Le Maroc, une diplomatie à l’épreuve du feu

Dossier du mois

Regards croisés de la société civile sur la diplomatie marocaine

Guillaume Jobin, Journaliste, écrivain, spécialiste des relations franco-marocaines et Président de ESJ Paris

Le Maroc est confronté à deux problèmes majeurs, le premier sécuritaire et le deuxième diplomatique. Si la récente pathologie radicale, la génération spontanée et effrénée de terroristes est jugulée, avec succès, par la nouvelle organisation sécuritaire combinée par l’Intérieur, DGST, DGSN, BCIJ, et autres services, l’affection chronique de longue durée que représente le traitement de l’intégrité territoriale est en attente d’un traitement plus efficace ! Il est certes délicat pour un observateur étranger de discuter des forces et faiblesses de la diplomatie marocaine. Pourtant, les douze mois passés ont été riches en menaces diplomatiques contre le Maroc, de la saillie de M. Ban-Ki-Moon à Tindouf, en passant par la crise IKEA-Parlement sué- dois, sans compter les revirements ou les risques de renversement de positions « onusesques » du Nigéria, de l’Afrique du Sud, de l’Ile Maurice, du Burundi, de la Slovénie, de l’Irlande, et j’en oublie ! Le premier écueil que je relève, c’est la ré- action, à chaud, épidermique lorsqu’une crise fait mine d’apparaître. Il était impensable que le boxeur renégat, Zakaria Moumni et son attachée de presse, Catherine Graciet, arrivent à brouiller le Maroc et la France pendant plus d’un an. Cette dernière n’est pas une journaliste ou une activiste, mais quelqu’un dont le fonds de commerce reposait sur une attitude antimarocaine systématique. Égoïstement, je devrais m’en réjouir, ces forces malfaisantes sont le fondement de mon roman « Route des Zaërs » ! Plus sérieusement, en tant que spécialiste des relations franco-marocaines, attristé, j’y ai senti des relents de l’époque du maréchal Juin, soixante ans après.

Il est évident que cette crise, surgie à la nomination du très francophone Mezzouar, n’a pu être résolue que parce que la « Sécurité » et le Souverain ont pris les devants et l’initiative face à Paris.

Pour un ex-cadre d’une multinationale du consulting, la solution paraît se dessiner sous la forme d’un plan stratégique diplomatique national, ambitieux, coûteux et à long-terme, et surtout détaché des contingences parlementaires. La base logistique c’est la présence systématique d’une représentation du Maroc dans tous les pays du monde, Palestine, Taïwan inclus ! Toutes les chancelleries marocaines devraient avoir un conseiller politique ou ambassadeur, un sécuritaire, un commercial, et enfin, un délégué au Patrimoine immatériel. Pourquoi cette quatrième voie qui paraît anecdotique ? Pour aller réduire l’opposition à la réunification de l’Empire chérifien, si la tête de l’hydre est quelque part à Alger, elle réside, tel un cloud, là où il est difficile de la dénicher. Deux exemples, les revirements suédois et de la Cour de justice européenne sont probablement dus à la mouvance conceptuellement castriste, internationale par essence et dont on suit les filaments vénéneux jusqu’au Polisario. Autre exemple, les très bien-nommés États-Unis, au pluriel, sont constitués de lobbys divers, sans pouvoir central fort. La Maison-Blanche n’est pas Touarga ! Le Congrès, les forces spéciales, la diplomatie, les marchands d’armes, les pétroliers, etc… ont chacun leur logique et leur appréhension de la question marocaine. C’est là où les facteurs non-politiques peuvent intervenir. La découverte par la planète du potentiel culinaire, artisanal, historique et intellectuel du Maroc, ne serait-ce que par sa tolérance et son agregativité en fait un outil de rapprochement entre les peuples, à défaut des dirigeants. C’est ce que pratique le Maroc en Afrique subsaharienne par sa politique d’expansion économique et de coopération Sud-Sud ! Pour cela, la présence ubiquitaire de la diplomatie marocaine demande un plan de recrutement ambitieux. Finie la diplomatie de salon à la Robert Schuman ! Même si elle n’a pas démérité, la situation exige une attitude industrielle. Le tri des ressources internes de la haute fonction publique marocaine s’impose, avec une analyse multicritères permettant d’associer un ambassadeur avec 100 points à la résidence de Washington ou l’ONU, mais est aussi impératif le recrutement de centaines de jeunes diplômés, de grandes écoles, de commerce, d’ingénieurs, des arts, des sciences-po et la mise en place d’un programme de formation. C’est coûteux, mais cet investissement trouvera son retour rapidement, ne serait-ce qu’en termes de commerce et de tourisme. D’ailleurs, sous forme de boutade, dans mon roman, j’avais glissé fictivement, sous la place Piétri, une war-room stratégique, une sorte de Houston de la diplomatie, analysant systématiquement et en détail, pays par pays, et critère par critère, ses relations avec le Maroc.

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Prenons le cas de la Palestine, le Maroc a tout autant intérêt à maintenir de bonnes relations avec Israël, en raison de l’importante diaspora juive marocaine que pour la haute technologie de ce petit pays actif et surtout son poids dans la politique extérieure américaine, mais est-ce une raison pour soutenir, mollement, la cause palestinienne ou laisser l’huile d’argan israélienne concurrencer la marocaine ? C’est ce que font, sans états d’âmes, toutes les multinationales, présentes partout, sans pensée politique, comme Nestlé et Airbus. Ceci dit, s’il est un pays que le Maroc doit continuer à investir soigneusement, et par les élites, c’est la France, lieu d’une émigration haut de gamme marocaine, avec laquelle les liens économiques sont indissociables. Le Maroc en poids financier est l’équivalent de la 11ème région sur 22 de l’Hexagone. Le développement économique du Royaume en Afrique est une aubaine pour les entreprises françaises. Ce n’est pas qu’avec les tajines, la broderie et les zelliges que le Maroc séduira la « France d’en-haut », mais ils y contribuent s’ils sont associés à une politique de communication, centrée sur la sécurité du Royaume et son rôle d’intermédiaire entre l’Europe, l’Afrique et le monde arabo-musulman qui n’a pas bonne presse ces temps-ci. Rôle que jouait le Liban avant sa destruction en 1975. Parmi les élites, les journalistes sont à « travailler » particulièrement, pas ceux en charge de la gastronomie et du tourisme, ils sont tous convaincus des trésors du pays, mais les autres, les politiques et dans un premier temps, les économiques.

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