Les réseaux sociaux sont-ils en train de bouleverser notre rapport à la vérité?

«Je suis Charlie » ! Cette courte phrase envoyée sur Twitter, le 7 janvier 2015, par le graphiste français Joachim Roncin, directeur artistique de magazine Stylist, moins d’une heure après le début de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo, en signe de soutien aux victimes, a fait le tour du monde, en quelques minutes seulement, via les blogs, les réseaux sociaux et quelques journaux.

Par la suite, c’est devenu l’un des slogans les plus populaires de l’histoire des réseaux Facebook et Twitter. «Je suis Charlie» se répand le soir-même dans tout l’Hexagone et les grandes villes d’autres pays sous forme de pancartes, affiches, autocollants ou autres, présenté comme symbole de «liberté de la presse» en soutien aux caricaturistes assassinés. C’est dire la force de frappe des nouvelles technologies qui se sont glissées dans nos pratiques quotidiennes à telle enseigne que de nouveaux comportements se sont imbriqués dans la vie de tout un chacun. Les smartphones, Androïd et tablettes aidant, les «amis» ou «contacts» sont constamment connectés et les yeux rivés sur leurs écrans comme par crainte de rater une information vitale. D’ailleurs, les audiences se tournent, de plus en plus, vers les réseaux sociaux pour suivre l’actualité et le phénomène est plutôt mondial.

Toutefois, le site créé par Mark Zuckerberg s’accapare la part du lion sur le marché marocain. En effet, le réseau social américain, est le deuxième site web le plus consulté au monde après Google. Ainsi ordinateurs, tablettes, smartphones, smart TV, le monde entier est presque connecté à Internet à tel point que le pouvoir des réseaux sociaux, s’imposent, petit à petit, comme des intermédiaires entre les médias et leurs utilisateurs jusqu’à faire trembler sur leur socle ces outils d’information, autrefois, indétrônables.

Avec les réseaux sociaux, rien ne s’oublie, tout se transforme 

La révolution au bout du clic

Submergés d’informations, nous le sommes et il n’a jamais été aussi simple d’y accéder et de les faire circuler voire les produire. Sauf que la pertinence et la fiabilité ne sont pas toujours de mise, malheureusement. Surtout quand il s’agit d’un événement majeur (attentat, coup d’Etat, manifestation …) et que le scoop l’emporte sur le reste. La précipitation prend le dessus au risque de véhiculer des informations fausses qui nourrissent la psychose. Ainsi donc on peut dire qu’avec les réseaux sociaux, rien ne s’oublie, tout se transforme et fait boule de neige. N’ont-ils pas été, en quelques sortes, -et facebook en tête- le nerf de la guerre des Printemps arabes ?

Bien évidemment, ils sont au centre des révolutions qui ont secoué -et continuent à le faire- le monde arabe en tant que forces mobilisatrices et moyens de communication avec l’étranger en temps réel, et ce depuis des années. Et pour cause, la révolution tunisienne de 2011 avait donné l’exemple. En Egypte, facebook y a été pour beaucoup, certes pas dans la gestion de la révolution proprement dite mais comme moyen de mobilisation de «cyberdissidents».

En Syrie, l’influence du net était aussi évidente en dépit des répressions en diffusant des images et des vidéos et en communiquant ce qui se passait au pays au-delà des frontières. Et c’est grâce aux réseaux sociaux que des débats de politique interne ont également pu s’étendre aux pays voisins. D’ailleurs, des chercheurs ont analysé plus de 3 millions de tweets, 26.000 articles de blogs et de nombreuses vidéos sur YouTube, entre novembre 2010 et mai 2011, en Tunisie et en Egypte notamment.

Durant la semaine qui avait précédé la chute de Hosni Moubarak, le nombre de tweets concernant les changements en Egypte est passé de 2400 à 230.000 par jour à travers le monde. Force est de rappeler qu’entre décembre 2010 et janvier 2011, alors que le Printemps arabe déployait ses tentacules en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Yémen, en Syrie et jusqu’au Bahreïn, Alec Ross, le Conseiller pour l’innovation d’Hillary Clinton avait dit que «le Che Guevara du XXIe siècle, c’est le net ». Est-ce à dire que les réseaux sociaux sont devenus de bons indicateurs de futures manifestations et de révolutions Facebook ou Twitter ?

«le Che Guevara du XXIe siècle, c’est le net »

les nouvelles technologies

Réseaux sociaux, mythe ou libérateurs de la parole?

S’ils n’ont pas fait les révolutions arabes et des soulèvements populaires, ils les auront, quand même, accompagnées ayant servi à informer, à mobiliser voire attiser la colère et précipiter les choses en étant l’outil de coordination militante. D’autant plus qu’en alimentant la toile en images et en vidéos, ils ont attiré l’attention des médias étrangers sur ce qui se passait dans des pays plus ou moins fermés. Les médias occidentaux parleront de « révolution 2.0 » et de « révolution facebook » mettant en exergue le rôle capital que l’internet a joué dans la destitution des régimes dictatoriaux en Tunisie, en Egypte et en Libye. De fait, facebook devenu une tribune libre, a aidé à mettre en relation et mobiliser des centaines de personnes d’horizons divers, avides de liberté, après des décennies d’oppression.

Les réseaux sociaux sont donc devenus des espaces d’expression pour des millions de gens sur internet. Mais si pendant la période des troubles, les réseaux sociaux fédèrent l’élan social, celui-ci ne tarde pas à se diviser en microgroupes d’intérêts communs. Aussi les médias sociaux concernent-ils plus la sociologie et la psychologie que la technologie. «Vive la démocratie du web»! Tout le monde peut écrire ce qu’il veut. Pour le meilleur et pour le pire. Tout le monde s’improvise militant et porte-parole. Tout le monde peut annoncer, analyser, juger, blâmer et condamner sans censure. Après quoi, on peut éteindre son PC ou son téléphone avec la nette illusion qu’on a changé les choses et pourquoi pas le monde. L’impression d’avoir contribué à la construction d’un idéal collectif berne l’internaute qui, bombant le torse pour avoir exposé ses réflexions sur un mur facebook est bien loin des actions concrètes de la vie réelle parce que ne l’oublions pas : malgré la guerre d’informations où deux ou plusieurs clans s’affrontent, facebook reste juste un outil. Tout se passe essentiellement « in real life ».

« Vive la démocratie du web »

Au mieux, on contribue au processus de la « mémoire convergente » dont l’impact est plutôt réel et redoutable. En effet, la psychologie de la mémoire entre en jeu quand l’interaction d’un groupe de personnes qui a assisté à un même événement ou dispose des mêmes informations modifie le souvenir qu’elles en gardent. Ce qui crée, bien entendu, une faille énorme entre ce qui s’est réellement passé et la représentation que l’on s’en fait. Et quand on admet de faux souvenirs qui touchent à l’Histoire, et qu’on croit que les choses se sont toujours passées comme les réseaux sociaux les racontent sans vérifier, bonjour les dégâts ! Ceci dit, aujourd’hui, la guerre ne se joue plus seulement sur le terrain de bataille et des hostilités entre armées mais dans les supports médiatiques. C’est devenu un enjeu idéologique.

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