Par ici le quartier Bourgogne, bravo la France et la Croatie

Hassan Alaoui

Dans sa vie si riche, beaucoup en souffrances, Victor Hugo était aussi quelque part journaliste, témoin de son temps. Et l’œuvre monumentale des « Misérables » était un véritable « grand reportage ». Il avait aussi écrit l’époustouflant texte intitulé « Choses vues », somme de témoignages irrésistibles, dont la force et la profondeur – à tous points de vue – restent d’actualité.

Avec l’autorisation de mes lecteurs indulgents, j’emprunte le titre à Victor Hugo – rien que ça !!!- pour écrire une chronique régulière ici et vous la proposer. Sans doute n’y aurais-je que la prétention toute modeste au demeurant, mais guère le talent, le besoin de témoigner étant aussi légitime que celui qui s’empara autrefois du Prince du journalisme des années trente du siècle dernier, un certain Albert Londres.

Il avait inventé cette expression « fatale », imprescriptible pour tout jeune journaliste qui commençait sa carrière, inscrite sur le fronton de notre métier, gravée dans le marbre de notre conscience : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ». ( Pierre Assouline, Albert Londres).

D’emblée, la question tentera nos lecteurs, ici même. Cette petite rubrique lancée dans la foulée de l’été, du mois de juillet caniculaire, en quoi sera-t-elle originale, intéressante ou inédite ? Que nous apporterait-elle de plus que nous ne sachions déjà ou ignorions ? En fait rien, sinon le partage de quelques images et quelques scènes « filmées » sur le vif, par la plume, rapportées avec des mots, entre réflexions sur l’air du temps et évidences sorties de l’ordinaire, mais passées inaperçues.

Ce n’est ni un Bloc-Notes à la Mauriac, ni un catalogage personnalisé genre « Ce que je crois » ( Ou ne crois pas) de la grande et défunte Françoise Giroud, encore moins un Carnet de route ou une humeur subjective – quand bien même celle-ci en constituerait le « sol spirituel »… Le lecteur deviendrait lui-même journaliste, spectateur engagé pour reprendre l’expression de Raymond Aron qui interpréterait les faits et les situations sur la base de réflexions que je lui soumettrais.

 J’ai grandi dans la tradition du journalisme écrit , ceux qui ont guidé mes pas dans ce métier –  ou m’inspirent – sont Hubert Beuve-Méry, André Fontaine, Pierre Viansson-Ponté, Jean Lacouture, Raymond Aron, Robert Guillain, Bernard Lauzanne, Jean-Claude Guillebaud, Laurent Greilsamer mon camarade à l’Ecole Supérieure du Journalisme de Lille (ESJ), Olivier Todd et évidemment mon ami intime, mon frère BHL.

Dans mon « Petit havre de Bourgogne »…

Ce dimanche 15 juillet 2018 – La longue avenue de Nice qui traverse le quartier, à partir de la rue Bourgogne jusqu’à la Mosquée Ibn Saoud est ce qu’on appelle l’une des plaies de Casablanca. Elle abrite une partie d’habitations populaires, avec ses petits marchés, ses vielles bâtisses quasiment en ruine, des magasins au design attentatoire, des charrettes, tirées encore par des juments au galop vif et saccadé, des marchands de toutes sortes, un impressionnant achalandage de légumes et de fruits, d’étalages de poissons de toutes sortes, des petits vieux métiers en voie de disparition, tout un fatras de choses et d’activités qui font la vie de tous les jours de ces milliers de citoyens vivant dans un carré concentré.

« Le Village » quoi ! avec sa musique et ses parfums propres et aromatisés. Si Lahcen, originaire de Tahala est toujours aussi calme ce matin, tapi sur sa chaise dans son magasin, psalmodiant des versets du Coran , nonchalant même quand pas loin, à la boulangerie Abou Marouane, une quinzaine de vendeuses, tablier jaune-noir s’agitent pour servir autant sinon des clients nombreux : le meilleur pain de Casablanca au cœur de ce quartier animé, l’épicentre du quartier mythique, vieille mémoire de la cité où, résistant au temps et au béton, son âme défend toujours sa tenacité.

Mais ce qui me semblait plutôt saisissant dans cette matinée de dimanche exceptionnelle est la paradoxale image du désir de foot. Comme à l’accoutumée en cette journée, des équipes de jeunes se relaient à partir de 8 heures du matin pour disputer des matches inter-quartiers dans un espace poudreux, un terrain pauvrement aménagé, avec des filets de fortune, les mesures spatiales tracées à la chaux…Les couleurs vives des maillots des joueurs sont un rayon de vie enchanteur… A vue d’œil, ce terrain est le prolongement du bidonville de Lahjajma , résidu d’une vie d’antan, éventré et comme sorti d’une guerre d’Afghanistan ou de Syrie…

Mais le sport est là, chaque dimanche et mercredi, pour fédérer les résidents du quartier, faire surgir sous pavés la vie, et les talents comme dans les favelas de Rio, Rocinha, Vidigal ou autres cidade… Evidemment, tant que les pavés ne sont pas sortis de terre et les planificateurs du béton armé mobilisés, ces jeunes, saisis par la fièvre ou la passion du foot,  ont encore du temps pour y jouer et s’accomplir… Tout ça sous l’œil scrutateur du Conseil municipal du quartier dominé par le…PJD…

La magie française

Aujourd’hui dimanche 15 juillet n’est pas une date à passer sous silence. Elle est butoir comme on dit, déjà mythologique. La France et la Croatie ont joué leur destin « mondial » dans cette ultime journée de la Coupe du monde de football organisée dans la Russie de Poutine. Les joueurs des deux pays se sont démenés plus qu’il n’en fallait, se sont exprimés aussi des talents et des vocations en présence de 10.000 supporters croates et en face quelque 3000 français…Quatre-vingt quinze minutes de jeu, de surprenants scénarios et renversements pour finalement voir la France gagner le Mundial 2018 avec 4 buts contre 2…

La France est sacrée championne du monde, elle surfe désormais sur un chemin pavé d’or, le président de la République, Emmanuel Macron, en bras de chemise serrant contre lui la grande présidente croate qu’est Kolinda Grabar-Kitarovic, tout à sa volubilité spontanée, Vladimir Poutine sapé sur son 31, et le public en ébullition illuminé, joyeux, fédéré…Ici, en Russie, le sport réunit la planète et nous dirions plutôt au président russe : Merci Poutine !, Bravo au peuple russe ! Admirable coupe du monde, si bien organisée et élégante même, réglée comme un papier à musique. L’affrontement fut titanique, intense et spectaculaire, les cœurs des uns et des autres frôlant l’arythmie.

Le football a gagné de nouveau ses lettres de noblesse, c’est ensuite la politique qui engrange les bénéfices en termes de positionnement planétaire, en potentiels économiques, non certes parce que les sponsors investissent en faveur du gagnant, mais parce qu’au plan intérieur le gouvernement Macron renforce sa confiance et peut se targuer que sous son « règne républicain », une France battante et motivée est désormais en émergence. Il recevra demain en grande pompe l’équipe française sous les lambris dorés du Palais de l’Elysée, tandis que le peuple français l’a déjà consacrée ce dimanche soir sur les pavés des Champs Elysées.

La France est le pays ami du Maroc, la gloire de son équipe est aussi la notre en quelque sorte. Comme aussi celle de beaucoup d’autres peuples et nos félicitations vont également à cette fantastique équipe de la Croatie qui est la révélation de cette Coupe du monde 2018.

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