Au bord du gouffre, l’Algérie entre l’obsession atlantique et le « pacte faustien » avec l’Espagne et la Mauritanie contre le Maroc

Hassan Alaoui

Les choses deviennent désormais claires. Sans doute, les habituels et les mêmes nous accuseraient-ils de paranoïa , mais des faits concordent dans une ahurissante limpidité pour ne pas attirer notre attention. Une étrange coalition entre l’Algérie, l’Espagne et la Mauritanie est en train de prendre forme avec l’objectif quasiment affiché d’affronter le Royaume du Maroc, pour ne pas dire avec la volonté de l’encercler.

Voilà que le Maroc, depuis la Conférence d’Algésiras organisée en 1906 par les grandes puissances de l’époque se trouve à présent confronté à une pression néocoloniale, voilà que se précise la piteuse stratégie d’encerclement et de dépeçage vainement mise en œuvre par l’Algérie. Sauf que, cette fois-ci, il ne s’agit pas de grandes puissances impérialistes mais d’une chimérique et pâle copie de coalition aux provocations de laquelle notre pays répondra, coûte que coûte. Les multiples et contradictoires informations diffusées depuis quelque temps sur ce que l’on qualifie de rapprochement spectaculaire entre la Mauritanie et l’Algérie , évoquent une « alliance » inédite et ne s’encombrent guère du minimum de prudence nécessaire. Le « froid », en attendant sans doute le gel , qui semble marquer apparemment l’amitié fraternelle avec le Maroc donne à penser que l’actuel gouvernement mauritanien s’aligne sans ambages sur les thèses de l’Algérie qui serait en train de se positionner à l’extrême sud du Royaume faute de pouvoir le faire ailleurs , ipso facto, armes et bagages en promettant monts et merveilles à la Mauritanie.

Et si l’espace maritime du Royaume interdisait toute proximité des bateaux quel que soit leur pavillon, imagine-t-on donc ceux d’Algérie s’éloignant en profondeur, à plusieurs miles, avant d’accéder au littoral mauritanien ? Il n’est pas interdit de conclure qu’aussi bien par voie terrestre que maritime, le coût des échanges présentés comme économiques et commerciaux entre l’Algérie et la Mauritanie sera d’autant plus élevé que seule reste l’issue aérienne – également lourde et couteuse. Dans les années soixante-dix, il était vivement question d’exploitation commune entre le Maroc et l’Algérie du fer de Garat Djébilet – dont les ressources sont estimées à quelque 3, 5 milliards de tonnes – , à quelques encablures de Tindouf , de son enrichissement et de son transport jusqu’à l’Atlantique. Ce fut d’ailleurs l’objet de l’une des parties centrales des négociations et du Traité d’amitié signé à Ifrane en janvier 1969 et en 1972 entre le Roi Hassan II et le président Boumediene.

Mirage gazier algérien, échec du contrat avec l’américain El Paso

Il devait mettre en œuvre une coopération exemplaire entre les deux pays, ensuite la construction d’un « ferroduc », qui partirait de Tindouf jusqu’à un port sur l’Atlantique marocain. Or, à la même époque , non content de cette étape significative de son développement, le gouvernement algérien était en pleines tractations officielles avec le groupe pétrolier américain El Paso pour la fourniture de gaz algérien, en vertu d’un « contrat du siècle », c’est-à-dire étalé dans le temps à pas moins de 99 ans… L’Algérie devait livrer aux Etats-Unis pendant vingt cinq ans, en vertu du contrat négocié en 1966 , pas moins de 10 milliards de mètres cubes de gaz. Comme l’écrivait à cette époque dans « Le Monde », Alain Murcier, spécialiste des questions pétrolières, « ce serait la première fois dans l’histoire économique qu’une quantité massive de gaz franchirait les océans ». Il ne pouvait si bien dire !

