Aide post-séisme : des milliers de familles toujours dans l’attente
Plus d’un an et demi après le violent séisme qui a frappé la région d’Al Haouz, une réalité alarmante persiste : 16 % des ménages sinistrés n’ont toujours pas reçu la moindre aide de l’État marocain. Tel est le constat préoccupant dressé par la Ligue marocaine des droits de l’Homme, à l’issue d’une enquête de terrain minutieuse menée par ses équipes.
Les chiffres officiels font état de 57 700 ménages ayant bénéficié d’une aide lors de la première phase du programme de soutien, sur un total de 59 400 familles enregistrées. Malgré ces efforts initiaux, près de 1 700 ménages avaient été laissés de côté. À la fin de l’année 2024, cette situation n’avait que légèrement évolué, le nombre de familles non prises en charge s’établissant encore à environ 1 650.
La deuxième vague d’aide, censée amplifier la réponse gouvernementale, n’a touché dans un premier temps que moins de la moitié des ménages affectés. Il a fallu attendre une année entière pour que ce taux dépasse timidement la barre des 60 %. Plus de 31 000 familles n’ont ainsi reçu qu’un unique versement, soit plus de la moitié des foyers recensés, illustrant la lenteur et l’irrégularité du dispositif d’assistance.
Lors du troisième tour de distribution, la situation s’est même aggravée, avec seulement une famille sur cinq ayant perçu une aide. À la fin de l’année 2024, cette proportion avait légèrement progressé pour atteindre 43 %. Quant à la quatrième vague de soutien, son impact est demeuré extrêmement limité : en septembre, à peine 2 % des ménages avaient été concernés, et en décembre, ce chiffre, bien que supérieur, n’excédait pas 12 600 familles, soit à peine plus d’une sur cinq.
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La commission chargée de la mise en œuvre du programme d’aide a elle-même reconnu l’existence d’un écart persistant entre le nombre de ménages recensés et celui des familles effectivement assistées. À ce titre, au moins 1 650 familles éligibles n’auraient jamais bénéficié du moindre soutien, en dépit de leurs droits.
Cependant, une étude indépendante conduite par la Ligue marocaine des droits de l’Homme avance un bilan encore plus inquiétant. Selon leurs relevés de terrain, ce n’est pas une famille sur trente mais bien une sur six qui demeure totalement exclue de l’aide promise.
Face à ces constats accablants, le rapport appelle les autorités marocaines à agir de manière urgente. Il recommande le déploiement d’équipes indépendantes pour procéder à une vérification rigoureuse des ayants droit et exhorte à l’ouverture d’enquêtes sur les abus présumés commis par certains responsables locaux dans l’attribution des aides.
Par ailleurs, le rapport souligne la nécessité de revoir le montant de l’aide accordée aux victimes ayant perdu leur maison, fixée à environ 80 000 dirhams (soit près de 7 600 euros), une somme jugée très insuffisante pour reconstruire une vie digne.
Dans une perspective plus large, le document plaide pour un décaissement plus rapide de l’aide, l’augmentation du nombre d’ingénieurs civils habilités à approuver les reconstructions, ainsi que la mise en œuvre d’un vaste plan de développement pour la région sinistrée. Ce dernier devrait intégrer les dimensions économiques, sociales et environnementales afin de favoriser une reconstruction durable et inclusive.
La Ligue marocaine des droits de l’Homme préconise l’élaboration d’une véritable stratégie nationale de gestion des catastrophes naturelles. Celle-ci ne devrait pas se limiter à des réactions postérieures aux événements, mais anticiper et planifier la résilience des territoires vulnérables. Le développement de la région d’Al Haouz devrait ainsi être envisagé de manière structurelle, en investissant dans les infrastructures, la création d’emplois, l’accompagnement de la jeunesse, tout en respectant les spécificités géographiques et culturelles locales.