Déclaration conjointe du Maroc et de l’UE

Voici la déclaration conjointe de l’Union européenne et du Maroc suite à la 14ème réunion du Conseil d’Association UE-Maroc, tenue jeudi 27 juin à Bruxelle.

1. L’Union européenne et le Royaume du Maroc, réunis ce-jour en Conseil d’Association, souhaitent affirmer leur ambition de donner à leur relation stratégique, multidimensionnelle et privilégiée une nouvelle impulsion qui soit à la hauteur de leurs attentes mutuelles et des enjeux du monde contemporain en développant un véritable « Partenariat euro-marocain de prospérité partagée ».

2. Forts d’un partenariat d’égal à égal, construit depuis un demi-siècle, le Maroc et l’UE ont pu accumuler des acquis considérables au service de leurs intérêts mutuels.

3. A la communauté objective d’intérêts créée par la géographie et l’histoire s’est ajoutée une communauté choisie de valeurs partagées entre les deux partenaires. De simples voisins, l’Union européenne et le Maroc sont ainsi devenus de véritables partenaires porteurs d’une vision convergente de l’avenir de la Méditerranée et au-delà.

4. Les deux partenaires sont conscients que leur environnement régional et global est l’objet de défis de plus en plus complexes mais aussi d’opportunités nouvelles qui détermineront le devenir de l’espace euro-africain et euro-méditerranéen, notamment le développement économique et humain, inclusif et équitable, l’innovation et le partage des connaissances, la protection de l’environnement et le développement durable, la justice, la sécurité, le dialogue-interculturel, la mobilité et la migration, les droits de l’homme et la bonne gouvernance.

Parmi les piliers de cet espace régional, le partenariat UE-Maroc est plus que jamais nécessaire comme réponse à pareils enjeux. La stabilité politique et les réformes multiples menées par le Maroc en font un des partenaires clé de l’Union européenne dans la région. De plus, la convergence de vues sur de nombreux sujets permet de plus en plus à l’Union européenne et au Maroc d’articuler ensemble des réponses appropriées, en cohérence avec l’Agenda 2030 et les objectifs de développement durable.

5. Un tel partenariat aura pour objectif d’approfondir davantage les relations bilatérales à la lumière des ambitions communes et des évolutions propres à chacune des parties, mais aussi de renforcer la coopération régionale et euro-africaine et de soutenir un multilatéralisme efficace.

6. Pour ce faire, ils entendent tirer pleinement les enseignements de leur coopération passée, capitaliser sur les acquis de leur relation et approfondir davantage leur partenariat pour renforcer son efficience et son efficacité en tenant compte des possibilités ouvertes par le Statut avancé de 2008 et de son potentiel. Ils feront le meilleur usage de la flexibilité offerte par la Politique Européenne de Voisinage.

Ils se félicitent de la tenue de la retraite de Skhirat, les 3 et 4 juin 2019, consacrée à la réflexion sur le futur du partenariat et entendent s’en inspirer pour dessiner l’avenir du partenariat.

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Forts de leur expérience commune, ils s’engagent à préserver le partenariat les unissant, à consolider sa résilience et sa stabilité ainsi qu’à assurer sa continuité face à d’éventuelles difficultés, notamment à travers une concertation précoce, une coordination renforcée et le recours aux structures de travail prévues par le Partenariat.

7. Dans cet objectif, l’Union européenne et le Maroc s’emploieront à définir un nouveau cadre de relations global et résilient. Ils entendent s’appuyer sur les principes ayant toujours guidé leur partenariat (solidarité, respect mutuel, co-appropriation, responsabilité partagée, confiance mutuelle, transparence, clarté, différenciation) et les orientations suivantes qui structureront leur relation pour les prochaines années:

8. Sur le plan bilatéral, le « Partenariat euro-marocain de prospérité partagée » s’articulera autour de quatre espaces structurants, à savoir un Espace de convergence des Valeurs, un Espace de convergence Économique et de Cohésion sociale, un Espace de Connaissances Partagées et un Espace de concertation politique et de Coopération accrue en matière de Sécurité, et de deux axes fondamentaux à caractère horizontal qui feront aussi l’objet d’actions opérationnelles spécifiques, à savoir une coopération en matière d’environnement et de Lutte contre le Changement climatique et une coopération en matière de mobilité et de migration, qui se renforceront mutuellement.

