« Le Conseil Paix et Sécurité » : Organe d’intégration stratégique et sécuritaire dysfonctionnel, inefficace et sujet de réforme ?
L’union Africaine, en général, et le Conseil « Paix et Sécurité », en particulier, souffrent de dysfonctionnements d’ordre stratégiques, structurels et opérationnels qui entravent son bon fonctionnement et les interactions de ses composantes dont la lourdeur bureaucratique, l’absence de coordination et la réticence de communautés régionales et des Etats à s’impliquer dans les stratégies du CPS, qui est l’objet d’instrumentalisation politique, de la part des grands contributeurs africains dans la maîtrise de l’agenda et des décisions au détriment des « petits pays ».
L’autonomie financière : Un enjeu majeur
L’institution africaine dont le budget de 2017 s’élevait à 782 Millions de $ est dans l’incapacité de financer ses programmes et son fonctionnement. Cette instance sous perfusion est tributaire, pour 75% des contributions étrangères de l’ONU, l’UE, la Chine, le Japon et les USA. 90% du quart restant est financé par les 5 « grands contributeurs » africains à savoir l’Algérie, le Nigéria, l’Afrique du Sud, l’Egypte et l’Angola. Le Maroc, nouvellement admis dans l’institution, a, d’ores et déjà, sa place dans ce gotha africain. Cette situation affaiblit doublement l’autonomie stratégique de l’Union dont les donateurs étrangers, pèse sur les décisions importantes et permet à certains pays d’appliquer leur propre agenda, en fonction d’intérêts économiques et politiques propres. Elle facilite également l’influence des cinq contributeurs cités pour exercer et étendre leur influence partisane dans toutes les décisions inhérentes aux nombreux conflits africains. La nécessité de contrepoids, forts et crédibles, est primordiale pour redonner à cette instance une place convenable dans le concert des organisations internationales.
Pour atteindre cet objectif, l’Afrique doit assurer son indépendance financière et dépasser cette situation de perfusion où elle se trouve et décider de son avenir en toute liberté. Le rapport Kagamé trace des pistes de réflexion intéressantes dont la taxe Kabéruka est le corollaire. Cette taxe de 0,2% sur les importations est susceptible de générer 1,2 Milliard $ au profit de l’Union Africaine et lui garantir sa survie et sa souveraineté stratégique. A ce stade, une vingtaine de pays l’aurait déjà avalisée, une dizaine aurait donné des gages pour sa signature, reste les contributeurs principaux qui rechignent à emboîter le pas pour son aboutissement. Un lobbying est déjà en cours pour aboutir à un consensus nécessaire à son adoption.
La complexité structurelle :
« On veut être partout, et on n’est nulle part », disait François Bizimana, ancien député de l’assemblée législative de la CEA. En effet, l’Afrique est constituée de plusieurs entités régionales qui complexifient son mode de fonctionnement, dans leurs interactions et coordinations, indispensables à l’efficacité et à l’efficience de ses structures. Aussi se pose la problématique de la multi-appartenance des pays aux Communautés Régionales, en termes d’obligations financières des Etats, envers les communautés auxquelles ils appartiennent, de l’incapacité de fournir des personnels compétents au sein des CER et in fine, mettre ces structures dans une situation de concurrence, au lieu d’une complémentarité incontournable pour une véritable intégration économique, politique et sécuritaire nécessaires au Continent africain. Par ailleurs, près d’un quart des pays sont en défaut de paiement de cotisation au profit des communautés, de l’UA (le Burundi par exemple cumule un retard de cotisation de 2,9 Millions de $).
Le Conseil de Paix et Sécurité est l’organe le plus imporant de l’Union Africaine, en termes d’attributions puisque la dernière réforme lui a attribué, en plus, le département des affaires politiques malgré ses moyens limités en ressorces humaines et constitue une charge supplémentaire dont il est difficile de s’acquiter, dans l’état actuel des choses. La réforme de cet outil continental de paix et de stabilité est une impérieuse nécessité pour qu’il soit en adéquation avec les menaces émergentes sur le continent. L’enjeu de la cybersécurité jusqu’ici mal appréhendé est un autre challenge à maîtriser en termes de sécurité