Quand le Roi se met en colère, tout se met en marche

Monsieur le chef de gouvernement, mesdames et messieurs les ministres et secrétaires d’Etat, partis politiques, élus locaux et régionaux, parlementaires, autorités publiques et hauts responsables, il y a le feu au lac ! Désormais, pour que celui d’al- Hoceima ne s’étende sur tout le Maroc, pour éviter que la crise ne soit transférée dans d’autres régions et pour exempter le pays de grosses tempêtes, il n’incombe qu’à vous d’épargner au pays une autre crise interne de la dimension de celle de la ville d’Al Hoceima qui a empoisonné le climat et mis la tension à son pic pendant huit mois où le Maroc tout entier a été mis sous les projecteurs de médias internationaux animés par la haine et l’hostilité à l’égard de notre pays et de sa stabilité.

Responsables, vous l’êtes parce que vous n’avez pas su gérer vos priorités sachant que vous travaillez toujours dans l’urgence et sous la pression.

Il a fallu que Sa Majesté recadre les choses, vous tance pour la « non exécution », « dans les délais impartis » des projets inscrits dans le programme « Manarat Al Moutawassit » (2015-2019) dédié à al-Hoceima et interdise aux ministres concernés par ces projets de prendre des congés cet été pour que chacun se mette à la besogne. Il a fallu que le Souverain donne ses instructions à l’Inspection générale de l’Administration territoriale, relevant de la tutelle du ministère de l’Intérieur, et l’Inspection générale des finances, dépendant du ministère des Finances, de mener les enquêtes nécessaires à ce sujet afin d’établir les responsabilités de chacun, dans les brefs délais, pour que le mécanisme se déclenche et que tout se remette en marche.

Responsables vous le serez si désormais les citoyens de toute région enclavée s’inscrivent dans un rituel de contestation. Vous leur aurez passé le message, implicitement, que si on veut réclamer ses droits, il faudrait bien faire entendre sa voix.

Al-Hoceima retrouve son calme

C’est à croire que lorsque le Roi accélère, les autres freinent des quatre fers.

Ceci étant, nous savons tous que bien que SM le Roi soit le garant de la stabilité, il n’a pas le don d’ubiquité et ne peut tout faire seul. Aussi faut-il qu’il y ait de vraies institutions et une bonne gouvernance. Les citoyens savent désormais que dès que le Roi s’y met, la transparence est d’emblée de mise bien qu’institutions et élus ont perdu toute crédibilité auprès de la population. Ainsi donc et à travers des signes positifs envoyés par l’Etat, celui-ci fait montre de volonté d’apaisement et signe un début de sortie de crise.

Aujourd’hui et après de longs mois de manifestations, un calme relatif regagne le terrain petit à petit à al Hoceima et Imzouren. La ville reprend vie au son des bulldozers, des grues et d’autres engins de génie civil. Assurément, l’appel au calme lancé par les autorités a désamorcé la tension qui était à son paroxysme au mois du ramadan. C’est dire que le mécontentement de SM le Roi a fait que d’un coup tout se mette sur les rails comme par magie. Les remontrances à l’encontre des membres du gouvernement lors du Conseil des ministres tenu à Casablanca au dernier jour du mois de Ramadan, le 25 juin auront donné leur effet sans tarder imposant au gouvernement un activisme qui n’est pas de coutume.

Si la ville est, aujourd’hui, en chantier le plus conséquent, qu’une autre facette de la ville est en train de s’imbriquer dans l’histoire répertoriant les grands changements et qu’une brise de soulagement souffle, enfin, sur les esprits mis à l’épreuve pendant longtemps c’est qu’on essaie de rattraper tout ce qui n’a pas été fait pendant des années. Des quartiers entiers se construisent, jour et nuit, des infrastructures routières, des constructions géantes sont en train d’être réalisées et les champs des travaux ouverts vibrent aux sons des engins de chantiers dessinant les contours de ce qui ressemble à une ville muée en arsenal. C’est toute la ville qui est en travaux et des opérations sont menées en même temps

Une ville sous de nouveaux auspices

Aujourd’hui, tout le monde sait que le programme « al-Hoceima manarat al moutawassit » (2015-2019), a été lancé en présence de SM le Roi, en octobre 2015, avec un budget de 6,515 milliards de dirhams. Mais depuis l’inauguration et la signature d’un grand nombre de projets, la réalisation de ceux-ci à tardé à se faire. Et bien sûr, force est de rappeler que la grande responsabilité incombe au gouvernement Benkirane qui a fait montre de manquement et d’incapacité à mobiliser les ressources financières qu’il fallait pour réaliser les projets concernés, dans les délais impartis. Le Chef de gouvernement actuel s’est montré, quant à lui, incapable de gérer ce dossier lourd et épineux qui a été la goutte qui a fait déborder le vase.

C’est alors que le gouvernement, pressé par la colère royale et tiré de sa torpeur, s’est rappelé enfin de ses tâches. Le ministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Aziz Akhannouch n’a pas tardé à fouler le sol de la ville révoltée et de présider la cérémonie de signature de la convention relative à la gestion de la plateforme logistique et commerciale des produits de terroir Aït Kamra. Il a également « appelé les responsables en charge du projet de construction d’une unité d’usinage de lait à Imzouren, à accélérer les travaux de réalisation et de finalisation de cette unité » qui est l’une des composantes du Pilier II du Plan Maroc Vert pour le développement de la filière laitière au niveau de la province d’al-Hoceima pour qu’elle « soit opérationnelle dans les délais impartis ». Ce projet, lancé en 2016 et dont la réalisation s’étale sur 4 ans, devrait nécessiter un investissement global de 37,5 millions de dirhams.