Les quatre espaces structurants sont:

• Un Espace de convergence des Valeurs, inspiré de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la Constitution marocaine et des engagements internationaux des deux partenaires. Cet espace aura pour objectif de renforcer un rapprochement autour des principes fondateurs et directeurs du partenariat que sont la démocratie, l’État de droit, la bonne gouvernance, la justice, l’efficacité, responsabilité et transparence des institutions, les Droits de l’Homme et les libertés fondamentales, notamment la liberté de réunion, la liberté d’expression, y compris de la presse, et, les droits des femmes et des jeunes, l’égalité hommes-femmes, la lutte contre le discours de la haine, l’intolérance, la stigmatisation et la discrimination ainsi que la protection et l’échange de données à caractère personnel et le droit à la vie privée. Une priorité particulière sera donnée à développer les opportunités offertes aux Jeunes. Les deux partenaires s’emploieront ainsi à assurer le développement d’une société résiliente, inclusive, dynamique et ouverte, dans laquelle la société civile joue pleinement son rôle;

• Un Espace de convergence Économique et de Cohésion sociale: Cet espace s’articulera, notamment autour de la mise en œuvre du volet économique de l’Accord d’association. Ceci implique une utilisation améliorée du potentiel offert par la relation commerciale bilatérale, la relance des négociations vers un Accord de Libre-Échange Complet et Approfondi (ALECA) sur base des bénéfices attendus pour les deux partenaires, la poursuite de manière graduelle de la convergence réglementaire, une coopération bilatérale étroite en matière de douane, de bonne gouvernance fiscale, la protection des données à caractère personnel et une connectivité renforcée des infrastructures physiques et numériques. Les deux partenaires viseront à une intégration économique progressive entre le Maroc et l’UE ainsi qu’à un développement inclusif, équitable et durable propre à réduire les disparités sociales et territoriales, y compris à travers les programmes de coopération interrégionale UE-Maroc. A cet effet, il sera notamment recouru à l’échange de bonnes pratiques concernant le dialogue social dans le but de créer plus des perspectives socio-économiques y compris à travers le développement de l’économie sociale, en particulier pour la jeunesse et les femmes. Cet espace renforcera l’intégration des chaînes de valeur, à travers une meilleure intégration industrielle, le développement d’investissements productifs croisés –y compris à travers le Plan européen d’investissement extérieur–, la promotion de la compétitivité, de l’entreprenariat et de l’innovation, l’économie verte, l’accompagnement de la transformation de l’économie marocaine et la concertation sur le plan financier, à travers une relance active du dialogue économique régulier.

• Un Espace de Connaissances Partagées. Cet espace mettra notamment en valeur l’enseignement supérieur, la formation (notamment la formation professionnelle), l’emploi durable, la recherche scientifique, l’innovation et les transferts technologiques, la mobilité des étudiants et des chercheurs. L’action veillera à mobiliser tous les instruments et mécanismes disponibles et à venir (Erasmus +, PRIMA, Horizon 2020, Horizon Europe…). Ces domaines sont considérés comme autant de priorités de coopération pour le développement de l’économie de la connaissance et de l’innovation. Cet espace se consacrera également à la promotion interculturelle et au rapprochement entre les peuples. Compte tenu de l’importance de cet espace pour une meilleure compréhension mutuelle, il devrait se concentrer sur le renforcement des échanges sur les politiques et les industries culturelles, l’entreprenariat culturel, la préservation du patrimoine, la formation dans les secteurs artistiques, la conduite de manifestations culturelles et artistiques ou encore la coopération dans les domaines des droits d’auteurs, les archives, les bibliothèques, les musées, le cinéma et l’animation ainsi que le Sport.

• Un Espace de concertation politique et de Coopération accrue en matière de Sécurité, tant sur les plans bilatéral, régional et international Cet espace devrait permettre de renforcer le dialogue stratégique, la concertation politique et la coopération opérationnelle sur les défis communs en matière de sécurité intérieure. Au nombre de ceux-ci figurent notamment la lutte contre les réseaux de criminalité organisée, le terrorisme et notamment son financement, la radicalisation violente et le retour des combattants étrangers, le trafic illicite de drogues et d’armes, ainsi que la coopération policière, la formation des forces de sécurité , la coopération judiciaire, le tout dans le respect du droit international, y compris des droits de l’homme et de l’État de droit. A cet égard, le partage d’informations et d’expériences sera privilégié. De même, les deux parties entendent développer des approches communes en matière de sécurité extérieure, notamment vis-à-vis du Sahel, de l’Afrique occidentale et d’autres régions d’intérêt, y inclus la possibilité de participation du Maroc aux missions civiles ou militaires de maintien de la paix de l’Union européenne;
Les deux axes fondamentaux qui feront aussi l’objet d’actions opérationnelles spécifiques sont:

