Cambridge Analytica : où comment les utilisateurs des réseaux sociaux sont manipulés

Les réseaux sociaux sont un outil de socialisation qui permet aux internautes de se connecter avec leurs amis ou des groupes d’intérêts communs afin d’échanger et de construire virtuellement du lien social. L’engouement au début pour cette innovation extraordinaire ne s’est pas démenti aujourd’hui. Le nombre d’utilisateurs de Facebook dans le monde en témoigne. Ils seraient un peu moins de deux milliards à être, quotidiennement, actifs sur le réseau social le plus célèbre du monde. Cela montre que l’humanité est arrivée à l’ère du numérique et se comporte comme des humains 2.0. De nouveaux modes de communication qui ont enrichi les utilisateurs à travers les messageries instantanées et les murs où l’on peut laisser un post. Les personnes éloignées se rapprochent certes mais on a aussi remarqué que les personnes proches s’éloignaient. Obnubilés par leurs smartphones, les utilisateurs connectés au réseau social semblent doucement se déconnecter du monde réel. Ils ont moins de temps de cerveau disponible pour vivre mais dépensent leur énergie à exister sur Facebook. Ils oublient le monde extérieur et se concentrent, de plus en plus, sur le monde virtuel qui élargit bien évidemment les opportunités de communication de commerce et d’expression de l’opinion mais enferme l’utilisateur dans une bulle et l’isole du reste du monde. Et dire que paradoxalement, il pense être en interaction avec le monde.

Cette déconnexion du monde réel et le partage d’information souvent très personnelle des utilisateurs sur les réseaux sociaux sont une manne d’informations que des compagnies peu scrupuleuses considèrent comme leurs nouveaux produits à commercialiser. A ce titre, les réseaux sociaux sont une poule aux œufs d’or pour les marketeurs digitaux et les experts en Mēga Données.

 

Quand l’ordinateur connaît l’Homme mieux que l’Homme

 

Des études ont été faites sur le sujet par un jeune étudiant de Cambridge, aujourd’hui chercheur à Stanford, du nom de Michal Kosinski qui démontre qu’un ordinateur possède de meilleures chances de déterminer les traits de personnalité d’un individu qu’une personne physique. (cf Computer-based personality judgments are more accuratethanthose made by humans  en 2015, qui veut dire : les jugements basés établis par ordinateurs sur les traits de caractère sont plus précis que ceux des humains).

L’auteur nous explique qu’aujourd’hui, les ordinateurs ont dépassé les humains en ce qui concerne l’aptitude à discerner les personnalités. Les enjeux sont significatifs non seulement dans le champ de la psychologie mais aussi du marketing. Un article publié dans Romanian Journal of Political Science par  Agnieszka Turska-Kawa, intitulé Big Five Personality Traits Model in Electoral BehaviourStudies. L’étude a fait ressortir quatre types d’électeurs : loyal, volatile, passif et non systématique. Mais elle ne s’arrête pas là. Elle approfondit cette classification dans le détail de chaque type d’électeur montrant par là même que chacun se comportait différemment selon la catégorie dans laquelle on le situait. Cela se traduit sur le terrain électoral par l’adaptation du message électoral différent selon la géographie, le sexe, l’âge et d’autres facteurs qui ont été pris en compte dans l’étude.

 

Lorsque les responsables de campagnes ciblent les électeurs et manipulent leurs choix

 

Les responsables de campagne ont recours à une segmentation de la personnalité basée sur l’étude des Big Five qui divise les traits de caractère en cinq traits majeurs : Ouverture à l’expérience, Caractère consciencieux, Extraversion, Agréabilité et Névrosisme (OCEAN).

