Abdellah Stouky, le Bel ami de tous

S’il est un grand homme que j’ai l’impression de connaître sans vraiment le côtoyer c’est bien Abdallah Stouky. Quelques échanges de mails et d’appels téléphoniques m’ont suffi pour confirmer tout ce que celles et ceux qui ont eu la chance de le connaître de près disent de lui, bien que cerner les contours d’un parcours si distingué n’est pas chose aisée. Mémoire vivante et témoin de son temps, notre ami Abdallah est de ces gens avec lesquels le lien cérébral est plus fort que le lien physique. Ceux qui le côtoient parlent d’un être exceptionnel épris de valeurs humaines et morales.

Doyen des journalistes, Abdallah Stouky est une figure emblématique de la presse nationale qui a contribué, concrètement, à l’essor de la pratique journalistique de plusieurs titres marocains. Nourri par le patriotisme, lui qui a accompagné l’Histoire du Maroc à l’orée de l’indépendance, il maîtrise tous les dossiers nationaux qu’il décortique, outillé en cela d’une plume incisive, lucide et juste.

Anticonformiste dans l’âme

Les cursus académiques, Stouky n’en a jamais fait une priorité ou un complexe. Bien au contraire, il dira de son parcours : «En réalité je n’ai pas fait des études prolongées. Je me suis arrêté dans mon lycée de Marrakech avant le bac. J’ai été envoyé pour une formation idéologique et politique à l’école centrale du parti communiste soviétique. J’ai beaucoup appris le long des mois passés à Moscou. Particulièrement en ce qui concerne la littérature russe ». Et d’ajouter : « J’avoue que je n’étais pas un bon élève, que je faisais énormément d’efforts pour paraître sage et respectueux de la vie de l’école. Je donnais même l’impression d’un intellectuel, d’un jeune qui promettait d’appartenir à l’élite. Une chose qui, évidemment, s’est avérée avec le temps comme une pure illusion ».

C’est ça Abdallah Stouky, la grande stature culturelle et intellectuelle dont la maîtrise de la langue de Molière, mélange de citations et de titres d’ouvrages, d’anecdotes et de souvenirs, est impressionnante pour certains mais naturelle pour les proches. Chez lui, l’excellence coule de source.

S’il est un journaliste qui a marqué de son empreinte l’Histoire de la presse marocaine, c’est bien Abdallah Stouky. Comme dirait l’un de ses amis proches : « Dans la presse marocaine, il y a l’avant Stouky et l’après ». Témoin averti de l’Histoire contemporaine du Royaume et de la région maghrébine, les compétences professionnelles du journaliste émérite, sont reconnues par les journalistes de renommée internationale autant que par ses confrères et concitoyens.

Natif de Marrakech, il apprend le journalisme dès son jeune âge, sur le tas loin des écoles et instituts. Ses débuts étaient avec la presse partisane, celle du parti communiste marocain en particulier, puis dans les revue Lamalif et Souffles, en passant par diverses fonctions à la MAP, avant d’être à la tête de divers journaux. En 1978, il crée les quotidiens « Al Maghreb », en langue française et Al Mithaq al Watani en langue arabe, deux organes du Rassemblement National des Indépendants (RNI), lancés en même temps que le parti.

En éditeur visionnaire, il a lancé plusieurs auteurs, aujourd’hui, de renom. En effet, sa maison d’édition publiera en 1981, les oeuvres de Mohammed Khaïr-Eddine.

Militant au sein du parti communiste marocain, le journaliste désintéressé et de grande culture était le premier à se battre pour améliorer les salaires des journalistes qui travaillaient avec lui. Le Grand Abdallah Stouky, aussi poétique que réaliste et visionnaire, s’est acquitté de plusieurs missions qu’il a accomplies brillamment en tant que chef et attaché de Cabinets ministériels, collaborateur d’un premier ministre, dirigeant de groupes de presse et ancien président de l’Assemblée générale de l’Union de la presse francophone.

L’érudit qui se fait discret

Homme de position, l’intellectuel de haute volée a tout lu et continue d’être à l’affût de toute nouvelle parution même de son lit aménagé pour qu’il ait ses livres à portée de main. D’un humanisme singulier et rarissime, ses remarques peuvent être parfois acerbes parce que l’exigence de la perfection et de la qualité font partie de sa nature, ayant la médiocrité sous toutes ses formes, en horreur. Courtois et d’une grande élégance de l’intérieur comme de l’extérieur, l’homme imposant est pétri de culture inépuisable, de joie de vivre à en revendre, d’un sens de l’écoute hors pair et d’une bienveillance sans égale. Homme légendaire comme diraient certains, sa probité, son intégrité, son humilité, sa perspicacité, sa grande subtilité, son humanisme, sa gentillesse qui n’exclue pas la force de caractère, en un mot l’homme qu’il est, est un être exceptionnellement aimé et admiré par tous ceux qui l’ont côtoyé.

En intellectuel libre, indépendant et crédible, ce monument de l’Histoire de la presse marocaine, d’une richesse humaine, politique et culturelle est l’incarnation de qualités fines et civilisées qui imposent le respect. Grandeur, honnêteté, compétence, professionnalisme, rigueur et persévérance sont l’apanage de Abdallah Stouky. A ces atouts, soigneusement innés, il ajoute ce quelque chose d’indéfinissable et qui n’appartient qu’à lui, c’est la classe et le panache. Sans oublier son esprit critique et le refus des chapelles intellectuelles en plus de ce mélange d’humour marrakchi, d’aisance et d’exquise politesse.

Son nom à lui seul rappelle toute une génération de poids lourds de la presse du pays dont les écrits faisaient l’opinion publique. Dans ce milieu où il est quand même difficile de se faire des amis tellement les intérêts priment, Abdallah Stouky est considéré par ses anciens collègues et confrères comme le sage, le réconciliateur, prêt à aider tous ceux qui le sollicitent.

Parler de Abdallah Stouky, le seigneur des journalistes qui a gravé en lettres d’or son nom dans son domaine, c’est se rendre compte à quel point la presse marocaine a perdu de sa valeur, de sa force et de son impact. Celle-ci même qui gagnerait à profiter de l’expérience de vétérans comme lui, vraie école de l’écriture journalistique, pour former et encadrer la nouvelle génération des journalistes.

Il est vrai qu’un portrait n’a d’intérêt que s’il est nourri de la proximité avec la personne surtout quand celle-ci n’a cessé, durant près d’un demi-siècle, de déployer des efforts pour le développement de la presse écrite au Maroc, mais comme l’a si bien dit Saint-Exupéry,on ne voit bien qu’avec le cœur.

                                                                                                 Souad Mekkaoui

 

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