Confinement : quels vécus et quels impacts psychologiques ?

Par Pr. Maria SABIR 

Depuis la mise en place du confinement, les sentiments se bousculent avec légitimité, tout est de l’ordre de l’inconnu, sans références et sans repères. En effet, c’est la première fois que nous faisons face à une situation de cette ampleur.

À l’heure où le Maroc est entré en confinement, il est important de connaître les effets psychologiques d’une telle mesure, afin de s’en prémunir au mieux.

Confinement : quels vécus psychologiques ?

Le confinement est une mesure exceptionnelle, inédite et non habituelle, qui a radicalement changé le mode de vie de millions de personnes à travers le monde.

Le confinement n’est pas vécu de la même manière par tous. Le vécu tient compte d’un certain nombre de facteurs individuels à savoir des facteurs liés à l’environnement de confinement (lieu du confinement, superficie et densité du nombre de personnes, accès ou non à un espace extérieur, personnes avec lesquelles le confinement a lieu) ainsi que des facteurs liés à l’individu (antécédents ou non de troubles psychiques, capacités de résilience et d’adaptation, vulnérabilité psychique et organique).

La perte du lien social est une des premières choses qui viennent à manquer avec une perte de la liberté d’action, provoquant ennui, frustration, ainsi qu’un sentiment d’isolement du reste du monde, vécu comme pénible par la plupart des participants des études.

Le vécu psychologique est évolutif. Dans un premier temps, majoritairement, la sidération prend le dessus. En effet, pour beaucoup de personnes, la menace du coronavirus semblait lointaine et la plupart n’imaginait pas que l’on pourrait en arriver à la mesure du confinement. Les sentiments qui se succèdent et se mêlent sont semblables à ceux retrouvés dans le processus du deuil : choc, déni, colère, douleur, sentiment d’injustice, de vide, d’ennui et de tristesse.

Néanmoins, une émotion domine, la peur. La situation inédite, sans aucun repère, est anxiogène. À cela s’ajoute une autre source d’angoisse, les informations en continu, répétitives, provenant de sources diverses et sombres. Les questionnements, par ailleurs nombreux : «Est-ce que je vais tomber malade ? Qui s’occupera de moi/de mes enfants si je tombe malade ? Est-ce que l’on va trouver un traitement ? Est-ce que je vais avoir des difficultés financières?… etc.» constituent une charge mentale importante pour chacun d’entre nous. L’ensemble de ces questionnements constitue des facteurs de stress importants avec des répercussions, à la fois, à l’échelle de l’individu et à l’échelle de la famille et de l’entourage.

Enfin, le stress ne s’arrêterait pas après la fin du confinement. Il y a, en effet, un certain nombre de facteurs de stress qui continueront à faire leur œuvre, une fois la situation revenue à la «normale», à savoir les conséquences économiques de la perte ou d’une diminution de revenus, à l’origine d’une détresse socio-économique, la détresse socio-économique globale, la fragilisation élevée des travailleurs indépendants, les difficultés à reprendre le travail, les tensions dans les couples et la stigmatisation à l’égard des personnes représentant un danger de propagation ou issues d’une région surexposée.

Confinement : quels impacts psychologiques ?

La durée de confinement elle-même est un facteur de stress : une durée supérieure à dix jours est prédictive de symptômes post-traumatiques, de comportements d’évitement et de colère. Lorsque le confinement dépasse les dix jours, les symptômes de stress post-traumatique sont significativement plus élevés, probablement parce qu’un isolement prolongé finit par engendrer une forme de traumatisme mêlant peur et anxiété.

D’autres troubles peuvent apparaître notamment anxieux, des dépressions, des troubles de sommeil, l’apparition ou l’aggravation de conduites addictives, stigmatisation.

Les personnes souffrant de troubles psychiatriques ou travaillant dans le domaine de la santé sont les plus vulnérables.

Les femmes présenteraient également un plus haut degré de détresse psychologique que les hommes. Cette détresse psychologique touche davantage les individus âgés de 18 à 30 ans ou ceux de plus de 60 ans ainsi que les travailleurs migrants.

De plus, plus la quarantaine ou l’isolement sont longs, plus la santé mentale se dégrade, sans que puisse être déterminée la limite à ne pas franchir.

Ainsi, plus la situation de confinement perdurerait dans le temps, plus elle serait susceptible de favoriser la survenue de troubles psychiques sévères, avec notamment un rebond de la demande de soins en levée de confinement.

Confinement : quelles recommandations ?

Un certain nombre de mesures à mettre en place sont susceptibles de limiter les effets de ces divers facteurs de stress. Il s’agit notamment de créer des services de soutien afin de venir en aide aux personnes souffrant d’anxiété et de dépression, mettre en place des numéros verts animés par des professionnels de santé pour répondre aux questions des personnes qui ont des symptômes qui les inquiètent et les rassurer, créer des groupes de soutien et d’échanges pour réduire l’isolement, promouvoir une communication centrée sur l’altruisme et remercier, encourager les personnes en situation de confinement pour renforcer l’adhésion et l’observance des mesures de confinement tout en les informant sur les mesures de prévention .

L’Ordre National des Médecins a ainsi mis en place, au niveau des bureaux régionaux, à travers le Royaume, une permanence téléphonique dédiée aux citoyens, du lundi au jeudi, de 12 h à 14h.

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