Abdelilah Benkirane entre promesses et dérives

À la veille des élections législatives, quels scénarios politiques peut-on imaginer alors qu’est révolu le temps où les partis politiques avaient leur pesant d’or au Maroc ?

Abdelilah Benkirane pris dans la foulée, affairé à justifier des lapsus plutôt fréquents et des propos déplacés, n’a pas vu le temps passer et ne se rend pas compte que la parenthèse sera bientôt fermée sur un mandat qui, au lieu de réalisations et de bonnes résolutions, a pour ainsi dire attisé la colère des citoyens qui se sont vus trahis par la rhétorique d’un chef de gouvernement qui ne se retrouve pas dans son nouveau rôle et peine à quitter sa casquette de secrétaire général de son parti. Oubliant qu’il avait fait croire aux citoyens qu’on allait réaliser le bond magique du développement sur tous les plans, désormais, le nom de Abdelilah Benkirane sera entaché du sang des professeurs stagiaires violemment réprimés. Son mandat portera le sceau de la frustration amère des veuves séduites et abandonnées par des promesses chimériques, des augmentations excessives des prix et la suppression des subventions des produits de base, la libéralisation des prix des hydrocarbures ou encore le relèvement de l’âge de la retraite qui ne peuvent être considérés comme des réformes. D’aucuns diront que le chef du gouvernement a le courage de ses idées ! Mais n’oublions pas que c’est aux dépens des citoyens qui encaissent les coups qu’il satisfait ses caprices et ses coups de tête. Et d’ailleurs, comment peut-on parler de citoyenneté sociale au vrai sens du terme quand les politiques adoptées ne se penchent pas sur les inégalités économiques et sociales qu’il faudrait réduire ?Le constat amer est que la démocratie s’est révélée incapable de répondre aux besoins fondamentaux d’une grande majorité des Marocains sur différents plans, notamment en matière d’éducation, d’emploi, d’accès aux soins et à l’habitat, ce qui favorise l’exclusion sociale.

Un pas en avant, trois en arrière

Force est de constater que c’est le gouvernement qui nous a le plus mis face à l’évidence que «la rue ou plutôt les réseaux sociaux opèrent le changement» surtout quand il s’agit d’attitudes politiques souvent fustigées. Normal, puisque dès le début, le dialogue est le talon d’Achille d’un gouvernement à court d’arguments et de stratégie.

Avant d’arriver au terme de l’actuelle législature, le chef du gouvernement s’est attiré les foudres de la population qui, il y a seulement quelques années, lui a offert les clés du pouvoir. Seulement, il avait oublié qu’autant ces fauteuils étaient confortables et douillets autant ils étaient éjectables et ingrats. Les défenseurs des droits de l’homme tirent la sonnette d’alarme surtout en ce qui concerne les femmes dont les acquis ont été menacés sous la tutelle du nouveau gouvernement. Les reculs à ce niveau sont bien là et les rapports internationaux les ont bien épinglés. L’égalité ne s’est jamais aussi mal portée et les discriminations n’ont jamais été si flagrantes. Les atteintes aux libertés d’expression à travers un projet de Code de la presse sont fortement dénoncées par les professionnels. Et, «droit de tutelle exige», la censure sévit plus que jamais au nom de la religion et de la morale. Et faisant abstraction de la loi organique prévue par la Constitution, on attise la colère des Amazighs qui se voient injustement ignorés et on creuse les écarts. L’Éducation et la Santé se portent mal, la Justice perd de sa raideur et les maux s’accumulent.

Il est clair que l’actualité est bouillonnante et que le chef du gouvernement commence à perdre le nord et surtout la notoriété auprès des Marocains en raison du revirement plus que renversant qu’a pris la politique générale du gouvernement. Le style moqueur et les blagues de Abdelilah Benkirane ne font plus rire les citoyens qui voient leurs espérances couler du nez alors que le chef du gouvernement leur avait promis monts et merveilles. A contrario, la gouvernance ou plutôt la méthode Benkirane accuse de lourds déficits surtout au niveau social puisqu’elle a appauvri davantage les pauvres creusant une excavation entre les riches privilégiés et la classe moyenne et pauvre. Qu’en est-il de l’enfant, de la femme, de la solidarité, de l’emploi dans un gouvernement où c’est l’intérêt personnel qui l’emporte ? Plusieurs chantiers sont entamés çà et là, mais sans qu’on en arrive à bout et cela alourdit le climat social qui s’embrase.

L’heure est grave et l’état des lieux est plus qu’alarmant à plus d’un égard. Sous le gouvernement Benkirane dont la stratégie a cette particularité d’irriter les citoyens et de susciter controverses et polémiques, tout le monde se sent de plus en plus concerné par ce qui se passe dans le pays. Aujourd’hui donc et à l’ère des réseaux sociaux, des sites électroniques, des émissions télévisées ou online, les dirigeants sont sous les projecteurs plus que jamais et les manifestations de rue, les marches, les slogans scandés et la formation de groupes sur les réseaux sociaux sont autant de signes alarmants qui indiquent que les choses vont mal, très mal à cause d’un chef de gouvernement qui a du mal à mener à terme sa mission.

Sagesse du peuple contre déboires du gouvernement

Et pourtant et alors que les pays voisins ont troqué leur stabilité contre une impasse et un état d’échec et de désordre, le Maroc tient plus que tout à son calme qu’il défendrait bec et ongles. Toutefois, ce gouvernement qui avait fait du slogan «Ta voix est ta chance pour lutter contre la corruption et l’absolutisme» son mot d’ordre électoral, l’a échangé contre «Que Dieu pardonne tout ce qui a été fait», et en a fait une antienne en boucle durant tout son tempo tout en ne cessant d’exciter le peuple. D’entrée de jeu, il a pris un mauvais départ en brandissant le drapeau blanc contre la corruption ce qui a constitué son premier fiasco face à ses électeurs et à tous les Marocains qui avaient misé sur le PJD pour éradiquer ce fléau. D’ailleurs, sa fameuse phrase «Ce n’est pas moi qui combats la corruption, mais c’est plutôt l’inverse» en est la preuve tangible.

À présent qu’on est à la veille de la date fatidique des prochaines élections, le champ politique marocain est en effervescence, l’adrénaline fait bien des pics, les partis ou frères ennemis retroussent leurs manches et les femmes et hommes politiques se regardent en chiens de faïence tentant de prévoir les coups pour pouvoir les esquiver et mettre leurs adversaires K.O. Le cirque reprend de plus belle.

Entre les espoirs déçus et les frustrations nées des régressions, les espérances se dissipent. C’est dire que la promulgation de la nouvelle Constitution est supplantée par la régression démocratique vécue au quotidien. Beaucoup de Marocains espéraient que ce parti qui n’a jamais participé aux gouvernements d’avant allait aider et appuyer cette transition démocratique que le pays attendait impatiemment avec l’application de nouvelles dispositions constitutionnelles. De facto, un sentiment de méfiance à l’égard des dirigeants, des responsables, des hommes politiques et des mécanismes de la démocratie s’est installé.

La question qui se pose après presque cinq ans : y avait-il vraiment une volonté de changer les choses quand on se réfère aux fameux propos de Abdelilah Benkirane ? N’est-ce pas lui qui a répondu aux parlementaires qui lui avaient demandé de fournir plus de postes d’emploi aux jeunes : «Ce n’est pas moi qui emploie les gens, c’est Dieu» ?

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