Chantage sexuel au sein des universités : La peur doit changer de camp

Par Meryem Idrissi

Les scandales s’enchaînent dans certaines universités et écoles supérieures du Royaume et se ressemblent mais l’écœurement et la répugnance, eux, vont crescendo. Voir certaines universités marocaines faire la Une ou grands titres de plusieurs supports médiatiques n’est pas fort réjouissant quand on sait que la raison de la médiatisation est loin d’être honorable mais relève d’affaires de mœurs. Après l’Université Abdelmalek Essaadi de Tétouan, l’Université Hassan 1er de Settat, l’ENCG Oujda, Tanger régurgite son lot d’opprobre et de souillure dans un univers censé être sain et noble à savoir celui de « l’éducation, de la formation, du savoir et de l’élévation intellectuelle» puisqu’il s’agit, bien entendu, de l’enceinte universitaire.

C’est donc un professeur de l’École le Roi Fahd de traduction, qui, cette fois-ci, allonge la liste des pervers harceleurs déguisés en professeurs et étoffe l’éventail des scandales universitaires. Le harcèlement et le chantage sexuel sont donc le nouveau divertimento et surtout l’outil d’affirmation de certains professeurs qui entachent l’enseignement supérieur.

Cela fait quelques jours que nous vivons donc au rythme de scandales sexuels qui éclatent ça et là, mettant à nu un phénomène qui a malheureusement toujours existé dans tous les domaines. Mais quand cela touche le pivot autour duquel tout tourne dans la vie : l’éducation, le clignotant rouge explose sous l’horreur.

L’heure est à la dénonciation

« Le diplôme est là mais elle est où la dignité ? », tel était le slogan des Encgistes d’Oujda qui ont crié leur hargne, lundi dernier. C’est un cri d’indignation, de colère et de révolte d’étudiants exaspérés par des pratiques immorales et illégales impliquant un professeur, usant de son pouvoir hiérarchique en vue d’exploiter leur camarade. Cette affaire de chantage sexuel éclate au grand jour à l’ENCG Oujda par un mail anonyme envoyé au président, aux directeurs, aux lauréats et aux étudiants de l’école secouant ainsi le cocotier et donnant libre cours aux témoignages de présumées victimes au sein des universités brisant ainsi le silence des victimes et l’abus des harceleurs.

Un pavé est jeté dans la mare et des screenshot partagés sur la toile font l’effet d’un feu de forêt embrasant le corps professoral et l’enceinte universitaire. La rage de dénoncer et de condamner est tellement grande que des dizaines de filles ont balancé des captures de discussions aux insinuations malsaines voire à caractère sexuel-qui font rougir les plus effrontés d’entre nous- entre professeurs et étudiantes sur WhatsApp, d’un niveau méprisable et obscène qui porte préjudice non seulement à l’éducation de la personne en question mais à toute une société en perte de valeurs et de repères. Dès lors, les réseaux sociaux libèrent la parole, les hashtags # MeTooUniv et #Zéro_Tolérance rendent l’affaire publique et délient les claviers pour partager des calvaires subis mais qui ne sont plus tus. Les étudiants qui ne lâchent rien face à la perversité de certains professeurs unissent leurs voix et crient au scandale sous le coup de révélations qui entachent l’image de l’université et de son corps professoral.

Les pressions sexuelles exercées à leur encontre ou sur des camarades filles ne sont plus passées sous silence, réseaux sociaux aidant et le branle-bas de combat sonne pour dénoncer et condamner des pratiques honteuses d’enseignants qui profitent de leur pouvoir pour asseoir leur jeu abject et exigent des faveurs sexuelles à des étudiantes en échange de bonnes notes donnant ainsi une autre forme au système de validation. C’est à croire que certains enseignants pensent qu’ils ont un droit de cuissage sur leurs étudiantes qui sont, parfois, tentées de céder à la pression constante qu’exerce sur elles un professeur symbole d' »autorité ».

