La politique pénale au Maroc, une véritable chape de plomb

Par Walid Cherqaoui

Membre du bureau et chargé de communication

de l’association Relais Prison-Société

Mardi 12 juin, le Procureur général du Roi auprès de la Cour de cassation a présenté son premier rapport en tant que Chef du parquet et du ministère public.

Ce rapport consacre, entre autres, l’exécution de la politique pénale au Maroc. Les statistiques qu’il expose donnent le vertige, tant la donne actuelle est déplorable. C’est pourquoi je m’attarderai sur quelques-uns de ses traits. 104 620 personnes ont été poursuivies pour des infractions contre les biens. Ce chiffre comprend 30 791 individus par le vol, 11 235 par le vol qualifié, 23 729 par l’émission de chèques sans provision…

Pour ce qui est des relations sexuelles hors mariage, 17 280 individus ont dû passer devant les prétoires. Quant aux infractions liées aux stupéfiants, 107 787 personnes ont été poursuivies pour trafic de drogue (résine de cannabis, Kif brut, Silicium, pilules dopantes, tabac et Maajoune). Seuls 1081 détenus sont concernés par les drogues dures.

Si ce rapport tire en quelque sorte la sonnette d’alarme, c’est parce qu’il est symptomatique de l’entassement des dossiers dans les tribunaux et l’engorgement des établissements pénitentiaires. D’où le besoin ressenti d’introduire les peines alternatives ou encore la justice restaurative.

→Lire aussi: L’administration de la prison locale Ain Sbaâ 1 dément la grève de la faim d’un détenu

Afin d’obvier à cette situation calamiteuse, le rapport n’a pas manqué d’énoncer certaines recommandations. En effet, il encourage la création de centres pour le traitement de la toxicomanie car, il y a lieu de le rappeler, les poursuites pénales ne doivent théoriquement pas être engagées contre les auteurs des infractions ayant trait aux stupéfiants si ceux-là acceptent de suivre une cure de désintoxication. Or, jusqu’à aujourd’hui, l’absence de centres pour le traitement de la toxicomanie rend impossible la mise en application de cette disposition juridique.

Sur le plan législatif, le rapport incite à établir un cadre juridique pour tenir des procès à distance par visioconférence, un volet que l’on trouve dans le projet de réforme initié dernièrement par le gouvernement français. Mais le recours au numérique est-il garant d’une justice équitable ? Ne déshumanise-t-il pas justice ?

En tout cas, professionnels de la justice et la société civile n’hésitent pas déclarer ouvertement que l’audience a un rôle vital : elle donne l’impression d’avoir été écouté et, partant, facilité l’acceptation de la décision rendue par le juge.

En somme, bien que la politique pénale au Maroc foisonne de pierres d’achoppement, la publication de ce rapport reste tout de même un acte louable. Il n’en demeure pas moins qu’il y ait urgence à proposer des mesures rationnelles favorisant le traitement humain des dossiers judiciaires et respectant la dignité et la vie humaine.

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