D’un autre côté, il a annoncé que depuis le lancement du Plan Maroc vert, le ministère déclare avoir « accordé une grande importance à l’agriculture dans la région, à travers la plantation de 16.000 hectares, en plus du programme inscrit dans le cadre du projet « Al Hoceima – Manarat al Motawassit » pour planter 8.000 hectares d’arbres fruitiers », en assurant que 6.000 hectares d’arbres fruitiers seront plantés d’ici fin 2017 alors que le reste est programmé pour l’an prochain.

De son côté, le directeur régional de l’agriculture dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Mohamed Alami a relevé que ces différents projets ont nécessité une enveloppe budgétaire de plus de 640 millions de dirhams et que plus de 90% du programme établi à l’horizon 2020 a été réalisé, à travers la plantation de 16,5 des 18.000 hectares programmés. Et bien entendu, parallèlement à ces programmes, la réalisation de 100 km de routes en vue de faciliter la valorisation et la commercialisation des produits agricoles, en plus de plusieurs projets d’irrigation sont prévus.

Et comme la ville a des atouts esthétiques incontournables, le ministre du Tourisme, du Transport Aérien, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale, Mohamed Sajid, et la Secrétaire d’Etat au Tourisme, Lamia Boutaleb, ont pris des mesures à effet immédiat pour sauver la saison estivale actuelle à al- Hoceima et promouvoir le secteur. Pour cela, la 1ère urgence mise en place par le ministère, en partenariat avec la région Tanger-Tétouan Al Hoceima, est la mise en place de 2 vols supplémentaires par Royal Air Maroc (RAM) à des prix compétitifs à destination d’al-Hoceima : Casablanca-Al Hoceima à 400 dirhams l’aller et Tanger-Al Hoceima au prix de 300 dirhams l’aller à partir de ce lundi 10 juillet en vue du désenclavement de la destination.

Notons que cette action, dotée d’un budget de 18 millions de dirhams, sera soutenue, conjointement, par la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima et le ministère du Tourisme, du Transport aérien, de l’Artisanat et de l’Économie sociale (DGAC et ONMT).

Ceci dit, la relance de ces projets ambitionne de positionner la ville dans le giron des grandes métropoles économiques et touristiques. On ne peut donc que s’en réjouir.

Et le reste du Maroc ?

Bien sûr, la réalité nous rattrape même dans notre joie la plus immense. Et l’on se rappelle, à l’évidence, qu’il y a une véritable rupture entre les grandes villes et le reste du pays où plusieurs régions sont mises à mal.

Le pays mérite une meilleure gestion que celle adoptée actuellement par les membres du gouvernement car le Maroc, rappelons-le, n’est pas seulement les clefs de voûte et les grandes agglomérations mais c’est surtout les chevilles ouvrières, les petites villes et les zones recluses qui constituent le revers d’un Maroc en couleurs. Une grande partie du Maroc qui souffre, au quotidien, de la mauvaise gestion et du gaspillage des deniers publics. Pourtant, ces citoyens relégués au second plan aspirent aussi à de jours meilleurs et espèrent que leurs attentes légitimes et sans fard aucun puissent être prises en considération sans qu’ils aient recours aux protestations qui constituent désormais le seul moyen pour trouver une oreille attentive.

N’oublions pas ces villes qui conservent leur allure d’antan renvoyant aux cartes postales sépia d’une autre époque où tout reste à faire. Les frustrations germent et s’enchevêtrent les unes dans les autres et risquent de s’encroûter avant de déflagrer.

Aussi les responsables gagneraient-ils à changer de stratégie et à traiter toutes les régions équitablement en développant les régions enclavées surtout les zones montagneuses où tout est encore à faire et qui restent à la traîne par rapport au développement exponentiel des grandes villes. Le leurre n’est plus permis à l’égard du citoyen marocain qui fait bonne garde et refuse d’être dans le cirage. S’il a longtemps été confiné au simple statut de spectateur, aujourd’hui, il demande à être acteur actif des actions et à avoir voix au chapitre.

Ne serait-il préférable de travailler dans la transparence des décisions gouvernementales, régionales et communales, d’établir les responsabilités, de rendre compte de l’utilisation faite de l’argent public et de sanctionner -quand il y a lieu de manquement ou d’abus de pouvoir et de confiance- ? Ne faudrait-il pas soumettre les procédures des marchés publics au contrôle d’adjudication et d’attribution des concessions ? Ne pourrait-on pas revoir tout le système du ministre au caïd en rompant avec l’opacité de cet engrenage ? N’est-il pas encore temps que nos gouvernants, élus et partis politiques trouvent un terrain d’entente et puissent regarder dans la même direction qui mènerait au bien du pays avant et après tout ? Parce qu’il faut le dire, il y a un sérieux problème de coordination entre eux surtout quand il y a divergence d’intérêt qui fait que quand l’un dit blanc, l’autre dit noir.

Les responsables ont donc intérêt à faire de l’expérience du Rif une leçon de mauvaise gestion à retenir, à instaurer une vraie communication au sein de leurs sphères et puis avec les citoyens au lieu de les dénigrer du haut de leur tour d’ivoire et de leurs bureaux feutrés. Le Maroc et les Marocains –d’ailleurs ne sont-ils pas à leurs gages ?- doivent être au cœur de leurs préoccupations au lieu de faire de leurs postes un moyen d’immunité et d’ascension sociale.

S’ils ont le gros bout du bâton, beaucoup de défis leur restent à relever s’ils ne veulent pas être sommés, à chaque fois,  par un rappel à l’ordre royal.

Quand les citoyens, après de nombreux coups de bambou s’adressent directement au Roi, c’est que nos partis politiques, nos élus et notre gouvernement se doivent de se remettre en question.

 

 

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