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Ce projet pharaonique tomba à l’eau parce que , à la faveur de la crise du Sahara, il ne resta au gouvernement algérien aucune autre issue que celle de la voie maritime par la Méditerranée, c’est-à-dire le passage du détroit entre le Maroc, l’Espagne et Gibraltar…dont le coût extrêmement élevé le laissa pantois ! Tant et si bien que, lancé dans la folie de son expansionnisme, le président Boumediene se polarisa sur l’autre mirage d’un « Etat sahraoui », monté de toutes pièces dans le dos du Royaume du Maroc. Un Etat satellite dont les dirigeants lui obéiraient au doigt et à l’œil.

Affaire classée ? La France de Georges Pompidou reluquait avec un vif intérêt ce projet qui , manifestement, lui échappait . Elle ne put que s’en réjouir après son avortement avec une « joie tellement maligne » qu’elle en avait fourni dans un premier temps à l’Algérie toutes les infrastructures initiales …L’ironie de l’histoire est qu’à partir de 1975, le Roi Hassan II, lucide et disons perspectiviste, proposa au président Boumediene l’ouverture d’un couloir vers l’océan atlantique, une sorte de pipeline à double détente, économique et politique…Et qu’en guise de réponse, c’est le moins que l’on pût dire à cette époque, le chef d’Etat algérien opposa au Souverain une fin de non recevoir.

Géométrie variable de trois Etats

Serions-nous en train de revivre aujourd’hui un scénario similaire ? Avec une configuration à géométrie variable, mettant en exergue trois acteurs : l’inamovible Algérie expansionniste ; la Mauritanie lancée dans le suivisme et… conjoncture difficile aidant, l’Espagne revancharde, trois pays désormais devenus acteurs d’une étrange alliance dont le dénominateur commun est l’hostilité affichée ou dissimulée envers le Royaume du Maroc.

Certains réseaux sociaux se sont emparés du sujet du rapprochement hispano-algérien dont ils font remonter le point de départ à plusieurs mois voire années. Plus exactement à l’année 2018, ensuite fin 2020 à la faveur de la reconnaissance par les Etats-Unis, le 10 décembre, de la marocanité du Sahara.  Le politologue Manar Slimi situe avec précision la date du rapprochement hispano algérien au 6 mars 2018 lorsqu’une importante délégation militaire espagnole s’était rendue en visite en Mauritanie avec, clou du programme, un étape à Lagouira… Coïncidence ou hasard , au même moment, le gouvernement algérien la main dans la main avec son homologue mauritanien présidé par Mohamed Ould Abdelaziz, dit « Aziz » et son adjoint-successeur, devenu son fossoyeurs,  Mohamed Ould Ghazouani qui le remplacera en juin 2019, s’employaient activement au rapprochement entre les deux pays.

Le projet de la fameuse Route algéro-mauritanienne était d’ores et déjà avancé, simultanément aussi à cet inattendu rapprochement mauritano-espagnol. Il faut garder présent à l’esprit cet élément de la géopolitique régionale qu’aussi bien l’Espagne que la Mauritanie, et encore moins l’Algérie, n’ont jamais avalé que le Royaume du Maroc ait récupéré ses provinces de Oued Eddahab un certain 9 août 1979, événement célébré chez nous le 14 août de chaque année. En effet, le Roi Hassan II tout à son génie, a réagi à l’accord de dupes du 5 août avec détermination après que Mohamed Khouna Ould Haidallah, devenu président de la République par un putsch , se fût rapproché de l’Algérie et eût décidé de signer l’accord d’Alger le 5 août 1979 prévoyant de céder les provinces de Oued Eddahab  au polisario.

Serions-nous en train de revivre le même scénario avec le président Mohamed Ould Ghazouani ? Autrement dit, le sempiternel rapprochement mauriatno-algérien dans l’unique perspective d’encercler le Maroc, avec à la clé le « bouclage » de Lagouira ? Il est dit qu’en politique rien n’est moins sûr que le sentiment de l’éternité. Entre 1978, date à laquelle Mokhtar Ould Daddah, « père de la nation » a été renversé par un coup d’Etat de Ould Salek et 2021, dix présidents et pas moins se sont succédé à Nouakchott , tous ou presque issus de l’armée et beaucoup ayant accompli leurs études à l’Académie militaire de Meknès…

