Covid-19 : Après la prolongation du confinement, M. Guerraoui a estimé que « la LFR devrait donner un nouvel élan aux entreprises »

En raison de la prolifération de la pandémie de Covid-19 et la prolongation du confinement, la situation du tissu économique serait difficilement soutenable. Si cette pandémie persiste, les entreprises au Maroc vont vivre très mal l’impact de cette crise sanitaire, notamment les TPE et PME. Actuellement, une Loi de Finances rectificative est en cours de préparation. Cette LFR sera amenée à corriger « à la baisse » les dépenses et recettes prévues dans la loi de finances initiale, permettant de soutenir l’activité économique au Maroc. Pour analyser et expliquer la situation des entreprises face à cette crise, MAROC DIPLOMATIQUE s’est entretenu avec le Directeur du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management (CMGM), Youssef Guerraoui Filali.

MAROC DIPLOMATIQUE_ Que pouvez-vous dire à propos de la situation actuelle des entreprises face au Covid-19 ?

Youssef Guerraoui Filali_Les entreprises marocaines traversent une crise financière sans précédent, suite à l’arrêt quasiment total des activités économiques. En effet, plusieurs secteurs ont été touchés par cette crise sanitaire, plus particulièrement les secteurs du tourisme, l’immobilier et les prestations de service. A l’exception du secteur de la consommation, qui connaît aussi des difficultés d’ordre sanitaire, la majorité des secteurs économiques sont pratiquement paralysés (arrêt de la production suite au confinement, baisse significative des commandes, chute du chiffre d’affaires, diminution flagrante des recettes…), et le nombre de défaillances d’entreprises à fin 2020 risque de doubler, soit environ 20 000 défaillances à fin décembre 2020, et ce malgré les mesures d’accompagnement mises en œuvre par le Comité de Veille Economique.

M_D : A votre avis, Quelles seraient les difficultés qui pourraient freiner le développement des entreprises au Maroc, si le virus persiste ?

Y.G.F_Tout d’abord, il est question d’adapter les processus de production aux risques liés à la contamination à travers la mise en place de mesures préventives. S’agissant des très petites entreprises et petites entreprises (TPE/PE), qui forment plus de 65% de notre tissu économique, celles-ci ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour investir sur le plan sanitaire préventif, ce qui pourrait engendrer l’apparition de foyers épidémiques. Cependant, l’appui financier de l’Etat est nécessaire pour approvisionner ces catégories d’entreprises en produits préventifs.

Ensuite, il va falloir digitaliser le fonctionnement des TPME (Très Petites, Petites et Moyennes Entreprises) pour qu’elles deviennent compétitives. En effet, les gestes barrières et l’éloignement social imposent un traitement en ligne des commandes et des spécificités techniques du produit. Le client est devenu plus vigilant et par conséquent plus exigent, ce qui met les TPME sur une trajectoire cible incontournable qui est « la transformation digitale ». Par conséquent, ces entreprises ont besoin d’accompagnement et d’appui techniques pour réussir leur mutation numérique.

M_D : Le ministre de l’Économie et des Finances, Mohamed Benchaâboun, est sur le point de préparer un projet de loi de finances rectificative. A l’heure de Covid-19, comment ce projet de loi devrait sauver et soutenir les entreprises, toutes catégories confondues, selon vous ?

Y.G.F_La Loi de Finances Rectificative (LFR) permettrait d’adapter la Loi de Finances Initiale (LFI) aux nouvelles donnes causées par la Covid-19, afin de donner à l’Etat et au Gouvernement les moyens et l’habilitation pour soutenir et dynamiser l’économie nationale. Cependant, l’objectif devrait être de corriger à la baisse des dépenses de fonctionnement de l’Administration, pour disposer de marges de manœuvres à orienter vers le soutien du tissu économique marocain.

De ce fait, son adoption par le Parlement devrait avoir lieu en juin 2020. La modification des dispositions de la LFI doit prendre en considération l’évolution de la conjoncture économique et financière mondiale, notamment la baisse remarquable du prix du baril et le recul significatif de la demande extérieure.

En outre, une nouvelle population de vulnérables apparaîtrait dès le démarrage du déconfinement, estimée à 10 millions d’habitants et composée essentiellement de personnes ayant perdu leurs emplois en marge de la crise sanitaire du Coronavirus, et leur réinsertion en marché d’emploi nécessiterait un plan d’embauche spécial, voire budgétivore, à programmer dans le cadre de la LFR.

Cependant, ladite LFR devrait donner un nouvel élan aux entreprises économiques du pays. Sur le plan fiscal, des abattements et des exonérations sont très attendus par les entrepreneurs marocains en vue d’alléger la pression sur leurs trésoreries fortement impactées par la crise sanitaire. En plus, certains secteurs espèrent bénéficier de subventions de l’Etat pour parvenir à relancer leurs activités. De ce fait, la LFR doit contenir une batterie de mesures pour le soutien financier et économique du tissu entrepreneurial.

M_D : Que recommandez-vous pour relancer et sauver le tissu entrepreneurial au Maroc ?

Y.G.F_Primo, il va falloir simplifier et adapter les produits de financement à chaque catégorie d’entreprise. La levée des garanties et des nantissements demeure nécessaire pour démocratiser l’accès au financement bancaire. Il est question aussi de revoir les taux d’intérêt, puisqu’on ne peut pas appliquer le même taux à toutes les catégories d’entreprises. Les critères de segmentation doivent prendre en considération la taille de l’entreprise, son chiffre d’affaires et sa situation monétaire.

Secundo, les facilités bancaires et financements spécifiques annexés à cette crise sanitaire, ne doivent pas prendre en considération le passé financier de l’entreprise (incident de paiement, traite en souffrance…), et pour la simple raison : nous traversons une crise sans précédent marquée par l’état d’urgence sanitaire, et l’activité économique a été brutalement arrêtée.

Tertio, le financement lui seul n’est pas suffisant. L’accompagnement du tissu entrepreneurial  est nécessaire pour redynamiser le circuit économique. Cependant, l’accès à la commande publique, l’encouragement à l’export, le développement des marchés et des zones de ventes, le renforcement du pouvoir d’achat du citoyen (client essentiel des TPE/PME) restent nécessaires pour une meilleure relance économique des entreprises marocaines. 

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