C’est une stratégie utilisée par plusieurs candidats notamment le plus connu qui n’est autre que Donald Trump, l’actuel Président des Etats-Unis d’Amérique. Il ciblait les électeurs en les inondant de message selon le quartier où ils résident ou leur origine. Ainsi par exemple, « dans le district de Little Haïti de Miami, les internautes ont vu passer sur leur timeline un post de Trump dénonçant “l’échec” de la Fondation Clinton après le séisme d’octobre 2016. Un autre “dark post” (sponsorisé, et ne pouvant être vu que par un public ciblé) contenait une vidéo de la candidate démocrate, affirmant que “les hommes noirs sont des prédateurs” – destiné aux utilisateurs afro-américains » comme nous le rapporte Das Magazin.     Ces données ont été recueillies à travers les réseaux sociaux notamment Facebook pour la campagne de Donald Trump et concernent pas moins de 220 millions de personnes. Une manne d’informations qui a permis d’infléchir les élections en faveur de Trump qui a su en tirer le meilleur profit pour en extraire une véritable mine d’or sur les électeurs potentiels. Il a su cibler les populations et adapter son discours de façon « chirurgicale » aux différentes composantes de la communauté américaine lui donnant une longueur d’avance sur ses rivaux. Cambridge Analytica est la société qui a travaillé pour le compte de la campagne de Donald Trump. Dirigée par le sulfureux Steve Bannon, elle n’a pas hésité à utiliser frauduleusement des données des réseaux sociaux pour faire élire son candidat anti-establishment. Aujourd’hui, cette manipulation fait tache d’huile aux Etats-Unis et compromet la décence de l’élection de Donald Trump qui n’est pas à son premier scandale. Cambridge Analytica qui semble aussi impliqué dans le Brexit a fait infléchir les élections au Royaume Uni en faveur des UKIP.

Nous connaissons les outils qu’utilisent ces responsables de campagnes qui, au passage pourraient être des entreprises commerciales. Les réseaux sociaux et surtout Facebook ont des moyens efficaces pour exploiter ces métadonnées dans la mesure où le traitement algorithmique et informatique est plus efficient dans le discernement de la personnalité humaine. Nous sommes informés dans quel but ces informations sont recueillies : infléchir le choix électoral des électeurs. Cela semble poser un problème éthique grave à l’encontre des politiciens qui sont moins concernés par la connaissance intime de leurs électeurs pour répondre à leurs aspirations légitimes mais veulent les connaître dans le but de manipuler leurs choix à travers des techniques psychologiques très pointues.  Nous sommes avertis des dangers des pirates informatiques qui volent les données dans des buts criminels mais avions-nous conscience que des politiques seraient presque aussi dommageables ? On ne peut pas parler de choix librement consentis car les électeurs sont de bonne foi à priori. Ils mettent leur confiance en le candidat qui se montre le plus apte mais si celui-ci cache de sombres desseins mis à nu par des techniques frauduleuses, cela n’est-il pas une entrave au libre choix ? N’y a-t-il pas un dol avéré dans ce type de recours ? Cela ne porte-t-il pas préjudice à l’institution démocratique que défendent les pays occidentaux qui se comportent comme donneurs de leçons envers ceux qu’ils pointent du doigt comme ayant un déficit démocratique ?

Par ailleurs, la segmentation de la population qui se voit appelée à voter reçoit différents types de messages électoraux selon la catégorie à laquelle elle appartient, n’est-ce pas une façon de diviser l’opinion publique au lien de vouloir l’unir sous une bannière commune et fédératrice ?

On divise ses ennemis mais pas son peuple ! La devise des Etats-Unis est : Unis, nous tenons debout et divisés nous tombons. Cette dernière élection semble faire la part belle à la division de la société américaine qui non seulement et épié mais segmenté en groupes différents selon un algorithme informatique.  C’est toute la substance de la personne qui est vidée et toute l’essence de l’institution qui est devenue caduque car abstraite dorénavant. La confiance qui tisse le lien social se périclite et les individus sont poussés dans leur retranchement virtuel où ils dénoncent mais leurs messages qui restent et demeurent virtuels ne sont que des données qui serviront à les segmenter davantage et à adapter un message sur ces mêmes réseaux sociaux qui les rassureront et leur feront oublier les motifs mêmes de leur colère. C’est comme un cercle vicieux qui est établi et qui ne profitent nullement aux utilisateurs qui sont appelés à élire un candidat dans des élections diverses.

 

Big Data et élection : la démocratie serait-elle en danger ?

La crédibilité des candidats est entachée et cela risque de provoquer plus de dissensions au sein de la population américaine car ce scandale de Cambridge Analytica demeure un problème américain.

Ceci étant, rien n’empêche d’autres candidats venant d’autres pays de le faire. Comme il a été dit plus haut les électeurs de Royaume Uni ont eux aussi souffert de la manipulation de Cambridge Analytica, du moins on soupçonne l’entreprise d’avoir joué un rôle notoire.

Comme on le voit aux Etats-Unis lorsque l’on élit un candidat de mauvaise foi c’est toute la population qui est aux abois. Mais pour Donald Trump le chien aboie et la caravane passe.

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