Constitution : un débat anachronique

Par ALLY COULIBALY

Dans un pays, comme la Côte d’Ivoire sous le Président Alassane OUATTARA, qui fonde son fonctionnement sur la transparence, le débat est un exercice sain. Il permet à tout citoyen de s’exprimer sur la marche des institutions et même sur la direction qu’impriment les dirigeants aux principales questions nationales. Le débat est à la démocratie ce qu’est l’air est à la vie. Une nécessité incontournable qui lui donne son sens et en constitue le moteur.

C’est fort de cette conviction que je me permets d’intervenir dans le débat sur la nouvelle constitution en particulier sur l’éligibilité du Chef de l’Etat actuel. Même si je le juge anachronique, j’y participe parce qu’il agite le landerneau politique ivoirien depuis quelques semaines. Surtout depuis que le Président Alassane OUATTARA a cédé aux pressions, aux demandes, aux sollicitations de ses compatriotes de retarder sa retraite politique.

Dans son adresse du 6 août 2020, à la veille du 60è anniversaire de notre accession à la souveraineté nationale et internationale, il a répondu favorablement à l’appel de ses concitoyens qui le pressaient de se présenter.

A tous égards, cette agitation autour de l’éligibilité du Président Alassane OUATTARA ressemble, à s’y méprendre, à un bal des impostateurs.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que la réponse du Président OUATTARA a créé le désarroi dans les camps d’en face faisant pousser des cris d’orfraie comme si le ciel nous était tombé sur la tête. Sans être grand clerc, l’on peut affirmer que la candidature d’Alassane OUATTARA est la première sous la nouvelle constitution de 2016 qui a porté la 3è République sur les fonts baptismaux. A posteriori, l’on comprend l’acharnement de certains hommes politiques, qui ont combattu le projet de constitution car son adoption, soutenaient-ils, permettrait une candidature du Président Alassane OUATTARA sans connaître son intention de passer le flambeau, annoncée le 5 mars dernier.

Les mêmes chefs de parti tentent de lui dénier la possibilité de se présenter à ce premier scrutin présidentiel de la nouvelle République. Le droit ivoirien a-t-il subitement changé ou le Président OUATTARA n’est plus la même personne qui a initié et porté le projet de Constitution ? Ce n’est plus le droit mais la peur de perdre qui s’exprime en eux. Le Conseil Constitutionnel va dire le droit qui va s’imposer à tous. Ce qui est indéniable, c’est que sa décision ne peut faire l’objet d’aucun recours. Elle s’impose donc à tous.

En attendant, je voudrais faire remarquer deux choses élémentaires. D’abord la loi fondamentale n’est nullement rétroactive. Ensuite, la nouvelle Constitution est un nouveau contrat avec le peuple.

A écouter les contempteurs, on penserait qu’il y a deux manières de mener une campagne électorale. L’on peut le faire avec un projet de société, un programme politique et des ambitions pour son peuple. C’est à son école que le Président OUATTARA nous a formés. Elle va au-delà d’une simple consultation pour récolter des voix. Elle se fonde sur des valeurs comme la promotion de la paix et de la cohésion sociale, le respect religieux de la Loi Fondamentale, la volonté de rester au service du peuple, d’assurer sa sécurité, sa prospérité économique.

Il y a aussi une autre manière de mener une campagne électorale consistant à accorder la priorité à l’accessoire sur l’essentiel, à avoir l’injure comme slogan et à adopter la calomnie et la manipulation comme outils pour irriguer les bas instincts d’une minorité de nos compatriotes et créer ainsi une atmosphère insurrectionnelle. Le but avoué est visible à l’œil nu : mettre en échec le processus électoral dont la réussite entraine la fin de leurs chimères politiques.

En fait, l’opposition se nourrit d’aigreurs personnelles. Ses leaders, à bout de souffle, en perte de repères et de militants, ont été désarçonnés par la volonté du peuple de se conformer au calendrier républicain en décidant de tenir l’élection présidentielle à date échue. Cela malgré les adversités de toute sorte dont la pandémie, le deuil soudain lié à la disparition inattendue du Premier Ministre Amadou Gon COULIBALY, Candidat du RHDP. Le leadership impose d’observer les règles démocratiques. C’est aussi cela la gouvernance.

