L’économie sociale et solidaire, vœu pieux ou levier de développement ?

De manière assez simple, la désignation générique d’économie sociale regroupe l’ensemble des organisations privées (mutuelles, coopératives…) dont le but est de concilier tant l’activité économique que l’équité sociale.

De fait, l’économie sociale se structure autour de deux piliers majeurs, à savoir une totale équité entre gouvernants et non-lucrativité. A ce titre, et contrairement à une idée assez largement répandue, une association dite à but non lucratif ne signifie, nullement, qu’il lui est proscrit d’engendrer des bénéfices, mais plus concrètement, qu’elle ne peut servir de dividendes à ses adhérents, quand bien même elle générerait davantage de recettes que de dépenses.

Economie solidaire, philosophie égalitaire ?

L’économie solidaire, pour sa part, représente davantage un état d’esprit, une philosophie, visant l’inclusion de l’ensemble de la chaîne de valeurs, du producteur ou du prestataire au consommateur final, en évitant d’instiller un pouvoir de négociation, insuffisamment, équilibré d’un côté ou de l’autre. Partant, une organisation œuvrant dans le domaine de l’économie sociale et solidaire a donc, principalement, vocation à placer tous ses adhérents sur un pied d’égalité -ce qui est de fait le cas, juridiquement, dans une mutuelle ou une coopérative- de même qu’elle est amenée à réinvestir ses potentiels gains, au lieu de les distribuer à ses actionnaires.

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Il s’agit donc, en somme, d’une sorte d’anti-modèle capitaliste, les bases du capitalisme étant la détention du capital et des canaux de décision par une minorité, mais aussi et surtout, la génération de profits distribuables en dividendes aux actionnaires. Dans son fondement théorique, une entreprise de l’économie dite sociale et solidaire devrait être plus solide et pérenne qu’une entreprise dite classique, eu égard, notamment, à la collégialité dans les prises de décisions, qui ne sont pas l’apanage d’une minorité mais sont bien réfléchies et agréées entre différents intervenants placés sur un même pied d’égalité.

En outre, du fait du réinvestissement des profits, et non de leur redistribution sous forme de dividendes, les fonds propres tendent à se renforcer et à se consolider, là où une entreprise dite classique pourrait être davantage encline à enrichir un actionnaire qu’à foncièrement renforcer les assises de la personne morale. Et c’est, notamment, dans une telle logique que l’économie sociale et solidaire attire des flux croissants à travers le monde, pesant ainsi 10% du PIB et 13,5% de l’emploi privé, en France. Nous sommes, de ce fait, bien éloignés d’un pur tropisme quelque peu «gauchisant» intéressant quelques nostalgiques d’un communisme éculé, puisque nous parlons d’un secteur qui emploie 1 salarié français sur 8…

Qu’en est-il sous nos cieux ?

La récente allocution donnée, en novembre dernier, en marge de la 6e édition du Salon national de l’économie sociale et solidaire, par la Secrétaire d’Etat chargée de l’Artisanat et de l’Economie sociale, Mme Jamila El Mossalli, a permis de rappeler que l’économie sociale et solidaire, au Maroc, employait 5% de la population active (environ 600.000 personnes), contribuant à 2% de la richesse créée par le pays. Ces chiffres, quoique relativement encourageants en l’état, appellent à une certaine lecture, qui pousse, elle-même, à l’optimisme et à l’enthousiasme, à l’avenir.

De fait, si notre pays devait, à terme, tendre vers les taux de pénétration de l’économie sociale et solidaire en France ou au Canada, cela signifierait, tout simplement, un doublement des effectifs employés. Eu égard au chômage, structurellement, important dans notre pays, et particulièrement chez les jeunes, cela pourrait représenter un excellent palliatif aux populations ne trouvant pas grâce aux yeux des employeurs dits traditionnels. Bien plus, et en considérant la structure actuelle des principales coopératives et mutuelles d’économie sociale et solidaire présentes au Maroc (au nombre de 19.000 actuellement), l’on peut deviner, aisément, l’impact bénéfique supplémentaire à venir, car il s’agit, dans une proportion non négligeable, de travailleurs qui se trouvaient exclus du marché classique de l’emploi.

Il n’y aurait donc pas, à proprement parler, de cannibalisation marquée du salariat classique, un développement de l’économie sociale et solidaire ne devant pas, intuitivement, correspondre à une simple translation d’un secteur (classique) à un autre (participatif).

Economie sociale et solidaire, quelle productivité ?

En revanche, c’est au niveau du manque de productivité de ce secteur au Maroc que le bât peut blesser. En effet, tout en employant 5% de la population active du pays, l’économie sociale et solidaire ne pèse que 2% de la richesse générée, performance somme toute médiocre, comparée, par exemple, aux données de l’économie sociale et solidaire en France (14% de la population active pesant 10% du PIB). Cette situation s’explique pourtant aisément. Au Maroc, 40% de la population travaille dans le secteur primaire (agriculture et pêche), qui ne génère que 14% du PIB. Ce ratio de 40%/14%, i.e. 2,9, est comparable à celui de l’économie sociale et solidaire (2,5, soit 5%/2%).

Comme l’essentiel de ce secteur demeure cantonné à l’agricole (coopératives spécialisées dans l’huile d’argan, dans les produits cosmétiques naturels…), rien de surprenant que sa productivité suive la tendance globale du secteur, et qu’elle soit même légèrement inférieure, car présentant un accès encore limité aux technologies les plus évoluées. Dans une telle logique, pour permettre, réellement, à ce secteur de l’économie sociale et solidaire de prendre son envol dans notre pays, il convient de mener de front deux orientations majeures. D’une part, améliorer le plus possible la productivité des coopératives agricoles, ce qui devrait en être la tendance intrinsèque.

S’agissant d’activités à but non lucratif, dont les bénéfices sont donc constamment réinvestis, la productivité de ces entités devrait s’inscrire, progressivement, à la hausse. D’autre part, orienter le secteur vers des volets plus novateurs, à l’instar, par exemple, des économies participatives, qui permettraient de troquer une prestation de service contre une autre, y compris dans des domaines à forte valeur ajoutée (à titre d’exemple, mission de conseil en structuration en contrepartie d’un contrat d’assistance informatique). Secteur porteur donc que celui de l’économie sociale et solidaire, qui ne peut qu’employer davantage de personnes à l’avenir, de même qu’il ne peut qu’accroître sa productivité. Le meilleur est sans doute à venir !

H.A.B

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