De la « neutralité » de la taxe…

La Taxe sur la Valeur Ajoutée fait partie de notre quotidien à tous, entrepreneurs mais aussi simples particuliers. De fait, à l’acquisition d’un bien immobilier, d’un véhicule automobile, mais aussi de biens de toute première nécessité, dont nos factures d’eau et d’électricité, ainsi que bon nombre de produits primaires (même s’il est entendu que la transparence fiscale est allégrement volatile au gré des marchés et des vendeurs), ce surplus vient se greffer au prix d’achat tel que fixé par le prestataire.

Et bien souvent lorsqu’il s’agit de grandeurs et de notions très communément répandues dans une société, il arrive que nous perdions de vue quelques-uns des mécanismes intrinsèques soutenant à leur fonctionnement. Profitons donc de ces quelques lignes pour expliciter davantage le fonctionnement de cette taxe.

Dans le cadre de ses transactions quotidiennes, une entreprise est naturellement amenée à vendre, à acheter des matières premières, des prestations externes mais également à investir. Le Code des Impôts détermine de manière (plus ou moins explicite dans certains cas) les cas d’exonération ou, a contrario, de soumission à la TVA. Ainsi, à intervalles réguliers (mensuellement ou trimestriellement, en fonction du chiffre d’affaires), les entreprises sont amenées à procéder à une déclaration de TVA, formulaire normé dans lequel sont reportées les rentrées d’argent donnant lieu à « paiement » de TVA et les décaissements induisant une récupération, un remboursement de TVA, différentiel qui concourt à un crédit de TVA (du par l’Etat à l’entreprise) ou à une TVA due par l’entreprise à l’Etat.

C’est justement de cette logique que découle le fameux poncif afférent à la neutralité de la TVA, puisque les entreprises soumises à cette taxe collectent de la TVA pour le compte de l’Etat (selon certaines conditions d’éligibilité), mais, en parallèle, bénéficient de récupérations de TVA (conditionnelles là encore) en cas d’acquisitions ou d’investissement.

En théorie, cette assertion est tout à fait valable. En revanche, d’un point de vue de trésorerie, rien  n’est moins sûr.

En effet, lorsqu’une entreprise se retrouve redevable de TVA à l’égard de l’Etat marocain (cas par exemple des sociétés dégageant des marges très importantes), tout retard dans le règlement de cette dernière est systématiquement passible de pénalités conséquentes (et cumulatives jusqu’à apurement de la situation). En revanche, un crédit de TVA dû par l’Etat à une entreprise peut demeurer non recouvré pendant des années, voire des décennies, sans autre forme de procès. De fait, les arriérés de remboursement des crédits de TVA excèdent actuellement les 30 milliards de dirhams. Soit 3% du PIB, davantage que la richesse supplémentaire générée en 2016 comparativement à 2015. Soit 8 ports de Safi. Soit 5 mois de rémunération des fonctionnaires de ce pays.

Dans une telle configuration, des décisions stratégiques mais simples (investir, recruter…) deviennent très difficiles, car conditionnées par une hypothétique restitution de fonds pourtant légalement dus par l’Etat au contribuable. Bien plus, comment inciter à davantage de transparence fiscale, si le lien de confiance et le rapport de forces entre l’Etat et les entreprises semblent, à ce point, déséquilibrés?

Par Hicham Alaoui Bensaïd

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