Le Maroc, un acteur clé des exportations russes de PhosAgro vers l’Afrique

Malgré un contexte de recomposition des échanges commerciaux internationaux, le Maroc se positionne comme un maillon stratégique dans la montée en puissance des exportations russes d’engrais vers le continent africain. Une dynamique qui témoigne de l’évolution des flux économiques et des enjeux liés à la souveraineté alimentaire en Afrique.

L’année 2024 marque une progression fulgurante des exportations de PhosAgro, géant russe de l’industrie des engrais phosphatés et azotés. Avec 730 000 tonnes expédiées vers l’Afrique, l’entreprise affiche une croissance de 33 % par rapport à l’exercice précédent. Dans ce mouvement, cinq pays se distinguent par leur volume d’importation : le Maroc, l’Afrique du Sud, le Mozambique, le Cameroun et l’Éthiopie.

Parmi eux, le Maroc se démarque avec une explosion de ses achats, multipliés par 5,5 en un an. Une progression spectaculaire qui reflète une demande accrue en intrants agricoles, alors que le Royaume renforce sa stratégie de modernisation agricole et de sécurisation de sa production alimentaire.

Si d’autres pays comme l’Afrique du Sud enregistrent une croissance plus mesurée (+10 %), le Mozambique (+80 %) et le Cameroun (+60 %), ils confirment également l’intérêt grandissant du continent pour les fertilisants russes. Quant à l’Éthiopie, elle opère un retour significatif en renouant avec PhosAgro après huit ans d’absence, avec une commande d’envergure.

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Avec un marché mondial marqué par de profonds bouleversements, la Russie redéfinit ses alliances commerciales, contraignant ses industriels à diversifier leurs débouchés à la suite des sanctions occidentales. Cette redistribution des cartes profite notamment aux pays émergents, dont l’Afrique, qui voit s’intensifier les flux en provenance de Moscou.

Mikhaïl Sterkine, directeur adjoint de PhosAgro en charge des ventes et du marketing, souligne d’ailleurs que son entreprise représente désormais 40 % des exportations russes d’engrais minéraux et couvre environ 7 % des besoins du continent africain.

Dans ce paysage en mutation, le Maroc occupe une position singulière. Principal producteur et exportateur mondial d’engrais phosphatés via l’Office chérifien des phosphates (OCP), le royaume domine historiquement le marché africain des fertilisants. La montée en puissance des importations en provenance de Russie pose ainsi une question centrale : s’agit-il d’un simple ajustement stratégique pour diversifier ses sources d’approvisionnement, ou bien d’un virage plus structurant susceptible de redéfinir le rôle du Maroc dans la chaîne de valeur des fertilisants ?

Le recours accru aux produits russes pourrait s’expliquer par une volonté de sécuriser l’approvisionnement en intrants agricoles, dans un contexte de volatilité des prix et d’incertitudes géopolitiques. Pour autant, cette tendance interpelle sur ses implications à long terme. Le Maroc, leader en matière d’engrais phosphatés, pourrait-il voir son modèle économique évoluer sous l’effet de cette ouverture à des fournisseurs concurrents ?

L’enjeu dépasse la simple augmentation des volumes importés : il s’agit de mesurer l’impact potentiel sur les exportations marocaines de produits finis à base de phosphate, destinés au marché africain et international. En d’autres termes, si l’importation d’engrais russes se confirme comme une tendance structurelle, elle pourrait influer sur l’équilibre de la filière marocaine et sur la stratégie globale de l’OCP.

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