Candidature d’enfants et des proches d’hommes politiques, une consécration du principe d’égalité ou obstacle aux efforts de renouvellement des élites ?

Les électeurs marocains sont appelés le 8 septembre à choisir parmi plus de 6.000 candidats aux législatives et 157.000 candidats aux élections régionales et locales, parmi lesquels ceux qui se présenteront pour la première fois à ces échéances, et ceux qui sont devenus, par la force des choses, des fins connaisseurs de la course électorale.

Parmi ces candidats, on peut identifier une catégorie difficile à mettre dans une rubrique quelconque. Il s’agit des fils et des proches de certaines personnalités qui ont marqué depuis plusieurs décennies la scène politique nationale, en l’occurrence des secrétaires généraux de partis ou de centrales syndicales, des parlementaires ou alors des présidents de régions.

Le phénomène héréditaire en politique n’est pas spécifique à la scène politique nationale, puisqu’on le retrouve dans la plupart des pays du monde, y compris dans les grandes puissances et les démocraties les plus installées, qui ont vu des dynasties familiales se présenter aux élections et conquérir des postes de pouvoir, comme les Kennedy et Bush aux États-Unis, ou les Trudeau au Canada. On s’interroge alors si la candidature d’enfants et des proches des personnalités politiques éminentes aux échéances électorales est considérée comme une consécration du principe d’égalité entre tous les candidats, sachant que tous les citoyens marocains ont le droit de soumettre leurs candidatures s’ils remplissent les conditions légales et d’éligibilité; ou sapant les efforts de renouvellement des élites politiques et locales? Le fait d’avoir les mêmes noms qui reviennent peut-il conduire à la réticence des électeurs à voter et à la perte de confiance dans la pratique politique ?.

Sur les listes électorales présentées par les partis politiques, on peut, en effet, noter la présence d’un bon nombre de candidats enfants ou proches de certaines personnalités politiques de premier plan sur la scène nationale.

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On peut citer, à titre d’exemple, la candidature de Naoufal Chabat, fils de l’ancien secrétaire général du Parti de l’Istiqlal (PI) Hamid Chabat, dans la circonscription de Taza; Hassan Lachgar, fils du premier secrétaire de l’Union socialiste des Forces Populaires (USFP), Driss Lachgar (Quartier Rabat-Youssoufia) et Yassine Radi, fils du conseiller et ancien dirigeant de l’Union constitutionnelle, Driss Radi (Sidi Kacem).

Il s’agit aussi de la candidature de Hassan Laenser, fils du secrétaire général du Parti du Mouvement Populaire (MP), Mohand Laenser, dans la circonscription de Boulmane; d’Abdelmajid Fassi Fihri, fils de l’ancien secrétaire général du PI et ancien Premier ministre, Abbas El Fassi, dans la circonscription Fès-Nord; et Abdessamad Archane, fils de l’ancien chef du Parti du mouvement social-démocrate, Mahmoud Archane (Tifelt). L’universitaire Rachid Azraq (Université Ibn Tofail de Kénitra) estime que le Maroc a besoin de changer, de renforcer ses institutions et de mettre en oeuvre le nouveau modèle de développement, en dépassant l’ancien modèle devenu obsolète par la force des mutations que la société marocaine a connues, ajoutant que les élites de l’ancien modèle sont devenues « un obstacle devant l’accès du Maroc à l’ère démocratique et la consolidation de l’État de droit et des institutions ».

Dans un entretien accordé à la MAP, cet universitaire spécialiste des affaires parlementaires et des partis a soutenu que sur la base de ce qui a été souligné dans le discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à l’occasion du 68è anniversaire de la révolution du Roi et du Peuple, les formations politiques se doivent de passer du concept de « parti des individus » au « parti des institutions », et de se défaire de « la domination de l’individu sur les partis ».

L’auteur du livre « La question électorale au Maroc : une contribution à une étude comparative des systèmes électoraux » a aussi qualifié de « discriminatoire » la candidature des fils et proches des dirigeants politiques qui « porte atteinte, selon lui, à l’égalité des chances et nuit à la crédibilité des instances élues ». Au moment où le Maroc cherche à mettre en oeuvre le nouveau modèle de développement pour réaliser le décollage économique et culturel escompté, ce comportement est de nature à compromettre le changement nécessaire, a-t-il noté.

En réponse à la question de savoir si ce phénomène accroît la réticence des citoyens, notamment des jeunes, à participer aux élections, l’universitaire a affirmé que « donner confiance aux institutions nécessite de les renforcer en imposant des énergies libératrices et en présentant de jeunes candidats », précisant que « la présentation de candidats proches des personnalités politiques crée un déséquilibre et conduit à des dérapages qui accroissent l’état de frustration et de désespoir chez les jeunes ».

La jeunesse d’aujourd’hui « rejette la chasse aux opportunités pratiquées par une partie de l’élite familiale, qui a conduit à un ébranlement de la confiance dans toutes les institutions élues et provoqué un état croissant de tension sociale », a-t-il estimé, expliquant que cette situation peut être attribuée au « fait que les revendications sociétales liées à la justice sociale ont donné naissance à un courant de jeunesse qui revendique la dignité, la liberté et la citoyenneté constitutionnelle ».

Pour l’universitaire, « l’heure est à la libération des énergies, à la promotion de l’espoir, à l’ouverture des horizons et à l’instauration d’un modèle de développement qui permet d’apporter des solutions et de proposer des projets de société ».

( Avec MAP )

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