’’Les zones périurbaines, justice sociale et développement’’ regard croisé France-Maroc

L’Ambassade du Maroc en France a organisé, jeudi soir, une rencontre-débat sur ‘’Développement des territoires, les zones périurbaines : justice sociale et développement’’, l’occasion pour différents intervenants de croiser leur regard et d’échanger idées et réflexion sur un sujet qui intéresse aussi bien la France que le Maroc.

D’emblée, l’ambassadeur du Maroc en France, Chakib Benmoussa donne le ton en soulignant la pertinence de ce thème qui ‘’aborde un sujet d’actualité tant au Maroc qu’en France en matière de développement territorial : les deux pays s’inscrivant dans un contexte de réformes de la carte des territoires : au Maroc, le plan de régionalisation avancée vise à réduire les disparités entre régions. En France, les régions et métropoles sont appelées à jouer un rôle plus important dans le développement’’.

Même si le contexte de chaque pays et différent, il y a beaucoup de points communs entre les deux pays. Le partage d’expérience et le regard croisé entre le Maroc et la France est intéressant et constitue un axe pour nourrir les réflexions en cours dans chacun des deux pays et identifier de nouvelles pistes de coopération, a dit l’ambassadeur du Maroc.

Selon Benmoussa, au Maroc comme en France, les réalités des banlieues et des quartiers défavorisés imposent une prise en charge sérieuse pour améliorer les conditions de vie, réduire les facteurs d’exclusion et de marginalisation et éviter qu’elles ne conduisent à certaines formes de violence, de trafic ou de radicalisation. Les attentes sont fortes : elles interpellent les nouvelles formes d’action publique, revisitent les modes de négociation et partenariat entre collectivités locales, acteurs économiques et société civile.

Intervenant à son tour, Jean Louis Borloo, ancien ministre français de la Ville, auteur du Rapport sur les banlieues (mai 2018), a relevé la pertinence du thème retenu : un sujet international qui ne concerne pas uniquement les pays du Sud.

Selon le conférencier, un grand effort doit être fourni en vue d’amorcer sereinement la mutation que connaissent les villes conséquence de l’exode interne et de l’extension du périmètre urbain, en garantissant une qualité sociale à travers la fluidité de la mobilité (connexion, transport…). L’objectif étant de lutter contre le phénomène de ghettoïsation.

Abordant le cas du Maroc, Borloo a indiqué que le Royaume connaît une mutation (en matière de développement et d’urbanisation) exceptionnellement rapide ‘’qui reste globalement un succès’’, soulignant l’importance de l’attention que doit accorder l’Etat à la jeunesse pour qu’elle puisse trouver sa place dans la prospérité sociale.

Quant à la problématique des banlieues en France, Borloo, auteur d’un ‘’Rapport sur les banlieues’’ remis en mai dernier à L’Elysée, a relevé ‘’le grand malentendu entre le centre et la périphérie’’, déplorant que ce sujet (des banlieues) ne soit pas pris avec ‘’le sérieux qu’il mérite par les pouvoirs publics’’.

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Après avoir passé en revue les problèmes des banlieues en France particulièrement dans la région parisienne (délabrement des cités, violence, jeunesse délaissée…), le conférencier a regretté que près d’un quart de la jeunesse de la France ne participe pas à la richesse du pays dont une grande majorité sont des immigrés venus du Maroc, de l’Algérie, de Tunisie, du Sénégal et autres…

Dans ce contexte il a invité le Maroc à ne pas reproduire le schéma suivi par la France en la matière.

Et de conclure que dans le monde du 21ème siècle, les inégalités connues seront surmontées par la violence, les tensions… d’où la responsabilité des pouvoirs publics d’éviter que cela n’arrive. De ce fait, seule ‘’une bonne gestion de cette problématique pourra être bénéfique aussi bien pour les pays du Sud comme pour les pays du Nord’’, a-t-il dit.

Rebondissant sur l’intervention de Borloo, Fathallah Oualalou, ancien ministre de l’Economie et des Finances et ancien Maire de Rabat a indiqué que la réflexion partagée par Jean Louis Borloo est très intéressante en ce sens que ‘’tout ce qui concerne la France concerne aussi le Maroc et les Marocains établis dans l’hexagone’’.

