La montée du national-populisme : la grande menace contre l’humanisme
Par Abdessamad Mouhieddine
Né à la fin du XVIIIe siècle, le nationalisme s’est développé au XIXe et au XXe siècle. Il a épousé des contenus chauvinistes et franchement totalitaires en Europe à partir des années 20 du siècle dernier. C’est ainsi que le nazisme s’était amplement installé en Allemagne et le fascisme en Italie, dès l’aube des années 30 du XXe siècle. Nous savons à quels drames apocalyptiques ces mouvements idéologiques mongoliens avaient abouti, avant et durant la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter à plus d’un titre un peu partout dans le monde. Outre les Etats-Unis d’un Tremp scandant à-tout-va son « America first » et bafouant les principales règles internationales en matière de coopération multilatérale, pas moins de 11 nations européennes sont, aujourd’hui, dirigées par des partis national-populistes ou des coalitions comprenant ces partis, de l’Italie à la Pologne !
Est-il besoin d’évoquer ici la Russie poutinienne qui s’est drapée d’un nationalisme d’extraction slave doublé d’un retour fulgurant de la religion orthodoxe ?
Même en France qui s’enorgueillit tant et à juste titre de son héritage humaniste, le virus national-populiste connaît une prospérité électorale tant à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche du système politique hexagonal.
Pis encore, la jacquerie des « Gilets jaunes » a secrété des discours aux relents nationalistes inquiétants. Un simple coup d’oeil sur la masse des revendications renseigne sur une forte demande de l’Etat-providence par opposition aux agrégats financiaristes exigés par l’Union européenne, relayée par le FMI.
En vérité, la propagation du discours populiste à travers le monde semble être la conséquence directe d’une mondialisation qui laisse peu de place aux aspirations sociales.
L’émergence de nouvelles forces économiques hors de la sphère occidentale, la prohibition des déficits qui faisaient auparavant office d’amortisseur social et, surtout, la réduction des coûts du travail ont fragilisé peu à peu les classes moyennes et les couches défavorisées.
Au « moindre État » des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix du siècle précédent succède une forte demande d’«Etat-providence» que relaye un discours nationaliste, parfois ultra-protectionniste.
Importée des USA, la crise financière de 2008 semble avoir favorisé les mouvements populistes exprimés par les urnes sur toute l’étendue de l’espace européen, d’abord au Sud (les Indignés, la Catalogne en Espagne, Gouvernement Conte en Italie…etc.), puis à l’Est (Jobbik en Hongrie, FPÖ en Autriche, etc.)
C’est que la mondialisation a permis le transfert du centre du monde de l’Occident vers l’Asie où la Chine a pu déclasser les États Unis, dès 2015, à la tête de l’économie mondiale.
En vérité, la compétition mondiale a marginalisé les classes moyennes occidentales et créé une classe moyenne dynamiquement ascendante en Chine. Durant deux décennies, pas moins de vingt à trente millions de Chinois sont propulsés vers les trois strates de la classe moyenne grâce à un Etat fort et lui-même dynamique au registre de la compétitivité.
L’avènement de Tremp, électoralement soutenu par les dizaines de millions de victimes de la crise de 2008 et ses prolongements socioéconomiques, semble n’être rien d’autre que la conséquence de ce déclassement face aux dragons asiatiques, Chine en tête.
Ce déclassement a pu toucher nombre de nations occidentales, dont la France qui s’est vue ainsi reléguée à un rang comparable à celui du Brésil, alors qu’elle s’était longtemps positionnée au 4e rang mondial.
Ainsi, au pays de 1789, 1830, 1848, 1871 et 1936, on a vu prospérer le national-populisme non seulement sur la scène politique où le Front national, devenu le Rassemblement tout aussi national, put accéder au second tour des présidentielles, mais également au niveau intellectuel où un Finkielkrut put aisément rejoindre l’Académie française !
La parole national-chauviniste s’est ainsi libérée au détriment des forces progressistes au point qu’un Parti socialiste jadis triomphant s’est vu quasiment écrasé durant les dernières échéances électorales.
Ainsi donc, partout en Occident, la longue alliance de la bourgeoisie éclairée avec les couches sociales modestes a été pulvérisée par les mutations qui ont privilégié les nouvelles technologies de l’information au détriment de l’industrie, la financiarisation de l’économie à la défaveur de la production. Le now how semble remplacer les biceps, ce qui jette à la marche des millions de travailleurs manuels.
Qu’en est-il du populisme au Maroc où le PJD conduit le gouvernement depuis deux législatures ?
A l’épreuve du pouvoir, le parti islamiste ne s’est pas privé de toutes sortes d’envolées populistes où les «à-peu-près» dogmatiques, les charges anti-modernitaires ou encore le fatalisme « inchallahesque » ont prospéré, notamment durant le Gouvernement Benkirane. Celui-ci put ainsi, toute honte bue, se réclamer de la pensée exclusionniste du même Ibn Taymiya qui a copieusement nourri la pensée wahhabite !
Au Maroc, les réseaux sociaux pullulent de discours anti-occidentaux, voire anti-modernitaires et parfois franchement racistes et antisémites.
Pis encore, la notion de la nation semble émigrer vers un national-populisme teinté d’islamisme où, à titre d’exemple, le statut de la femme est relégué à une honteuse infériorité.
Paradoxalement, l’explosion des autoroutes de l’information a engendré un anti-progressisme aux relents exclusivistes où s’insèrent des populations démunies de culture et donc de sens critique. Des slogans du type « hijabi ‘iffati » (mon hijab est ma pudeur) deviennent le credo d’une élite dirigeante qui rêve d’aliéner les acquis du Code de la famille institué à l’aube des années 2000.
A vrai dire, un peu partout dans le monde, la peur gouverne de plus en plus les esprits et les comportements. On se dirait au lendemain de la crise de 1929 qui avait engendré un national-populisme vite métamorphosé en idéologies dévastatrices.
Il est donc temps de protéger la nation marocaine contre ce fléau qui s’est emparé du rigorisme islamiste pour développer un anti-occidentalisme revanchard qui n’est rien d’autre que le paravent d’un activisme anti-modernitaire.