La violence, vestige de l’évolution ou mal des temps modernes ?

Dossier du mois

Boufous Rachid; Architecte-Urbaniste

Et si on parlait de violence urbaine ?

Il existe de multiples formes de violences humaines. Dire qu’elles sont inscrites dans les « gènes » de l’Homme serait assez difficile à affirmer sans réserve, d’autant plus que certaines sociétés humaines sont dénuées de violences. Une des violences humaines les plus visibles, depuis quelques décennies, est la violence dite « urbaine » que les médias amplifient ou exagèrent. Cette violence, d’un nouveau genre touche principalement les centres urbains, un peu partout.

Elle diffère de la violence rurale pour ce qui est de ses formes d’expression car dans le monde rural, la contestation est liée à la possession de la terre, de droits de parcours pastoral ou d’eau.

La ville et l’urbanisme modernes sont considérés comme des causes de désorganisation sociale, surtout dans les sociétés anciennement stratifiées ou féodales.

La ville moderne est synonyme d’isolement, de solitude, de rupture et de relâche du lien social causant, au passage, une perte généralisée de repères et une « désocialisation » régressive propice à de multiples déviances.

Les problèmes quotidiens de la vie urbaine, notamment dans ses aspects ségrégatifs, ainsi que le manque d’encadrement des populations à leur dépolitisation accrue et souvent recherchée par certains gouvernants, poussent immanquablement à l’émergence d’une violence qui trouve son exutoire dans l’acte gratuit ou ostentatoire visant principalement le bien commun.
Au Maroc et depuis un siècle, le passage agressif d’une société fortement encadrée dans l’espace restreint des médinas, vers la ville moderne européenne, où la liberté de circulation des biens et des personnes, sans en référer au groupe social d’origine, a conduit à une désorganisation des hiérarchies sociales et des systèmes de cooptation des individus.

Dans la médina autant que dans l’espace rural, l’organisation sociale ou spatiale des fonctions liées au commerce, à l’agriculture, à l’habitat et au culte obéissaient à des codes écrits ou coutumiers, communément admis et respectés par l’ensemble des groupes sociaux.

La ségrégation sociale apparaîtra dès l’occupation du pays par le protectorat français avec sa démarche « hygiéniste », qui déterminera la nature de la politique urbaine coloniale. Ceci aboutira à dessiner deux espaces distincts dans la ville, l’un occupé par la population européenne et l’autre, par la population marocaine dite « indigène ».

La séparation spatiale de ces deux populations sera un vecteur de différenciation du mode d’occupation de l’espace et des pratiques qui en découleront au lendemain de l’indépendance. Une autre forme de ségrégation verra alors le jour, entre les « possédants » du nouvel espace urbain et les populations souvent précaires, reléguées aux périphéries dans les bidonvilles.

Toutefois, le manque d’encadrement de ces populations sur le plan politique, culturel, éducatif, abandonnées à leur propre « sort urbain », conduira à l’émergence de phénomènes nouveaux tels que la dégradation de biens publics communs, le hooliganisme dans et à l’extérieur des stades ou la prolifération anarchique d’activités informelles dans les espaces publics.

Les solutions apportées à ces phénomènes ont été, principalement, d’ordre sécuritaire, et emprunts d’un caractère d’urgence : construction massive de logements sociaux, recasement de bidonvillois, INDH…

Toutes ces mesures, quoique louables et nécessaires, ne semblent pas apporter, à l’heure du Hirak, les réponses adéquates et tant attendues par une société multiséculaire, en quête de solutions immédiates à des problématiques liées à l’identité, à la langue ou au modèle culturel, religieux, économique et politique de la nation marocaine contemporaine.

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