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Affaire Kamel Daoud : Plagiat avéré ou manipulation politique ?

L’affaire opposant Kamel Daoud à Saâda Arbane, qui l’accuse de plagiat pour son roman Houris, prend une nouvelle tournure judiciaire le 7 mai 2025. Derrière l’accusation de copie, cette affaire se politise, l’écrivain étant perçu comme un opposant au régime algérien, alimentant ainsi un débat sur la liberté de création.

Le 7 mai 2025, l’affaire Kamel Daoud continue de prendre une tournure judiciaire avec une audience de procédure dans le cadre de l’assignation en justice portée par Saâda Arbane, une jeune femme algérienne qui accuse l’écrivain d’avoir utilisé son histoire personnelle pour son roman Houris, lauréat du prix Goncourt 2024. Cette plainte soulève des questions complexes sur la frontière entre la liberté de création littéraire et le respect de la vie privée, tout en ajoutant une dimension politique aux accusations de plagiat.

Le roman Houris suit l’histoire d’une jeune femme, Aube, victime d’une violence extrême lors de la guerre civile algérienne dans les années 1990. Saâda Arbane, quant à elle, aurait vécu un parcours similaire : elle aurait perdu ses parents et plusieurs membres de sa famille lors d’une attaque terroriste, et aurait elle-même été gravement blessée. Selon ses avocats, de nombreuses similitudes entre l’histoire du personnage d’Aube et la vie de Saâda Arbane seraient indéniables, notamment la cicatrice sur la gorge de la jeune femme et le dispositif médical unique qu’elle porte.

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Kamel Daoud, pour sa part, rejette catégoriquement ces accusations. Dans une interview à France Inter, l’écrivain a fermement nié avoir écrit son roman à partir de l’histoire de Saâda Arbane, précisant que Houris est une œuvre de fiction construite à partir des récits de nombreuses victimes de la guerre civile algérienne. Selon lui, la jeune femme pourrait simplement se reconnaître dans un récit qui, selon lui, ne la mentionne pas spécifiquement. Cependant, les défenseurs de Saâda Arbane insistent sur des détails du livre qui correspondent précisément à son vécu, comme l’épisode de l’avortement, un détail intime que la jeune femme n’avait partagé qu’avec un cercle restreint.

Mais au-delà du plagiat, cette affaire prend une tournure politique. Kamel Daoud, un écrivain qui n’a cessé de critiquer le régime algérien et de remettre en cause le narratif officiel de la guerre civile, est souvent perçu comme un ennemi par le pouvoir en place. Daoud a même dénoncé l’instrumentalisation de cette affaire, suggérant que la plainte de Saâda Arbane pourrait être une manœuvre politique visant à discréditer sa voix. En effet, en Algérie, de nombreux citoyens remettent en cause le discours officiel sur la guerre civile, et Kamel Daoud, en tant qu’écrivain et intellectuel engagé, est une figure centrale de cette contestation.

L’affaire prend une dimension particulière lorsqu’on considère que Saâda Arbane, qui vit toujours en Algérie, a porté plainte après que l’écrivain ait pris une position critique vis-à-vis du régime algérien. Daoud, ayant pris la défense de l’écrivain Boualem Sansal et critiqué ouvertement la répression politique en Algérie, voit son œuvre et son discours associés à une prise de position contre l’État algérien. Ainsi, le procès, bien que portant sur une accusation de plagiat, semble se transformer en un terrain de bataille pour des questions politiques plus larges.

Derrière la question de savoir si Kamel Daoud a effectivement copié l’histoire de Saâda Arbane, se cache une autre interrogation : celle de la manipulation politique. Les avocats de Saâda Arbane, en évoquant un « désespoir » apparent de l’écrivain, affirment qu’il a sciemment pris des risques en publiant un livre qui risquait de raviver la colère du pouvoir algérien. En réponse, Daoud, dont l’œuvre est désormais interdite en Algérie, critique ce qu’il appelle une campagne de diffamation orchestrée par le régime, visant à étouffer une voix critique.

Si le tribunal se penche sur les accusations de plagiat, il devra aussi prendre en compte la dimension politique de cette affaire. En effet, Kamel Daoud a toujours prôné une liberté de création sans entrave, en opposition avec une Algérie où l’histoire de la décennie noire est souvent minimisée ou déformée par les autorités. La question de savoir si cet affrontement est simplement une querelle d’écriture ou un affrontement plus vaste entre la liberté d’expression et l’oppression politique pourrait bien devenir un des éléments clés de ce procès.

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