Algérie : rejet massif du plan Bouteflika

Non, c’est non: les Algériens se réveillent samedi après avoir adressé une claire fin de non-recevoir aux initiatives d’Abdelaziz Bouteflika, qui avait décidé lundi de reporter l’élection présidentielle sine die et de proroger son quatrième mandat, tout en renonçant à en briguer un cinquième.

« Le peuple rejette l’offre du pouvoir et lui dit: Dégage », titrait le journal El Watan sur son site internet dans la nuit de vendredi à samedi, voyant dans cette mobilisation une « réussite pour les millions d’Algériens sortis dans la rue, sous un soleil printanier, dans la joie et la bonne humeur pour dire au pouvoir que le peuple est toujours mobilisé et qu’il ne cédera pas sur ses revendications ».

Même les médias publics, traditionnellement proches du régime, ont rendu compte de l’exaspération des manifestants à son encontre. « Des marches imposantes à travers le territoire national revendiquant le changement et le respect de la Constitution », titrait ainsi l’agence de presse officielle APS en Une de son portail internet.

Les chaînes publiques ENTV et Canal Algérie ont diffusé des images des manifestations et fait apparaître des slogans hostiles au régime, comme « Pouvoir, dégage », inscrits sur de nombreuses pancartes et banderoles.

Jeudi devant la presse, le nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui, qui a remplacé le très impopulaire Ahmed Ouyahia, et le vice-Premier ministre Ramtane Lamamra, diplomate chevronné, avaient tenté de convaincre du bien-fondé des initiatives du pouvoir.

Face aux manifestations réclamant depuis le 22 février qu’il renonce briguer un cinquième mandat, M. Bouteflika avait annoncé lundi le report de l’élection présidentielle, prévue le 18 avril, jusqu’à l’issue non datée d’une Conférence nationale devant réformer le pays et élaborer une nouvelle Constitution. Cette annonce prolonge de facto son mandat, au-delà de son expiration le 28 avril, sans fondement légal selon de nombreux constitutionnalistes.

« Vous faites semblant de nous comprendre, on fait semblant de vous écouter », répondaient en écho des pancartes de manifestants. « On voulait des élections sans Boutef, on se retrouve avec Bouteflika sans élections », pouvait-on lire sur une autre pancarte. Ou encore : « Quand on dit +non au 5e mandat+, il (Bouteflika) nous dit +on garde le 4e, alors+ ».

Sur Twitter, un internaute a remercié ironiquement MM. Bedoui et Lamamra de leurs « efforts pour maintenir les Algériens mobilisés ». Vendredi « c’est la conférence de presse du peuple », a écrit un autre.

Toute la semaine, les appels à manifester massivement vendredi avaient été relayés par les réseaux sociaux, avec des mots-dièses explicites : « #Ils_partiront_tous », « #Partez ! ». En manifestant en nombre mardi et mercredi, étudiants et universitaires, puis enseignants et lycéens, avaient déjà clairement exprimé que leur message visant à la fin du système actuel n’avait toujours pas été suivi d’effet.

Vendredi à Alger, des médias et analystes algériens ont évoqué « des millions » de manifestants dans le pays pour ce quatrième vendredi consécutif d’une contestation nationale inédite depuis l’élection il y a 20 ans de M. Bouteflika. Le président de 82 ans est affaibli par les séquelles d’un AVC qui l’empêchent de s’adresser aux Algériens depuis 2013 et rendent ses apparitions publiques très rares.

Cortèges monstres également à Oran, Constantine et Annaba, les deuxième, troisième et quatrième villes du pays. Des sources sécuritaires ont recensé des manifestations dans au moins la moitié des préfectures du pays, du nord au sud.

MD avec AFP

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