Coronavirus : Un témoignage de Monceyf Fadili à un ami

Nous publions ci-dessous une contribution de Monceyf  Fadili, Conseiller des Nations unies qui est, à l’origine, la réponse adressée à l’un ses amis lui ayant demandé des nouvelles du Maroc dans cette épreuve du Coronavirus.

« Merci de votre message, cher ami, et des nouvelles que vous prenez du Maroc.

Confinement et gestion dans l’ensemble bien organisés au Maroc, le gouvernement s’y est pris tôt,fort heureusement, et les Marocains réagissent assez bien. L’option chloroquine a rapidement été adoptée, sans hésitations ni débats stériles ; en avons-nous le temps et les moyens ?

Un protocole sanitaire de traitement des patients atteints du coronavirus a été officiellement adopté, et pour le rendre accessible au plus grand nombre, les stocks de médicaments produits localement et concernés par la pandémie – notamment la nivaquine – ont été mis à la disposition de l’Etat.Une démarche de précaution mais aussi de contrôle.

Un Fonds de solidarité de plus de 23 milliards de dirhams (2 milliards d’euros) a été débloqué, comme première manifestation de l’effort national du Royaume du Maroc pour circonscrire la crise sanitaire.

La capacité d’adaptation de l’être humain est plus forte que tout, et les réseaux de solidarité sociale jouent déjà au Maroc, compte tenu du fait que des franges entières de la société, à l’instar de tous les pays africains, vivent du secteur informel et de revenus journaliers. La vulnérabilité, déjà très présente dans nos pays, risque de s’accélérer si la pandémie devait perdurer.

Le Maroc, à l’instar des autres pays du continent africain, est à ce jour relativement épargné, mais nous ne sommes pas à l’abri de ce tsunami du silence.

La pandémie nous enseigne de nombreuses données : le rapprochement des distances, avec une nouvelle géographie des épidémies, que l’on croyait depuis longtemps confinée à notre continent, aujourd’hui débordant largement sur les sociétés les plus avancées. A Ebola, Sida, H5N1, dont nous avions malheureusement la triste exclusivité, s’ajoute le coronavirus, qui épargne pour l’instant l’Afrique et dont on connaîtra bientôt l’origine: dérèglement de la planète –sous responsabilité humaine –, perte de contrôle et autres manipulations (la ville de Wuhan venait d’accueillir les Jeux olympiques inter-militaires), guerre industrielle, bactériologique. Les questionnements fusent en la matière, les doutes aussi.

Une reconfiguration est appelée à se dessiner au lendemain de cette catastrophe, notamment dans nos sociétés où le volontarisme politique, la réduction des inégalités et l’esprit de solidarité doivent aujourd’hui primer, pour gérer l’urgence de la pandémie et ses retombées, et répondre à une demande économique et sociale de plus en plus prononcée.

Au nombre des nouveaux enjeux qui nous interpellent, devront émerger de nouvelles formes d’organisation institutionnelle dans nos pays, par un nécessaire renforcement des politiques publiques, là où les options pour un libéralisme effréné ont montré leurs limites, mais aussi

entre les Etats, par le renforcement des relations de coopération et de partenariat économique, social, culturel, aujourd’hui sanitaire.

A une coopération Nord-Sud longtemps érigée en dogme incontournable, doit succéder en Afrique un traité d’engagement  moral et solidaire. La coopération Sud-Sud a plus que jamais droit de cité, dont l’exemple nous est aujourd’hui donné par l’aide qu’apporte la Chine face à la crise du coronavirus. Une aide élargie aux pays du Nord, pour conjurer ensemble le fléau qui frappe la planète.

Il s’agit pour nous d’une leçon à retenir, que nous avons pour devoir d’ériger en cas d’école, comme nouveau pacte solidaire pour les décennies àvenir.

Si les pays asiatiques, y compris ceux parmi les moins avancés comme le Vietnam, ont pu contenir et organiser l’indispensable barrage à cette maladie du silence avec force organisation et abnégation, c’est en large partie grâce àl’esprit civique et de discipline qui prévaut à l’Est, au niveau de l’éducation et à une présence del’Etat traduite en politiques publiques planifiées et coordonnées.

Dans cette crise qui nous affecte, il me semble que l’Europe aura quelque peu failli à la mission qui lui revient, celle de fédérer autour d’un projet commun.

L’Italie ne s’y est pas trompée. Le pays de Dante n’a pas apprécié la désaffection de l’Europe, dans un contexte sanitaire aussi grave. L’esprit de l’Europe, dont l’un des fondements est censé être lasolidarité dans l’union, a volé en éclats, et l’absence de secours porté à une Italie dans la détresse traduit la fragilité de l’Union européenne, celle d’un édifice qui se fissure.

Entre-temps, les soutiens sont venus de la part de ceux que l’on n’attendait pas : la Chine, l’Inde, la Russie, et jusqu’à Cuba avec ses médecins, alors que le pays est sous l’embargo de la honte depuis plus de soixante ans.

Les Italiens s’en souviendront, au moment du bilan.

Il nous aura fallu cette crise sanitaire, dont nousaurions pufaire l’économie, pour nousrappeler au souvenir des nécessaires liens d’échange, de soutien et de solidarité qui doivent nous unir, hommes et femmes et  plusque jamais, autour du pacte mondial qui a pour nom Humanité.

A l’Afrique et au monde, tous nos vœux, et le meilleur à venir ».

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