Décès au bloc opératoire, erreur médicale : Qu’en dit la loi ?

La semaine dernière, une jeune blogueuse de 32 ans est décédée dans une clinique de Rabat, où elle a été admise pour une liposuccion. La MAP a approché plusieurs experts pour mettre la lumière sur les implications légales d’un tel drame ainsi que la responsabilité médicale qui en découle.

Hatim Souktani, criminologue et professeur vacataire à l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, et Abderrahmane Mrini, juriste et avocat au barreau de Kénitra expliquent :

Quelle est la nature de la relation médecin-patient ?

Pour Dr Souktani, il existe une obligation de résultat dans le cadre du contrat médical qui lie le chirurgien esthéticien au patient.

Le patient est considéré comme « consommateur », ce qui implique le droit à des prestations de qualité et à la sécurité.

La responsabilité médicale est présumée et c’est au médecin de prouver qu’il n’est pas fautif, ce qui diffère de l’obligation de moyen où c’est au patient de prouver la faute dans le cadre civil contractuel.

Qu’en est-t-il de la responsabilité médicale ?

De l’avis de Me Mrini, la responsabilité médicale est un concept vaste.

La famille d’une victime peut engager la responsabilité civile et/ou pénale du médecin.

La responsabilité civile peut être contractuelle ou délictuelle. La première résulte d’une faute liée à l’inexécution d’un contrat.

En règle générale, l’obligation du médecin n’est qu’une obligation de moyen, c’est-à-dire qu’il ne s’engage pas à garantir un résultat mais à utiliser tous les moyens nécessaires pour l’atteindre.

En revanche, une obligation de résultat peut être exigée. C’est le cas pour les chirurgies esthétiques qui ne comportent pas d’aléa ni dans la technique, ni dans l’interprétation.

La responsabilité délictuelle correspond au dommage causé en dehors de tout rapport contractuel préexistant. Il s’agit d’une responsabilité qui peut résulter soit d’une faute directe (Article 77 du Dahir des Obligations et des Contrats), soit d’une faute indirecte par omission, imprudence ou négligence (article 78 du D.O.C).

Quel recours en cas de décès pendant une intervention ou lorsqu’une erreur médicale est suspectée?

Selon Dr Souktani, tout doit figurer dans le dossier médical qui est l’exclusive propriété du patient et devrait lui être remis avec le compte rendu opératoire détaillé.

Toute omission de la tenue de ce dossier est un début de preuves de la négligence du praticien. Il s’agit là d’un outil précieux qui contient la preuve à charge ou à décharge, c’est à dire qu’il peut innocenter ou inculper le praticien.

S’agissant des procédures à suivre en cas de préjudice, les deux experts s’accordent sur le fait que le patient ou ses ayants droit peuvent choisir la voie pénale ou la voie civile.

Dans la même veine, Me Mrini juge que les ayants droit peuvent agir à la fois contre la clinique et le médecin, ou contre l’un des deux qui appelle l’autre en garantie.

Outre la responsabilité civile, le médecin peut voir engagée sa responsabilité pénale devant les juridictions répressives à raison d’une faute commise dans l’exercice de son activité médicale.

Cependant, la constatation d’une faute ne suffit pas pour le condamner. Le juge doit également procéder à une autre enquête, celle de l’existence du lien de causalité entre la faute du médecin et le dommage subi par le malade.

La responsabilité pénale est une responsabilité personnelle et individuelle car on ne répond pas du fait d’autrui. Il en résulte que la notion d’équipe chirurgicale ne signifie pas à priori une sorte de responsabilité collective.

Il faut donc rechercher si le chirurgien esthétique ou le médecin anesthésiste ont manqué à leurs obligations communes. Autrement dit, il s’agit de prouver une faute personnelle contre eux pour fonder leur responsabilité conjointe.

Quelles sont les lois qui encadrent les poursuites pour fautes médicales ?

– Me Mrini : Dans le cas d’espèce, l’auteur de la faute médicale peut être poursuivi en vertu de l’article 432 du Code pénal qui prévoit que « quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, commet involontairement un homicide ou en est involontairement la cause, est puni de l’emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende de 250 à 1.000 dirhams ».

Il est vrai que les articles 432 et 433 du Code pénal ne sont pas expressément réservés à la répression des fautes médicales mais sanctionnent toutes les défaillances humaines qui causent des conséquences préjudiciables aux personnes.

Toutefois, les tribunaux marocains ont tendance à l’appliquer dès lors que les responsabilités sont déterminées en recourant à une expertise médicale.

Quelles limites pour la responsabilité médicale ?

– Me Mrini : Malgré toutes ces dispositions légales, de nombreux problèmes restent suspendus dans le domaine de la responsabilité médicale et de nombreuses difficultés subsistent. Ainsi, la situation actuelle n’est satisfaisante ni pour les patients ni pour les médecins.

Les patients sont confrontés à des problèmes de preuve, en ce sens que l’accès au dossier médical est loin d’être chose aisée et les conclusions des experts sont souvent très équivoques dès lors que le souci de préserver la confraternité professionnelle s’impose.

Les médecins, de leur côté, considèrent qu’il est impossible que des procès soient intentés contre eux par des gens méconnaissant les règles et les aboutissements d’un acte médical.

– Dr Souktani : Un vide juridique subsiste encore en l’absence d’un Code de la santé et d’une haute autorité de santé où sont représentés tous les intervenants à savoir les médecins, les infirmiers et les représentants des patients qui ne sont autres que les représentants du consommateur

Ce vide juridique concerne les lois spécifiques à la responsabilité médicale car au Maroc, contrairement aux pays occidentaux, la responsabilité médicale est régie par le Code des obligations et des contrats

Aussi, le Code des assurances et le Code pénal ne sont pas taillés sur mesure par rapport à la spécificité de la pratique médicale à cheval entre la vie et la mort, l’évolution favorable et la complication, la guérison et l’aggravation avec perte définitive de la fonction d’un organe…

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