la politique pour s’enrichir et considèrent l’argent public comme une offrande divine, le pays ira mal. Ce sont ces agissements, entre autres, qui expliquent la forte abstention et la non implication des citoyens déçus par tous les partis politiques s’étant rendu compte que la gabegie financière perdurera et que nos heureux élus continueront à mener la belle vie aux frais du contribuable.

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