• La Coopération en matière de Protection de l’Environnement et de Lutte contre le Changement climatique. Vu l’urgence et dans le respect des engagements internationaux des deux parties, cette coopération visera notamment les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la biodiversité, l’utilisation durable des ressources naturelles, et tiendra compte du développement rural. Elle couvrira aussi la gouvernance des océans, l’initiative Ouest Med, la protection et la restauration des écosystèmes marins et côtiers. et en particulier la préservation de la Méditerranée et les opportunités offertes par l’économie bleue et l’économie circulaire. En accord avec l’Accord de Paris sur le changement climatique, les partenaires viseront la mise en œuvre ambitieuse des Contributions Déterminées au niveau National, l’établissement d’un cadre de nature à promouvoir une croissance propre et à assurer la transition vers une économie à basses émissions résiliente au climat et la mise en œuvre des « règles d’application de Katowice ». De même une coopération Sud-Sud et trilatérale en matière d’environnement et de développement durable sera encouragée;

• Une concertation renforcée et une coopération équilibrée sur la Mobilité et la Migration. Cette concertation se fondera sur le Partenariat pour la Mobilité de 2013, dans le respect des compétences nationales, et la pleine réalisation de la stratégie nationale marocaine sur la migration et l’asile. La gestion de la migration réclame des efforts conjoints durables du Maroc, de l’Union européenne et de ses États membres dans le cadre d’une approche globale, humaine et respectueuse des droits de l’homme qui envisage une action concertée pour traiter les causes profondes de la migration irrégulière. La prévention et la lutte contre la migration irrégulière, contre la traite des êtres humains et le trafic des migrants et leur protection, y compris à travers la communication et la sensibilisation sur les risques associés à la migration irrégulière, le renforcement de la gestion des frontières maritimes et terrestres, la mobilité, et notamment l’amélioration de la mobilité des professionnels, la migration régulière, le retour, la réadmission et réintégration, la facilitation des visas, ainsi que le développement d’échanges humains mutuellement bénéfiques, en particulier pour les étudiants, les jeunes actifs et jeunes volontaires, feront partie des objectifs poursuivis;

9. Le partenariat euro-marocain se veut avant tout à l’écoute et au bénéfice des citoyens. De même, la coopération interparlementaire sera renforcée pour en faire un élément moteur du partenariat.

10. Au fil des années, la coopération au niveau bilatéral et le développement de valeurs partagées se sont doublés d’une convergence de vues croissante sur les enjeux régionaux, continentaux ou internationaux. Sur le plan extérieur, une telle proximité doit désormais devenir source de synergies, permettant une projection concertée euro-marocaine dans ces domaines.

11. Les deux partenaires, qui partagent un attachement commun au multilatéralisme et au rôle des Nations Unies, s’accordent sur la nécessité de répondre avec pragmatisme aux mutations profondes de la nature des conflits contemporains et aux nouveaux défis de sécurité posés par le terrorisme et les acteurs non étatiques. Ils sont déterminés à entretenir un dialogue continu et orienté vers l’action en faveur d’un multilatéralisme rénové et conviennent, à cet égard, de mener des activités concertées aux Nations Unies en faveur de la paix et la sécurité internationales. Conscients de l’importance d’une réponse aux défis auxquels l’Afrique est confrontée, ils s’engagent à promouvoir les initiatives en faveur de la paix dans le continent, notamment en matière de maintien de la paix, de médiation et de gestion de crises, en veillant à encourager le développement d’une approche globale alliant la dimension sécuritaire et le développement humain.

12. Les deux partenaires conviennent que nombre d’activités et initiatives internationales du Royaume du Maroc en matière de préservation de l’environnement et du climat, de dialogue interculturel ou interconfessionnel, de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme sont autant de contributions significatives sur lesquelles bâtir des réponses concertées dans le contexte d’un multilatéralisme responsable. Ces thématiques, parmi d’autres, feront partie intégrante du partenariat renouvelé et feront l’objet d’une concertation renforcée au sein des enceintes multilatérales pertinentes afin d’aboutir à des positions conjointes conformes à la vision des Objectifs du développement durable.

