Au temps du coronavirus, un Aïd Al Adha qui n’a pas le même goût

Par Hajar EL FAKER 

Il est 10 heures du matin au marché à bétail de Hay Nahda à Rabat. Sous un soleil qui s’annonce brûlant, des vendeurs du cheptel destiné à l’abattage à l’occasion de la fête de l’Aïd Al-Adha guettent l’arrivée d’éventuels preneurs, alors que d’autres ont déjà entrepris un rude marchandage avec des clients.

A la veille de la fête, ce souk pilote aménagé pour la commercialisation du bétail destiné au sacrifice, est en ébullition et l’ambiance générale ne semble pas déroger à celle qui a prévalu la célébration de l’Aïd El Fitr et du mois sacré de Ramadan 2020, ternie par la pandémie du coronavirus.

Partout, on voit des moutons transportés sur les épaules, les triporteurs, les pick-up ou en scooters. Ici, la plupart des bêtes de races D’man, Bargui ou Sardi proviennent généralement de Boujaâd dans la région de Béni Mellal-Khénifra et de Timahdit, dans la région de Fès-Meknès. Pour en choisir un qui soit beau, de bonne corpulence et avec une belle taille, il faut une technique spéciale : tâter les cuisses pour voir si la chaire est bonne et le faire sourire pour voir ses dents qui donnent indice sur son âge.

Après quelques minutes de repérage, Lahcen accompagné de sa femme, venus du quartier voisin de Takkadoum, semblent trouver ce qu’ils cherchaient au milieu de la paille.

Approché par la MAP, le couple a estimé que cette année, il y en a pour toutes les bourses, puisque les moutons se négocient en moyenne entre 1.100 et 2.700 dirhams et que la plupart ont les critères pour un sacrifice.

« Néanmoins, la pandémie du coronavirus et les mesures de confinement ont affecté les finances de nombreux ménages. Beaucoup de gens n’ont pas travaillé pendant plusieurs mois et il leur sera difficile de supporter une telle dépense », ont-ils déploré.

« Qui dit Aid El Kébir dit aussi traditions et partage culinaires. C’est également une occasion pour la famille et les amis de se retrouver, mais les temps ont bien changé et l’ambiance des festivités ne sera pas comme avant en raison de l’épidémie et des restrictions de déplacement qui en découlent », a regretté Mustapha, venu acheter deux moutons, un pour l’Aïd et l’autre pour le baptême de sa petite fille.

Ce sexagénaire, issu de Casablanca, a également exprimé le souhait que cette pandémie soit neutralisée et que le pays puisse dépasser la crise socio-économique qu’elle a provoquée, soulignant qu' »au temps du coronavirus, les réjouissances ne semblent plus avoir le même goût ».

Même son de cloche chez Mohamed, un éleveur issu de la commune de Tiffert N’Ait Hamza, qui a décrit avec amertume la galère qu’il vit au quotidien depuis l’apparition de la Covid-19. « Cette année est complètement différente des autres. Nous avons parcouru 600 km pour venir à Rabat afin d’exposer nos ruminants, mais nous avons constaté une demande timide des clients suite aux répercussions de la Covid-19 », a-t-il dit, faisant observer que les prix varient en fonction du cheptel, mais restent plutôt raisonnables.

« Les vendeurs et les acheteurs doivent s’entraider afin de dépasser cette crise », a estimé Mohamed qui appelle à œuvrer pour une véritable cohésion sociale et une fin très proche de la pandémie.

Outre le cortège de camions et d’autres véhicules chargés de moutons, s’ajoute une panoplie d’activités inhérentes à l’Aïd. De petits métiers saisonniers tels que la vente de charbon, de foin, de couteaux de toutes tailles, de cordelettes et d’autres accessoires indispensables au sacrifice.

Dans la capitale, comme dans toute la région, l’offre en cheptel ovin et caprin destinée cette année à l’abattage pour la fête de l’Aïd Al-Adha est largement suffisante, indique-t-on auprès de la direction régionale de l’Agriculture (DRA).

Ainsi, dans le souci de faciliter la commercialisation du bétail, la DRA a procédé de concert avec les autorités régionales et provinciales à la mise en place de six souks pilotes conformément à un cahier des charges prenant en considération les conditions de santé, de sécurité et de prévention, répartis entre Kénitra (1), Salé (2), Rabat (2) et Témara (1).

A cet égard, la coordinatrice du poste de commandement régional pour la gestion des souks à l’occasion de l’Aïd Al Adha 1441, Fatima Saghir a affirmé à la MAP que pour la mise en œuvre des mesures stipulées dans le guide conjoint des ministères de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts et de l’Intérieur, portant sur les mesures sanitaires recommandées, le souk pilote de Hay Nahda, étalé sur une superficie de 2 hectares, a été alimenté en électricité et dispose de carreaux pour l’exposition des animaux destinés à la vente.

« Des couloirs de circulation des visiteurs ont été disposés dans un seul sens, de sorte à permettre le mouvement dans le respect de la distanciation sociale, de même que les éleveurs-vendeurs d’animaux sont dépistés avant d’accéder au souk », a-t-elle expliqué.

Mme Saghir a également fait savoir que tout animal, ovin ou caprin, doit disposer d’une boucle, être en bonne santé et ne représenter aucun signe de maladie contagieuse.

De son côté, le directeur régional du Conseil agricole de Rabat-Salé-kénitra, Mourad Fadli, a affirmé que ces marchés sont contrôlés de façon quotidienne par la DRA dans le cadre de la commission mixte composée de l’Office national du conseil agricole (ONCA), de la direction régionale, de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) et des autorités régionales, locales et provinciales chargées de l’application des mesures sanitaires requises afin de protéger les citoyens contre la propagation de la Covid-19.

Il a dans ce sens indiqué que l’ONCA a mis en place un programme riche et diversifié de sensibilisation incitant tous les visiteurs, éleveurs et vendeurs au respect des mesures préventives comme le port du masque, l’utilisation des stérilisateurs et le respect de la distanciation physique.

Autant dire que malgré cette conjoncture exceptionnelle, Aïd al-Adha demeure une fête d’exception qui rassemble tous les musulmans dans les quatre coins du monde dans une ambiance de piété, de joie, de générosité et de partage.

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