Le tropisme mauritanien de l’Algérie

Dans la configuration géopolitique de la région du Maghreb, beaucoup estiment peu ou prou que la Mauritanie constitue le « ventre mou » d’un ensemble qui s’apparente à tout sauf à la cohérence et à l’unité. Jusqu’à il y a deux à trois ans, hormis certains épisodes de la dernière décennie, la Mauritanie était liée au Maroc ne serait-ce que par un voisinage fraternel et une consanguinité proclamé. Sa neutralité, à nos yeux, était une sorte de pièce à conviction, notre pays respectant son indépendance et ses choix. Tant et si bien que, désormais, tout changement de cap radical, à plus forte raison transformé en un possible casus belli nous interpellerait gravement. Il convient de rappeler, en revanche, que le 20 octobre 2020, le directeur général de l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement (ALDEC), Mohamed Chafik Mesbah, à peine nommé à ce poste par le président Tebboune , a fait le voyage à Nouakchott où il été reçu en audience par le Premier ministre mauritanien, Mohamed Ould Bilal Messaoud.

A l’issue de cette rencontre, l’une des premières du genre, un communiqué sanctionnant l’échange – qualifié d’important des deux côtés -, souligne que «  les deux parties ont examiné «les relations de coopération entre l’Agence et la Mauritanie et les voies et moyens de leur développement ». Mieux : le responsable algérien, peu loquace, a souligné que « l’Algérie revêt une profondeur stratégique pour la Mauritanie, de même que la Mauritanie a une profondeur stratégique pour l’Algérie, d’autant que la coopération bilatérale et excellente et ses perspectives très prometteuses ». Colonel de son état , mis à la retraite, Mohamed Chafik Mesbah est un ancien officier du DRS et ancien sous-officier ayant travaillé sous les ordres du général Toufik Mediene. On comprend fort bien que sa mission à la tête de l’ALDEC est plus qu’économique ou diplomatique, mais celle d’animer les réseaux et de nourrir la nouvelle doctrine de l’antimarocanisme chère à Tebboune.

S’il fallait trouver et justifier cette évidente collusion algéro-mauritano-espagnole inscrite dans une volonté d’isolement et de marginalisation du Royaume du Maroc, les événements des dernières semaines nous en fournissent que plus la preuve éloquente. L’enjeu de la petite cité de Lagouira, appendice minuscule mais combien symbolique pour nous devient stratégique, nous dirions hautement géostratégique. Or, la marocanité de ce bras maritime ne fait aucun doute, sachant que sur demande insistante de l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Taya , le Roi Hassan II avait freiné à l’époque  – mais jamais abandonné –  son aménagement infrastructurel et l’installation de populations, une manière de respectueux geste envers la Mauritanie.

Force nous est de souligner, en revanche que l’Espagne n’avait jamais cessé – à l’époque coloniale comme à présent – de jeter son dévolu sur cet ilot stratégique face à l’archipel canarien. Il constituait le prolongement de cet ancien comptoir colonel dénommé Villa Cisneros, aujourd’hui devenu Dakhla et pôle économique stratégique d’Afrique et du monde. La nouvelle carte maritime du Maroc définissant ses eaux, au grand dam de l’Espagne, porte également l’obligation pour notre pays de construire une politique et des infrastructures de la mer et de l’équipement moderne. Si l’on s’en tient à l’étude du magazine d’actualité américain U.S. News & World Reportle Royaume du Maroc est en bonne posture en termes d’équipement et de politique de défense. Néanmoins, celle-ci devrait être constamment renforcée et modernisée face aux nouveaux enjeux maritimes.

Que l’Algérie, dans le sillage de la Mauritanie et avec l’Espagne rivée sur ses colonies des Canaries s’évertuent à faire les gendarmes de cette dernière nous donne la mesure réelle du complot qui se trame contre le Maroc. Chacun de ces trois pays a ses raisons particulières pour nous vouer à ses gémonies. Le Maroc gêne les unes et les autres, parce qu’il devient incontestablement une puissance régionale, parce qu’il leur fait de l’ombre et renforce son positionnement politique, économique, démocratique et diplomatique.

Hassan Alaoui

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