Canberra trahit sous la pression américaine

POLITIQUEMENT INCORRECT

Par Gabriel BANON

 

Il était une fois, un pays dans le Pacifique nommé Australie. Ce dernier développa des relations suivies et étroites avec l’Europe et en particulier la France. Par ailleurs, l’Australie a toujours eu de bonnes relations avec la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Patatras, l’affaire des sous-marins australiens va ouvrir une crise transatlantique majeure. De quoi s’agit-il ? D’un coup de tonnerre diplomatique qui va laisser des traces. Après l’Afghanistan, c’est une nouvelle preuve de l’absence de considération des États-Unis à l’égard de ses alliés européens.

Joe Biden qui a fait de l’opposition à la Chine le fil conducteur de sa politique étrangère, vient d’annoncer une large alliance technologique et militaire avec l’Australie et la Grande-Bretagne. Washington n’a jamais cherché à y associer les Français, pourtant engagés dans un contrat militaire important, avec Canberra. Cette nouvelle alliance a amené les Australiens à annuler le « contrat du siècle », signé avec la France pour la fourniture de 12 sous-marins conventionnels, un contrat de 35 milliards d’Euros. Maître d’œuvre d’une nouvelle stratégie indopacifique, l’administration de Joe Biden a donné  » un coup dans le dos  » à la France, a expliqué Jean-Yves Le Drian, Ministre français des Affaire étrangères. Il s’est indigné sur France info : « Cette décision unilatérale, brutale, imprévisible, ressemble beaucoup à ce que faisait Monsieur Trump ».

Les États-Unis n’ont même pas daigné prévenir Paris et c’est le ministre de la Défense australien qui a téléphoné, mercredi dernier. La réaction de la France est à la hauteur de la déception et des attentes placées dans le partenariat avorté avec l’Australie.

« Nous avions établi avec l’Australie une relation de confiance. Cette confiance est trahie », a lancé le ministre. Au même moment, la ministre des Armées, Florence Parly, déplorait sur RFI « une très mauvaise nouvelle pour le respect de la parole donnée » et une décision « grave » en matière de politique internationale.

Au-delà du problème posé par l’Australie, la France a déploré des États-Unis, une décision « unilatérale, brutale, imprévisible » et dénoncé l’attitude « assez insupportable » de l’administration de Joe Biden. L’alliance sécuritaire nouée entre Washington, Canberra et Londres, s’est dessinée sans aucune consultation avec l’Europe.

A la question de savoir si la France s’était « fait avoir » par les États-Unis, le ministre des Affaires étrangères a répondu : « Je pense que vous analysez à peu près bien la situation, mais ça ne se fait pas entre alliés ». « Notre position est celle d’une grande fermeté et d’une incompréhension totale » a-t-il ajouté.

Pour la petite histoire, il faut rappeler qu’en 2015, la France, sous la pression américaine, avait unilatéralement annulé un contrat avec la Russie pour la livraison de deux navires porte-hélicoptères Mistral.

A LIRE AUSSI : Sous-marins : L’Australie rompt “le contrat du siècle” avec la France au profit des Etats-Unis

Face aux ambitions de la Chine dans la région indopacifique, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie ont donc annoncé la conclusion d’un partenariat stratégique qui amène cette dernière à renoncer à un contrat de plusieurs dizaines de milliards de dollars avec la France, conclu en 2016, pour la fourniture de sous-marins conventionnels construits par Naval Group. L’Australie se dotera à la place de sous-marins nucléaires américains.

Jean-Yves Le Drian a déclaré que la France exige des « clarifications » à l’Australie. La rupture de ce pacte de coopération militaire, allait au-delà d’une simple fourniture de sous-marins. Sur le plan industriel, Florence Parly a, pour sa part, déclaré que la France allait « étudier toutes les voies pour faire en sorte que l’entreprise concernée, Naval Group, ne subisse pas de dommage économique ».

Ce nouveau partenariat stratégique entre l’Australie, les États-Unis et la Grande-Bretagne, veut être une réponse aux ambitions affichées de la Chine dans la zone indopacifique.

Cette coopération est dénoncée par Pékin : elle « sape gravement la paix et la stabilité régionales, intensifie la course aux armements et compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire », dixit le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.

La Chine accuse les trois pays de faire preuve d’une « mentalité de guerre froide » et d’utiliser l’armement nucléaire à des fins géopolitiques. Pékin et Canberra sont, depuis un an et demi, engagés dans une vive tension diplomatique. Zhao Lijian considère que l’acquisition des sous-marins américains contredit les engagements de l’Australie en matière de non-prolifération nucléaire.

Pourquoi l’Australie a laissé tomber la France ? Canberra estime que les sous-marins conventionnels de Naval Group ne pouvaient plus faire l’affaire et qu’il était devenu indispensable de se tourner vers des navires à propulsion nucléaire. Des modèles jugés « plus puissants, plus endurants et plus furtifs ».

Frappée depuis des mois par des sanctions commerciales de Pékin, l’Australie, en tournant le dos à la France pour mieux enlacer ses alliés historiques, les États-Unis et la Grande-Bretagne, espère se montrer suffisamment forte pour faire reculer la Chine (utopie ?) dans « sa » région de l’Indopacifique. Incessantes menaces sur Taïwan, appropriation de zones contestées en mer de Chine méridionale, pénétration de moins en moins discrète dans les petites nations du Pacifique : l’attitude de la Chine dans la région est perçue comme un danger de plus en plus concret par les États-Unis mais aussi l’Australie.

Cela ne peut justifier une attitude pour le moins inamicale de pays qui se disent des alliés historiques. Cette situation repose la question lancinante : Que vaut une alliance avec les États-Unis ?

C’est l’administration américaine, avec son Président, Joe Biden, qu’il faut incriminer. Obnubilé par sa croisade contre la Chine, Washington applique sa géostratégie avec sa brutalité coutumière. L’Europe, et la France avec, ne peuvent pas, n’ont pas et ne doivent pas devenir des acteurs majeurs dans le Pacifique. Lourde erreur, lorsque l’on connaît l’histoire de la présence française en Asie.

 

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