Où va l’Amérique?
Par Gabriel BANON
Parler d’un « coup d’État » en analysant les événements d’il y a quelques jours à Washington est un pas qu’on ne peut franchir. Le spectacle affligeant et inquiétant – des supporters de Trump prenant d’assaut et envahissant le Capitole de Washington, où siège le Congrès, a montré un visage déplorable du Parti républicain. Pour la première fois depuis la guerre de Sécession, les conservateurs ont semblé vouloir empêcher l’alternance, une tradition pacifique pourtant solidement ancrée. L’assaut des pro-Trump à Washington illustre la prétention des populistes d’incarner à eux seuls le peuple. Un redoutable défi lancé aux démocraties. Des centaines de manifestants pro-Trump ont envahi, mercredi dernier, le Capitole à Washington, dans un climat insurrectionnel. La session du Congrès qui devait confirmer la victoire de Joe Biden a été interrompue, durant plus de cinq heures, avant de reprendre, une fois le bâtiment sécurisé. Le monde entier s’est ému et a été choqué de cette attaque inédite contre le temple de la démocratie américaine.
S’attaquer au temple de la démocratie à Washington, le Capitole ! Ce n’est pas anodin. Cela illustre une crise profonde de la société américaine aujourd’hui éclatée. Existe-t-il encore un peuple américain ? Est-il encore uni derrière la Constitution que les pères fondateurs ont mis au point minutieusement, une charte, un pacte suprême au service du peuple? Mais le peuple du temps des pères fondateurs n’existe plus. Il y a aujourd’hui deux cultures qui s’affrontent. Les WASPS ne représentent plus que 60% de la population, taux qui diminue, chaque année, au profit des hispaniques : c’est le protestantisme saxon face au catholicisme hispanique. On a là un véritable heurt de deux civilisations et l’Amérique le vit mal. Les Républicains restent le bastion des conservateurs. Le petit blanc protestant se sent combattu par la montée des catholiques, la plupart de gauche. Cette situation qu’a personnifiée Donald Trump, a ranimé les démons d’antan : la violence, le racisme et la xénophobie.
LIRE AUSSI : USA : Trump lance un appel au calme et s’engage à un transfert pacifique du pouvoir
Le parti démocrate a, aujourd’hui, une assise majoritairement hispanique, le tirant vers la gauche. Il a perdu les supports financiers de sa droite ; et ses nouvelles troupes ne sont pas à même de compenser l’aide de ses contributeurs traditionnels.
Aujourd’hui, le 46ème Président des Etats-Unis aura bien d’autres défis à relever, tant le pays est aujourd’hui divisé entre partisans pro-Trump qui continuent de nier la défaite de leur champion ; une économie terrassée par la Covid ; et des Afro-américains qui s’élèvent pour dénoncer les violences policières et le racisme dont ils font l’objet, Joe Biden n’a pas beaucoup d’alternatives.
Comment va-t-il pouvoir panser les plaies des Américains ? Quelle va être sa stratégie pour faire face à une situation sanitaire, économique, politique, sociale et sociétale difficile ? Aura-t-il les marges de manœuvre nécessaires pour engager les transformations qu’il souhaite ?
Joe Biden hérite d’un pays divisé, fracturé. La question qui se pose est celle ci: aurait-il l’autorité et la vigueur nécessaires pour réconcilier le peuple américain avec lui-même ? On peut en douter.
La première puissance mondiale durablement en crise, l’Europe risque d’être déstabilisée pour longtemps. La Chine et la Russie seront, apparemment, les seules puissances à tirer leur épingle du jeu.