Cliniques privées : Y a-t-il une surfacturation des prestations ?

La polémique sur les cliniques continue de défrayer la chronique, à l’heure où les chiffres de contamination ne cessent de grimper, le nombre de cas graves augmente également et les hôpitaux frôlent le débordement dans plusieurs villes, le coût de la prise en charge dans ces établissements sanitaires, lui aussi, semble battre de l’aile.

Depuis quelques jours la prise en charge des patients positifs à la covid au sein des cliniques privées fait débat, surtout après le décès d’un patient covid dont la famille aurait reçu une facture de 200.000 dirhams. Ce n’est pas tout, les témoignages sur les réseaux sociaux ne cessent de se multiplier dénonçant « une surfacturation de la prise en charge des malades contaminés ».

Toutefois, il faut comprendre que les tarifs élevés reviennent à la cherté de la prise en charge covid, qui pourrait nécessiter jusqu’à 5.000 dirhams d’oxygène par jour en plus de la tenue des soignants qui coûte 300 dirhams, des analyses de sang, des médicaments, etc. Ce qui explique le fait que le coût moyen d’une nuit en réanimation pourrait atteindre 7.000 à 8.000 dirhams, tandis que hors covid, une réanimation normale coûterait entre 800 et 1.000 dirhams. À croire le Président de l’association nationale des cliniques privées (ANCP), le Professeur Redouane Semlali, « nous-même avons été surpris par le coût de la réanimation covid qui n’a rien à avoir avec la réanimation ordinaire et nous avons aussi eu des difficultés avec nos stocks d’oxygène, par moment, nos réservoirs d’oxygène n’étaient plus suffisants, il a fallu qu’on mette en place des bouteilles », déclare-t-il, lors d’un passage dans l’émission L’info en Face, mardi 17 novembre. Chose qu’il a tenu également à rappeler lors de son intervention sur Radio 2M, en début de semaine.

D’un point de vue scientifique, un patient covid en réanimation a les deux tiers de son poumon détruits, selon les explications de professeur Semlali, lui-même patron d’un groupe de clinique, « le patient positif à la covid nécessite une énorme consommation d’oxygène, de produits vitaux pour redémarrer le cœur et soutenir le rein et tout cela fait que ce type de réanimation coûte beaucoup plus qu’une réanimation normale ».

Mais, on ne le sait que trop bien, face à la saturation des hôpitaux dans certaines régions, notamment, à Casablanca, l’option du privé s’impose par elle-même suite à la détérioration de la situation épidémiologique ces dernières semaines. D’ailleurs, l’implication du privé était devenue « un must », à l’heure où le public nécessitant un renfort n’a cessé d’appeler à son intégration urgente dans la lutte contre la Covid-19.

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Chose promise, chose due. Pour alléger la pression sur les hôpitaux publics, les cliniques privées sont entrées en ligne, suite à un accord avec le ministère de la Santé, l’ANCP et les associations régionales, prêtent aujourd’hui main forte, notamment dans les structures de la santé publique, selon nos confrères de Medias24, il s’agit de 5 réanimateurs et 7 généralistes à plein temps ainsi que 30 réanimateurs qui effectuent des gardes à tour de rôle. Ces médecins, dont la plupart sont bénévoles, ont été mobilisés par l’ANCP et les autres ont été directement payés par l’association. Selon la même source, la prise en charge des cas Covid dans les cliniques privées a été autorisée dans 4 grandes villes: Rabat, Marrakech, Casablanca et Agadir. Notons qu’aujourd’hui, sur Casablanca, un malade sur deux, qui ont développé des formes graves de la covid, se retrouve dans le privé, ce qui représente entre 60 et 70 patients.

Cependant, il n’a fallu que peu de temps pour que l’anarchie des prix s’installe. Pour sa part, la Fédération marocaine des droits du consommateur dit avoir reçu plusieurs requêtes et plaintes à travers ses associations œuvrant à Casablanca, Rabat et Khouribga. En revanche, elle a demandé au ministre de la Santé d’intervenir pour barrer la route à certaines cliniques qui seraient en train de se livrer à des pratiques « scandaleuses », notamment le refus de délivrer la facture établissant la prestation de soins ou bien la communication des rapports médicaux. Dans une correspondance, le Président de la Fédération a demandé également au chef de gouvernement d’appliquer l’article 4 de la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui stipule que le gouvernement est en mesure d’intervenir pour encadrer et réguler les prix dans des contextes exceptionnels.

Du côté de l’ANCP, aucun dépassement n’a été signalé. « Toutes les cliniques font des efforts considérables pour s’aligner avec les moyens des patients, mais ce n’a pas aux cliniques de régler la misère du pays. On ne peut pas régler tous les problèmes des Marocains. Il y a de la misère, la couverture sociale n’est pas généralisée, etc. Mais ces problèmes ne se règlent pas au niveau de la clinique », une déclaration du président de l’ANCP sur les ondes de radio 2M qui n’est pas passée inaperçue sur la toile, provoquant un tollé général. Le lendemain dans une intervention sur une autre émission, le professeur a affirmé être prêt à s’asseoir « avec qui de droit pour débloquer cette situation », en réitérant : « s’il s’agit de serrer encore la ceinture, on la serrera ».

Au niveau de la gestion de la pandémie, une erreur aurait été faite selon le président de l’ANCP, celle de ne pas appeler à une représentation du privé dans le comité scientifique, dont la composition demeure confidentielle jusqu’à présent.« Comment imaginez-vous coordonner les soins des citoyens marocains alors que ceux qui soignent la moitié des Marocains ne sont pas présents ? », s’insurge le professeur Semlali. Cependant, une rencontre est prévue entre l’ANCP, l’ANAM, la CNSS et la CNOPS, ainsi que le ministère de la Santé la semaine prochaine pour trouver un terrain d’entente. Rappelons, qu’il y a quelques jours, l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) annonçait l’entrée en vigueur des remboursements des frais liés à la Covid-19, dans le cadre de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), selon une grille tarifaire qui “fixe le tarif pour chaque prestation et chaque catégorie de cas clinique, par secteur d’activité (public et privé)”, comme le mentionne un communiqué émis, me 2 novembre, par l’agence nationale.

Affaire à suivre.

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