Le laxisme nous a tués !

Il est évident qu’une nouvelle histoire du Maroc est entrain de s’écrire depuis le 30 juillet 1999. En effet, le dix-huitième anniversaire de l’intronisation du roi Mohammed VI tamponne le nouveau style de monarchie imprimé par un souverain unique qui mêle subtilement clairvoyance, fermeté et humanisme. Conscient que les temps ont changé, son règne est toujours porteur de renouveau pour la paix sociale en veillant à la valorisation du citoyen. D’ailleurs et pour rappel, n’avait-il pas appelé à révolutionner le rapport entre l’administration et le citoyen à travers un nouveau concept d’autorité lors de son tout premier discours en 1999 ?

Dès lors, le peuple s’est vu soutenu et fort de son Souverain auquel il s’adresse, désormais, sans intermédiaires. Changeant de paradigmes de façon saisissante, il n’hésite pas, le 29 juillet 2017, à brosser un tableau critique de la situation de son pays et à mettre le doigt sur les défaillances et les dysfonctionnements de la gouvernance.

Quand le Roi pointe du doigt les coupables

Alors que d’habitude, le discours du Trône, dans sa structure classique, est généralement axé sur le bilan des réalisations de l’année écoulée, celui de cette année, très attendu par tous les Marocains vu les circonstances, adopte un ton ferme, acerbe et secouant contre les partis politiques, les responsables gouvernementaux et l’Administration. Il s’agit, bien entendu, d’un discours d’une grande sagesse, fort et clair où il n’y a pas de codes à déchiffrer. Dressant le diagnostic des maux de la gouvernance défaillante, le Roi a pointé du doigt les partis politiques et les responsables administratifs qui ne s’acquittent pas de leur mission comme il se doit. La marche des projets, les disparités sociales, le manque de réactivité de l’Administration et des institutions partisanes devant les requêtes citoyennes ont été au centre du discours royal.

Le ras-le-bol du Roi épouse donc celui des populations qui ont perdu toute confiance en les institutions, les élus et les fonctionnaires qui « manquent de compétence et d’ambition » et versent dans « l’abus d’autorité et les trafics d’influence » au lieu de servir leurs concitoyens. Dans le discours du Trône de l’année dernière, déjà,  il mettait en garde ceux qui instrumentalisaient la personne du Roi : « la personne du Roi jouit d’un statut particulier dans notre système politique. Tous les acteurs, candidats et partis confondus, doivent, donc, se garder de l’instrumentaliser dans quelque lutte électorale ou partisane que ce soit ». Aujourd’hui encore il fustige les partis qui « s’attribuent les bénéfices politiques et médiatiques dès qu’un bilan s’avère positif », mais « se retranchent derrière le Palais Royal » en cas d’échec, ceux qui donnent une image désolante du Maroc en empêtrant voire en bloquant la réalisation de projets, ce qui pénalise le développement du pays. Face à ces « manquements au devoir » qu’il va jusqu’à qualifier de « trahison », le Roi insiste pour que, d’ores et déjà, gouvernement, partis et institutions « rendent des comptes » et menace de destitution tout responsable qui faillirait à sa mission.

Dans son amertume et animé par une volonté ferme de redresser les choses et de remédier urgemment aux défaillances relevées, le Roi rappelle la latitude que lui procure la Constitution et s’engage à reprendre les choses en main. On s’attend donc à la mise en œuvre de mesures et démarches efficientes et une prise de décision rationnelle pour une bonne gouvernance menée dans la grande transparence dans la gestion, des affaires étatiques et publiques.

Un discours royal est une « loi »

Ce discours donc du 18e anniversaire de l’intronisation de SM le Roi Mohammed VI est un discours de vérité qui constitue une première dans l’Histoire du Maroc voire dans le monde arabe où jamais un chef d’Etat ne s’est hasardé à croquer devant le monde entier un tableau aussi désastreux de son pays et une mise en demeure aux politiques. Le Roi Mohammed VI, lui, a osé le faire. Sauf que ce n’est pas la première fois qu’il sermonne l’Administration, les responsables et la classe politique. En 2016 déjà, et lors du discours du Trône, le Souverain avait dressé un tableau sombre du fonctionnement et du rendement de l’Administration publique : « J’invite aussi les partis politiques, avait-il dit,  à présenter des candidats remplissant les conditions de compétence et d’intégrité, et animés par le sens des responsabilités et le souci de servir le citoyen. », « Là, Je dis à tout le monde, majorité et opposition : Assez de surenchère patriotique dans des règlements de compte personnels ou la quête d’intérêts partisans étriqués ! ».