A la merci du chantage sexuel

 Au Congo, le harcèlement sexuel en milieu universitaire a un nom : « Notes sexuellement transmissibles ». On ne le sait que trop : le harcèlement sexuel dans des universités ou écoles supérieures marocaines existe bel et bien que certaines étudiantes préfèrent taire les faits de crainte de représailles et cèdent au chantage en échange de bonnes notes. N’est-ce pas connu aussi que des étudiants proposent de l’argent à certains de leurs professeurs quand le tarif n’est pas connu d’avance en vue d’obtenir de bons résultats ? N’est-on pas scandalisés par certaines étudiantes qui utilisent leurs atouts physiques en contrepartie d’un bon score ? L’image de l’Institution s’en trouve ainsi entachée et étiolée entre négociations et marchandage. Faut-il rappeler que ces pratiques scandaleuses et ces comportements abusifs constituent un handicap pour les performances des étudiants et sur le fonctionnement de l’université d’autant plus qu’ils actent une fâcheuse discrimination fondée sur le sexe ?

L’université marocaine : une image à préserver

Fort heureusement, le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui, qui se trouve avoir été président de l’Université Cadi Ayyad et donc le mieux placé pour avoir à cœur de rendre justice aux étudiants et leur dignité à tous ceux qui s’acquittent de leur mission avec intégrité et dévouement, s’est saisi du dossier à bras le corps en prônant une tolérance zéro. Il faut dire que monsieur le ministre a une lourde tâche, celle de rétablir l’image des professeurs dignes de ce nom et la sacralité du milieu universitaire marocain. Aussi a-t-il, illico presto, diligenté une commission d’enquête à l’ENCG. Le directeur, la directrice adjointe, le secrétaire général de l’établissement ont été démis de leurs fonctions. Il faut dire aussi qu’une certaine forme de complicité naît de ces affaires de mœurs de la part de certains directeurs qui étouffent le problème à leur niveau de peur de s’attirer les foudres des hauts responsables en bafouant les droits des victimes qui encaissent le coup et s’en remettent à Dieu. Or l’administration doit être à l’écoute afin de prévenir et surtout détecter tout type de dérapage disciplinaire ou moral. En effet, si on croit les témoignages qui pullulent sur les réseaux sociaux et les affaires scabreuses qui font la Une des médias, de nombreux universitaires usent du mécanisme des notes pour obtenir des relations sexuelles avec leurs étudiantes. C’est dans ce sens que le ministre a donné ses instructions pour instaurer un Numéro vert, valable pour tous les établissements universitaires et les grandes écoles, dont les interlocuteurs sont chargés de recevoir et d’instruire l’ensemble des plaintes qui seront recueillies, y compris les plaintes anonymement formulées.

Il faut rappeler aussi que de son côté, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) fera du harcèlement sexuel dans les universités l’un de ses projets prioritaires durant l’exercice 2022.

Toutefois, il faut s’interdire de céder à la vague et incriminer tous les enseignants. S’il arrive que les libertés académiques débordent et que certains professeurs qui semblent exercer leur métier seulement pour leur gain et oublient leur mission, celle d’enseigner, de transmettre le savoir et de servir de modèle à la jeune génération,  heureusement, ce ne sont que des cas isolés mais qu’il faut écarter loin de tout laxisme et impunité parce que l’université est un endroit noble et sacré qui ne doit pas être souillé par des comportements irresponsables et pervers. Bien des comportements menacent l’image de marque et la sacralité de l’institution universitaire ce qui nécessite une refonte des bases afin de redonner à ceux qui le méritent leurs lettres de noblesse pour le métier noble qu’ils assument et sanctionner, sans aucun égard, ceux qui font fi de leur devoir noble en faisant de l’université un terreau d’abus de pouvoir, d’attentat à la pudeur, de harcèlement sexuel, d’incitation à la débauche et de chantage sexuel.

En somme, il faut s’attendre à ce que ces révélations donnent lieu à de nouveaux témoignages qui révéleraient de nouvelles affaires, dans différentes universités maintenant que la parole est libérée. Du coup, la prise de conscience de ce fléau malpropre est aujourd’hui nationale puisque tout le monde est révulsé. Quand des professeurs qui sont censés donner l’exemple et transmettre les valeurs morales et humaines transforment l’enceinte universitaire en un marché où le troc se fait entre l’enseignant et son étudiante dans un langage salace, c’est toute la pyramide qui s’écroule et c’est le malheur de toute une société.

En conséquence, il faut serrer l’étau sur ces énergumènes et mettre en place un mécanisme judiciaire rigoureux en renforçant le dispositif législatif et réglementaire pour mettre fin à ces pratiques et faire respecter la déontologie et l’éthique au sein de l’université pour rétablir l’image de l’institution et renforcer sa sacralité.

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