Cette attitude donne tout son sens au sacrifice personnel consenti par le Président OUATTARA, en différant la fin de sa carrière politique. Il le fait conscient de ce qu’il doit à son peuple qui lui a tout donné. Comme tout le monde le sait, il n’avait pas proposé la constitution pour ses intérêts personnels. Il se préparait à changer d’occupation en se mettant au service de l’Afrique et du monde où sa notoriété, son carnet d‘adresses et ses compétences sont suffisamment connus. Il ambitionnait de passer la main à la génération montante en lui léguant une constitution débarrassée des scories confligènes.

Sa vision était de renforcer les bases d’une bonne gouvernance avec une constitution impersonnelle et impartiale, égale pour tous, abstraction faite des régions, des religions, des engagements politiques, du sexe etc. Il n’est pas un homme politique obnubilé par la prochaine élection présidentielle mais motivé pour l’amélioration du sort des générations à venir. La gît la différence entre lui et ses éventuels concurrents du 31 octobre 2020.

Pour nous, la bataille politique de la présidentielle doit se dérouler dans la comparaison des programmes. Elle doit mettre face à face des taux de croissance, des infrastructures de tous ordres, les mesures sociales pour les travailleurs et leurs revenus économiques, la place de notre pays en Afrique et dans le monde au plan politique, diplomatique et économique. Aucun homme politique sensé ne peut nier que la Côte d’Ivoire est de retour sur la scène internationale. C’est ce que redoutent les adeptes de la violence et du désordre qui redoutent la confrontation des bilans et des objectifs.

Le bilan du Président Alassane OUATTARA à la tête du pays parle de lui-même. Il serait fastidieux de revenir sur toutes ses réalisations qui ont transformé de fond en comble la physionomie de la Côte d’Ivoire. Ce bilan s’inscrit en droite ligne de son aura politique depuis que le Père Fondateur l’a nommé, en 1990, comme son premier Premier Ministre. Les autres n’ont que des passifs à présenter. C’est pour cette raison qu’ils s’époumonent à faire de la question constitutionnelle un enjeu national et un épouvantail international destiné à nos partenaires extérieurs.

Cousue de fil blanc, la manœuvre ne fera pas mouche car le peuple ivoirien ne s’est pas prononcé sur une révision constitutionnelle mais plutôt sur une nouvelle constitution. Celle-ci a fait sauter, dans le droit ivoirien, le verrou de la limite d’âge et qui permet la candidature de toutes les générations.

Il est bon de préciser que le choix d’une succession générationnelle n’était pas une contrainte constitutionnelle pour Alassane OUATTARA mais surtout l’expression d’une volonté délibérée de voir éclore une nouvelle race de dirigeants pétris des qualités qui sont la marque des hommes d’Etat. Cette ambition a été contrariée par le sort et rien ne vaut l’appel de la patrie pour celui qui est animé de la volonté de servir.

Pour tout observateur honnête, la candidature est fondée juridiquement, souhaitable politiquement et en accord avec les circonstances. C’est aussi une nouvelle fidélité à un serment devant la nation.

La priorité de la majorité des Ivoiriens porte sur leur avenir. Quel type d’Ivoirien pour demain ? Dans quel environnement politique, économique, social, culturel, écologique ? Voilà les réponses attendues par nos concitoyens des prétendants à la magistrature suprême. Toute autre attitude consiste à tenter de jeter de l’huile sur le feu en alimentant les germes de la division que toute une décennie a réussi à surmonter au grand bonheur de tous.

De notre point de vue, le débat sur la constitution est dépassé. Toute volonté de réveiller les vieux démons est vouée à l’échec. La question des candidatures est entre les mains des 7 sages de la Cour Constitutionnelle qui se prononceront sur l’éligibilité de tous les prétendants à la magistrature suprême. Laissons-les jouer leur rôle régalien.

ALLY COULIBALY

Ministre des Affaires Etrangères.

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