Maintenant que le mal est diagnostiqué, il faut bien l’éradiquer pour que le discours royal soit une loi tranchante. Après ce discours, il faut qu’il y ait des décisions fracassantes pour changer les choses et donner l’exemple. Le jeu politique est biaisé par une machine défectueuse qui ne profite qu’à ceux qui se servent sans servir le citoyen. Le Roi nous a habitués à parler franc et à bon escient, maintenant il faut agir ferme. Le Maroc ne peut plus supporter ceux qui gèrent mal ses affaires et l’Administration a été appelée à plus de créativité. En conséquence, gouvernement, administrations et partis politiques sont invités à accomplir leur devoir ou de se retirer.

Déterminer les vraies responsabilités et agir en conséquence s’avère nécessaire. Ce discours royal a tracé les contours de décisions capitales qui vont être prises et d’actions radicales qui doivent être menées.

Pour rappel, lors de son premier discours, le Roi Mohammed VI avait signé une nouvelle page dans l’Histoire du Maroc. Le changement, on le savait irréversible.

« Le nouveau concept d’autorité signifie l’interpellation et l’exigence de reddition des comptes, qui s’opèrent à travers les mécanismes de régulation et de contrôle et l’application de la loi. Pour les élus, cela passe par les élections et la quête de la confiance des citoyens.

Notre concept d’autorité se fonde aussi sur la lutte contre toutes les formes de corruption : dans les élections, l’Administration, la Justice, etc. Le manquement au devoir est aussi une forme de corruption. »

Or notre société est malade de sa justice injuste. Ceux qui sont censés faire la loi sont les premiers à ne pas la respecter. La corruption ronge le pays et a conduit à la faillite de l’autorité et à l’anarchie. Aussi faudrait-il œuvrer pour une refonte des procédures et circuits administratifs pour que le citoyen ne soit plus victime d’abus de pouvoir.

Le laxisme tuant

Pourquoi donc nos politiques et grands responsables mêlés à des affaires de corruption, de détournement de fonds ou de vol carrément arrivent-ils à tirer leur épingle du jeu aisément –à quelques exceptions près- ? Combien d’enquêtes lancées n’ont pas abouti ou ont été étouffées ?

La justice doit faire son travail pour réparer toutes les injustices commises envers et contre tous.

Notre classe politique, on le sait bien, plane dans un monde parallèle où clientélisme et rente font la loi en marge de celui des citoyens qui souffrent d’une administration molle.

Autrement dit, dans notre pays, habitués à une fin de non-recevoir, ceux qui sont visés attendent toujours que l’orage passe avant que le même scénari reprenne.

Le plus dur reste donc à faire : le moment des redditions est donc arrivé. Il est temps pour ces responsables défaillants de rendre des comptes et de payer pour leurs abus. Que ceux qui sont impliqués dans des détournements de deniers publics soient appelés à répondre de leurs actes.

Il est dit dans l’article 1 de la Constitution que « Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes ». Donc il faut instaurer des commissions d’inspection autonomes pour contrôler les administrations, sanctionner et donner l’exemple quand il le faut. Les responsables doivent être à l’écoute des citoyens au lieu de la malveillance et de la légèreté avec laquelle ils traitent les doléances des citoyens dont on dénigre les préoccupations et les attentes.

Il faut donc que l’exécution suive les décisions et que la justice soit imparable pour tout le monde. Les notions à géométrie variable ont longtemps sévi. Et voyez-vous, l’absence de répression et le laxisme judiciaire font que dans notre Royaume, on ne démissionne pas, on attend d’être promu. Ces incompétents irresponsables et inconsciencieux ne vont pas avoir honte Majesté, parce qu’ils ont usé de moyens malhonnêtes pour arriver là.

Enfin, après le discours programmatique du Roi, il convient d’envisager la mise en œuvre d’une feuille de route de son application.

La mauvaise graine ne meurt jamais. Il faut l’extirper même au prix de quelques dégâts.

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