13. De même, cet attachement se traduit par leur commun soutien à la coopération régionale, tant au travers de l’Union du Maghreb arabe et le dialogue bilatéral entre voisins maghrébins que par leur implication au sein des structures associant pays européens et pays d’Afrique du nord, telles que l’Union pour la Méditerranée et le « Dialogue 5+5 ». A cet égard, l’Union européenne et le Maroc saluent l’initiative « Sommet des deux rives – Forum de la Méditerranée », qui s’appuie sur la société civile pour relancer sur de nouvelles bases la dynamique de coopération en Méditerranée occidentale. Les partenaires soulignent le potentiel encore inexploité de croissance et développement que recèle la coopération régionale pour la prospérité du Maghreb. A ce titre, ils conviennent qu’un règlement des différends et tensions affectant la région jouerait un rôle très favorable dans ce sens et propice au développement de leur partenariat. Ils réaffirment leur appui aux efforts du Secrétaire général de l’ONU pour poursuivre le processus politique visant à parvenir à une solution politique, juste, réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara occidental, qui repose sur le compromis en conformité avec les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, notamment la résolution 2468 du 30 avril 2019. L’UE prend note positivement des efforts sérieux et crédibles menés par le Maroc à cet effet tels que reflétés dans la résolution susmentionnée et encourage toutes les parties à poursuivre leur engagement dans un esprit de réalisme et de compromis, dans le contexte d’arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.

14. Dans un espace euro-africain de plus en plus diversifié et souvent fragmenté, la politique de coopération trilatérale a pour vocation première de s’adresser au développement du continent africain, tout particulièrement au Sahel et en Afrique occidentale. Dans la mesure où la congruence des objectifs respectifs le justifiera, des efforts seront entrepris afin d’encourager la complémentarité des politiques des deux partenaires et d’aboutir à des initiatives et projets concertés. Le retour du Royaume du Maroc au sein de l’Union africaine, conjugué à son action en faveur du développement d’un nouveau modèle de coopération Sud-Sud, revêt à cet égard une grande importance en renforçant les opportunités de coopération trilatérale entre l’UE, le Maroc et leurs partenaires sur le continent.

Dans l’objectif de servir une meilleure coopération euro-africaine, et de favoriser le développement, la sécurité et la stabilité de l’Afrique, le Maroc et l’Union européenne conviennent de renforcer leur concertation et leur coordination sur les sujets d’intérêt commun inscrits dans le cadre du Dialogue UE-Afrique, de l’Alliance Afrique-Europe pour des investissements et des emplois durables et du processus post-Cotonou.

15. Cette déclaration politique conjointe a pour vocation de donner une orientation aux relations UE-Maroc pour les années à venir et dans le cadre des Perspectives Financières de l’UE. Une priorité sera donnée à la participation du Maroc aux Agences et Programmes de l’Union européenne.

La présente déclaration sera mise en œuvre selon une démarche flexible et adaptée aux ambitions des deux parties. Elle vient en prélude à la prochaine définition des axes stratégiques de la coopération UE-Maroc, à entreprendre dès 2020, qui seront adaptés à la lumière des discussions prévues entre les deux parties et inspirera cette dernière. En fonction des avancées attendues dans leur partenariat, l’UE et le Maroc poursuivront la réflexion commune entreprise sur la refonte de leur lien contractuel. Cette discussion aura pour objectif de refléter, dans le contexte de la Politique européenne de Voisinage, les progrès qui auront été accomplis dans leur relation et la diversification du champ de leur coopération qui en découlera et de répondre aux besoins de clarté et de stabilité dans les relations Maroc-UE. L’UE et le Maroc se félicitent de la tenue de la retraite de Skhirat, les 3 et 4 juin 2019, ce processus informel et innovant devrait permettre de réactiver, dès l’automne 2019, le «Groupe de travail ad hoc sur le Statut avancé» pour poursuivre la réflexion engagée.

16. Fidèle à la tradition pionnière des relations euro-marocaines, ce type de Partenariat de prospérité partagée se veut un exemple dynamique susceptible d’être utilisé par les partenaires qui partagent le même niveau d’ambition. A ce titre, il marque une étape importante dans le rapprochement euro-méditerranéen, indispensable pour relever les défis communs actuels et à venir.

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