La question des inégalités territoriales n’est pas propre au Maroc ou à la France. Elle s’impose partout dans le monde surtout avec la crise de 2008 qui y a beaucoup contribué, a dit Oualalou, ajoutant que le Maroc, conscient de cette problématique, a entamé, sur initiative royale, une réflexion sur le modèle de développement à suivre en vue de parer aux inégalités qui se manifestent essentiellement dans l’enseignement et l’habitat.

Mais cette prise de conscience de la problématique des inégalités territoriales et des bidonvilles ne date pas d’aujourd’hui. Déjà après les attentats de Casablanca en 2003, dont les auteurs étaient issus des bidonvilles, l’Etat prend conscience de cette problématique et décide lui trouver des solutions à travers la création d’un fonds de solidarité pour l’habitat social, d’un fonds de garanti Fogarim, la mise à la disposition des opérateurs dans le secteur de l’habitat de terrains du domaine public… Puis vint le programme ‘’Villes sans bidonvilles’’ lancé en 2004’’ et la création de villes nouvelles pour absorber l’exode rural.

Selon Oualalou, certes des avancées ont été enregistrées en la matière (création de villes nouvelles) mais d’autres problèmes ont survenu notamment l’émergence d’un nouveau phénomène celui des bidonvilles dans les campagnes.

Il a souligné, dans ce contexte, la nécessité de donner une âme aux nouvelles villes et ne pas reproduire l’expérience peu réussie des HLM en France, appelant à ‘’nous préparer au problème que vit actuellement la France en tenant compte de notre propre spécificité’’.

Et de souligner la nécessité de revisiter ‘’notre modèle de développement’’ qui doit intégrer la réflexion sur la problématique de l’habitat et accorder d’avantage d’attention aux catégories précaires.

Dans son intervention Badr Kanouni, Président du Directoire du Groupe Al-Omrane a rappelé la genèse et les grands axes du programme ‘’Villes sans bidonvilles’’ lancé officiellement en 2004, relevant la forte volonté de l’Etat d’enrayer ce phénomène à travers la mobilisation du foncier public et une ingénierie financière.

Selon Kanouni, en matière de lutte contre les bidonvilles, le résultat attendu a été globalement atteint, mais une autre problématique est apparue ‘’l’intégration des bidonvilles dans les villes conséquence de l’extension urbaine’’.

Il a aussi relevé la dynamique salutaire qui a permis de relever le problème ardu des bidonvilles, soulignant le rôle central de l’Etat en matière de développement territorial et pour prévenir l’afflux et le développement urbain des villes, qui ‘’est une grande responsabilité des pouvoirs publics’’.

Saïd Zniber, wali de la région Fès-Meknès et gouverneur de la préfecture de Fès gouverneur de Fès, après avoir rappelé le processus d’urbanisation au niveau national et son accompagnement institutionnel, a évoqué l’expérience de Fès et la spécificité de la problématique des bidonvilles avec 10.000 bidonvillois qui résident au centre même de la ville et la rareté du foncier public pour les recaser.

Il a également évoqué la difficulté de faire admettre aux habitants des bidonvilles de sortir du centre vers la périphérie, soulignant l’importance de l’ingénierie sociale pour accompagner le chantier de la lutte contre les bidonvilles.

L’autre problème que connait Fès est celui de l’habitat menaçant ruine dans l’ancienne Médina, auquel s’ajoute les constructions non réglementaires surtout dans la zone nord de la ville où ‘’il y a le plus grand danger d’effondrement’’.

Selon Zniber, la requalification et la mise à niveau urbaine est un processus de longue haleine et ardu qui nécessite la conjugaison des efforts des différents intervenants pouvoirs publics, société civile….

Cette conférence-débat est la troisième d’un cycle de conférence initié par l’ambassade du Maroc en France et consacré au développement territorial. Ces conférences abordent la question du développement territorial sous différents angles pour mieux comprendre comment elle participe à la création de valeur et de richesse, et comment elle contribue à la cohésion sociale et participe à un développement durable.

La rencontre s’est tenue en présence notamment de députés, universitaires, diplomates et présidents d’associations.

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