Zoulikha Nasri: une femme d’action s’en va…

 

La mort rôde et emporte en cette triste fin d’année une autre icône de l’Histoire du Maroc. Zoulikha Nasri, la première femme Conseillère du Roi, est décédée le mercredi 16 décembre à Rabat, à l’âge de 80 ans des suites  d’un accident vasculaire cérébral  à l’hôpital militaire de Rabat.

D’une simplicité désarçonnante, d’une humilité déconcertante, elle a toujours été fidèle à sa sobriété. La jovialité et la chaleur d’une âme vouée à la tâche, l’humanisme porté non comme un colifichet mais comme un blason, elle traduisait la pensée royale sur le terrain et devançait les souhaits parce qu’intimement, colletée aux soucis et à l’écoute des citoyens. Autant dire que la solidarité n’était pas chez elle un vain mot mais plutôt le principe de son engagement.

Puissante dans sa discrétion, exceptionnelle dans sa nature, elle aura été la première femme avec qui le titre de conseiller du Roi a été conjugué au féminin. La fermeté et la détermination sont les caractéristiques de la première femme qui a fait partie de l’entourage très proche de deux Rois pendant plusieurs années.

Femme de fer et de cœur

Femme d’action et de terrain, elle a toujours été de tous les combats. Son allure et sa démarche claudicante n’ôtaient rien à sa force ni à son énergie. On se rappellera toujours avec quelle conviction elle a décidé d’assainir le secteur des Assurances, un secteur transformé, pendant des années, en maquis où le manquement aux règles côtoyait l’illégalisme et le délit. Inscrite sur son fronton, la rigueur était de mise et servait de règle dans son travail et dans l’accomplissement successif de ses différentes missions.

Femme de caractère, courageuse et fidèle à ses engagements, elle préférait  œuvrer loin des salons feutrés aux murs capitonnés et se lançait sur un terrain aride, sinueux et boueux pour aller soutenir des Marocains dans le besoin.

Qui ne se souvient pas de sa présence sur les décombres d’Al Hoceïma, juste peu de temps après le séisme qui s’était abattu sur la ville pour chapeauter et organiser la distribution des aides aux sinistrés et dompter les intentions malveillantes de politiciens ayant voulu faire de cette « opportunité » un motif de récupération ? Ne dormant que trois heures par jour, elle avait passé une semaine parmi les citoyens éplorés pour les consoler et partager leurs moments de douleur.

Native d’Oujda où elle avait fait ses études jusqu’à l’obtention du baccalauréat, elle obtient une maîtrise de Droit à l’université Mohammed V de Rabat et s’inscrit à l’école nationale d’administration en 1964. Elle obtient son diplôme en 1967 dans la Finance et l’économie avant de partir pour la France afin de préparer un doctorat d’Etat en droit privé à l’Institut des Assurances de Lyon. . Sa thèse a porté sur le droit des assurances au Maroc et a été publiée aux éditions La Porte en 1982.
A son retour, elle intègre le ministère des Finances où sa compétence la hisse au poste de Directrice des Assurances au ministère des Finances qu’elle a intégré en tant que fonctionnaire.

En août 1997, elle est l’une des quatre femmes à avoir intégré le gouvernement et est désignée Secrétaire d’Etat auprès des Affaires sociales, chargée de l’Entraide nationale au sein du gouvernement d’Abdellatif Filali. Nommée au poste de conseillère du Roi par Feu Hassan II, elle rejoint le Cabinet Royal en 1998. L’année suivante, elle est aux commandes de la Fondation Mohammed V pour la solidarité où elle s’est démenée sans cesse, a mis en place une équipe de collaborateurs, fidèles entre les fidèles, dévoués à la cause des démunis et des pauvres, de « combattants » de l’ombre qui étaient mobilisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En 2002, elle est nommée à la tête de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus.

Femme des missions difficiles

Présente sur tous les fronts sociaux, militante sociale dans l’âme, elle a toujours été aux côtés du Roi et son œil qui veille sans répit. Unique femme parmi des hommes, elle a su asseoir son autorité et conforter sa présence. Son poste d’une importance capitale et d’une sensibilité cruciale, elle saura le gérer avec dévotion envers le Roi et son pays, d’une poigne de fer avec tous ceux qui manquent à leur devoir et en y mettant beaucoup de cœur dans sa proximité avec les citoyens de toutes souches. La voix qui faisait trembler les dirigeants s’adoucissait avec les pauvres.

La femme qui accourait à la rescousse dès qu’une crise s’annonçait et dont la vie a fait écho au combat et au militantisme, a traité non seulement de gros dossiers sociaux mais aussi économiques et politiques.

Son parcours n’aura connu aucun écart, aucune bévue ne serait-ce que la rumeur d’un manquement ou d’un dépassement. D’un grand professionnalisme, d’une compétence qui frôle la perfection et d’une neutralité sans faille, elle n’aura été en aucun cas une femme de conflits. Femme de parole et de convictions, elle faisait de sa mission une foi s’attelant aux valeurs de son pays.

Celle qui a longtemps marché dans les pas du Roi et a chuchoté à l’oreille royale  a bien incarné le symbole de la femme marocaine qui occupe le devant de la scène par sa détermination, son honnêteté, et sa compétence intellectuelle conciliant les impératifs de la modernité et une tradition ancestrale.

Feue Zoulikha Nasri ou la conscience faite femme, la dame des missions difficiles, la pionnière des œuvres sociales s’en va laissant derrière elle un fauteuil vide qu’il serait difficile d’occuper.

 

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