A Oslo, “We Could Be Heroes” distille une émotion à fleur de peau

L’émotion à fleur de peau, les larmes au bord des yeux, un sourire vissé aux lèvres et tantôt interrompu par un rire aux éclats, balancé entre la joie et la mélancolie, le public aura manifestement été envoûté par l’histoire derrière le documentaire “We Could Be Heroes” sur les athlètes marocains paralympiques, projeté en fin de semaine dernière à Oslo.

Ce film émouvant de la Marocaine Hind Bensari poursuit son odyssée dans les salles obscures et vient d’être dévoilé au public norvégien avec trois projections au festival Arab Film Days (20-24 mars).

S’il est vrai que cette oeuvre a été largement saluée par la critique depuis sa sortie en mai 2018, elle demeure promise à une carrière internationale en donnant de la visibilité aux sans-voix, et en rendant audibles leurs combats pour la dignité.

Une chose est certaine: le film a valu à Hind Bensari d’être la première réalisatrice africaine à décrocher le grand prix du meilleur documentaire international au festival Hot Docs de Toronto. Il s’agit aussi du premier documentaire marocain à être sélectionné en short-list pour les Oscars.

“We Could Be Heroes est un très beau film que tout le monde a apprécié dans le festival”, confiera Johanne Svendsen Rognlien, directrice de la programmation d’Arab Film Days, arguant que le documentaire pointe du doigt les fractures sociales d’un oeil bienveillant et lève le voile sur la nouvelle génération de réalisateurs marocains, assez forts pour soulever des sujets tabous et polémiques.

D’autre part, cette spécialiste du cinéma expliquera à la MAP que le film traite “d’une amitié nouée de fil en aiguille entre deux grands athlètes handisport qui sont déterminés à se qualifier aux Jeux de Rio mais à leur retour au Maroc, ils semblent être marginalisés”, soulignant qu’il s’agit “à la fois d’une histoire de héros et d’un message politique”.

Sur fond de ce double combat pour la dignité, cette production de 1h19 retrace le parcours assez étonnant de deux compagnons de route depuis l’enfance, Azzedine et Youssef, tous deux en situation de handicap et déterminés à participer aux Jeux paralympiques 2016 de Rio.

Dans une construction poétique et intimiste, la cinéaste choisit ici de jeter la lumière sur l’injustice sociale dont sont victimes une large frange de personnes en situation de handicap, privilégiant de tendrement restituer en images la rage de vaincre plutôt que la victimisation.

“Tu n’es pas comme tout le monde”, “Toi et moi, nous devons nous entrainer deux fois plus que les autres”, “Tout ça doit te rendre plus fort pas plus faible, tu m’entends!”, “Tu dois être qualifié”, “Montres moi que tu es un Homme”, dira Azeddine Nouiri, déjà sacré champion et recordman du monde du lancer de poids sur siège à Londres, à son compagnon d’infortune Youssef, qui acquiesce et s’entraîne dur comme fer malgré des conditions rudimentaires.

Du début à la fin, la réalisatrice a su capter les moments forts de cette histoire profondément humaine. Elle saisit avec sa caméra les moments de tension, les éclairs de tendresse, les instants de doute… Bref, on les voit lutter mais aussi vivre, rire et continuer leur combat contre vents et marées, les obstacles se dressant en nombre mais avec affection et humour, ils tentent de les surmonter.

Si durant le film on passe facilement du rire aux larmes, on est ému par la relation si spéciale qui unit Azzedine et son protégé, puis on est attendri par le jeune Youssef, atteint d’ataxie. Le message de fin est dur, à l’instar d’une réalité implacable.

A la fin de la projection, le public applaudit à tout rompre, heureux d’avoir frissonné. “J’ai adoré le film. Si j’avais autant de détermination il y a quelques années, je serais allé plus loin, moi qui pensais être allé au bout de mes rêves”, lancera d’emblée Abdesslam El-Mrabet, un spectateur marocain, à sa sortie de la salle du Vika Kino, qui semble se remémorer la belle époque quand le destin l’a conduit pour la première fois à Oslo.

“J’ai beaucoup de respect à l’égard de ces jeunes qui se battent malgré leur handicap, devant leur amitié sincère, leur solidarité et leur soutien l’un à l’autre. Ils sont l’exemple d’un bon citoyen marocain”, poursuit-il.

Son copain, Said Bendouah, soutient que “le Maroc regorge de compétences humaines dans divers domaines, en l’occurrence dans le milieu sportif, mais qui ont juste besoin d’une aide sociale, d’un soutien financier, voire moral pour se démarquer”.

Ce documentaire est une preuve d’amour, une leçon de courage, une émouvante histoire d’amitié qui porte aussi un message révoltant… Bien que la vie ne leur ait pas fait de cadeaux, Azzedine et Youssef, comme leurs semblables, continuent à se battre ensemble au quotidien dans l’espoir d’un avenir meilleur.

“Je souhaite que ce film nous mobilise nous, Marocains, pour donner à nos champions handicapés la reconnaissance qu’ils méritent et l’opportunité de continuer à représenter dignement le Maroc à l’international”, avait déclaré la réalisatrice de ce film maroco-tuniso-qataro-danois, tourné par une équipe entièrement féminine.

Le dévouement d’Azeddine pour d’autres jeunes Safiotes ayant parfois des handicaps encore plus lourds que le sien a également touché Hind Bensari, qui a décidé de pénétrer le quotidien de ces athlètes handisports pendant plusieurs années et d’en dévoiler la dure réalité.

“J’ai tout de suite vu une histoire que je voulais raconter, partager avec le public et dans laquelle je voulais m’engager”, avait-elle expliqué après la sortie du film.

Les choix de Hind Bensari ne sont pas anodins. Sa caméra se saisit avec finesse et délicatesse de pans de vie, d’histoires humaines, de combats pour la dignité, pour la vie. Comme ce fût le cas pour son autre film “475: Break the silence” (2013) sur la tragique histoire d’Amina Filali, l’adolescente violée à 15 ans qui a choisi de se donner la mort après s’être trouvée, un an après, obligée d’épouser son violeur.

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