Algérie : Les enjeux cachés de Ghardaïa

Dix-neuf personnes impliquées dans des affrontements communautaires dans la région de Ghardaïa sont décédées, portant le nombre des morts à 22 en deux jours dans ce secteur du Sud algérien théâtre depuis fin 2013 de heurts récurrents.

Des dizaines d’autres blessées ont été enregistrées lors de ces affrontements entre mozabites (berbères) et chaâmbas (arabes). Le ministre de l’Intérieur algérien Nouredine Badoui s’est rendu sur place ce week-end.

Il s’agit du plus lourd bilan enregistré dans cette région de la vallée du M’zab, où des affrontements ont lieu régulièrement depuis deux ans et demi. Les heurts ont repris début juillet, entraînant le déploiement de forces antiémeutes qui font régulièrement usage de gaz lacrymogènes pour les disperser.

Les nouvelles violences ont eu lieu notamment dans la localité de Guerrara, de Berriane et au cœur de la ville historique de Ghardaïa (600 km au sud d’Alger).

Les affrontements ont été marqués par des incendies et des dégradations de locaux commerciaux, de véhicules de particuliers, des palmeraies, du mobilier urbain et des édifices publics.

Un imposant dispositif sécuritaire a été mobilisé, avec des renforts partis d’Alger.

De nombreux différends, en particulier d’ordre foncier, sont à l’origine de ces heurts entre Arabes et Berbères, qui cohabitent depuis des siècles.

Le Président algérien Abdelaziz Bouteflika a décidé, mercredi dernier, de mobiliser l’armée et le ministère de la Justice. Le calme est revenu mais semble précaire.

Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal a aussi effectué une visite dans la région de Ghardaïa, pour tenter de mettre fin à  ce violent conflit . Cependant, le déploiement de l’armée à l’entrée et la sortie des différentes localités de la wilaya et des forces de l’ordre aux points névralgiques ont entraîné un retour au calme.

Un bilan provisoire

Ils seraient une quinzaine de personnes à avoir péri par armes à feu dans la seule ville de Guerrara, dans la nuit de mercredi à jeudi, croit savoir le quotidien algérien El Watan, en plus du bilan de 22 morts rapporté dans le même temps, par Algérie Presse Service, l’agence de presse officielle algérienne.  Le bilan macabre est encore provisoire. Des enquêtes balistiques sont également en cours.

Les Mozabites (berbères) résidant dans la capitale, Alger et à Oran, ont organisé des rassemblements regroupant plusieurs centaines de personnes dans ces deux villes. Ils ont voulu envoyer un message d’apaisement et appeler à l’intervention de l’armée dans la wilaya de Ghardaïa pour mettre fin au cycle de violence.

Selon Jacques Andane, historien et expert auprès de l’armée française : « A Ghardaïa, il s’agit de rivalités entre berbère mozabites, fondateurs de la ville, qui pratiquent un islam différent des autres tribus de la région descendantes d’arabes appelés chaambas. Les événements en Libye et le prosélytisme du groupe de l’Etat islamique y est pour beaucoup dans ces manoeuvres de déstabilisation. Ghardaia constitue un carrefour, la porte du désert et il y a une forte remontée de partisans des jihadistes. Ces flux migratoires qui viennent du sud sont de plus en plus visibles et détabilisants en Algérie. »

Pour Fatma Oussedik, anthropologue, en revanche : « La région connaît des soubresauts liés aux énormes intérêts qui agitent la zone. Intérêts miniers, gaziers, pétroliers et nouveaux intérêts liés aux projets d’extraction du gaz de schiste. Cette région est déstabilisée par des intervenants extérieurs liés à ces mêmes intérêts économiques. A cela s’ajoute l’élément «route saharienne», car Gardhaïa a toujours été un centre important au nœud de ces routes. Et qui dit routes dit trafics intenses de drogue, de marchandises de contrebande, de migrants. Ce sont les anciennes routes de l’esclavage. De sorte qu’il y a aujourd’hui une insécurité produite par ces trafiquants. »

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