Des rapports accablants, et après ?

Comme chaque année, le dieu de la peur panique, Driss Jettou et son « commando », trouvant matière à tancer, ont brandi leur rapport atterrant, le 29 juillet. Secouant ainsi la terre sous les pieds de plusieurs signataires de mauvaise gouvernance, après des enquêtes minutieuses qui ont révélé des dysfonctionnements à grande échelle causant des pertes colossales au budget de l’Etat.

700 pages décryptent l’utilisation de l’argent public. Enseignement, fonction publique, santé, caisse marocaine des retraites, institutions publiques … tout y est passé au crible. De leur côté, le HCP et le CESE dressent des bilans et des rapports, pour le moins que l’on puisse dire, atterrant et accablants. La situation est loin d’être rassurante toutefois cela ne semble pas inquiéter les responsables ni les sortir de leur torpeur chronique. Tout cela est beau mais qu’en est-il des mesures concrètes prises après les rapports accablants qui se succèdent et se ressemblent ?

Un rapport invariable et des dysfonctionnements sempiternels

Si le séisme politique, qui a entraîné, dans le flot, certains ministres en raison de mauvaise gouvernance, avait redonné confiance au peuple excédé par le laxisme, la frustration est de taille après chaque rapport qui met en évidence les irrégularités et épingle les fauteurs. Sauf que le circuit s’arrête là. La sanction n’est jamais de mise et l’épée de Damoclès tombe toujours loin.

L’économie va moins vite que la musique. La dette publique du trésor a atteint, à la fin de l’exercice 2017, un montant de 692 milliards de dirhams, soit un taux de 64,5% du produit intérieur brut, enregistrant un montant supplémentaire de 35 milliards de dirhams en comparaison avec l’année 2016 qui a enregistré, à son tour, une augmentation du niveau de cette dette de l’ordre de 28 milliards de dirhams par rapport à l’exercice 2015. Ceci sans parler du niveau élevé de la dette due à certains établissements publics qui a atteint 32,2 milliards de dirhams en 2017, alors qu’elle ne dépassait pas 15,8 milliards de dirhams en 2012. Sans compter la dette due au secteur privé au titre de la même taxe dont la liquidation a été entreprise par l’Etat, depuis janvier 2018, sur une période de 5 ans, pour un montant global fixé à 10 milliards de Dirhams.

L’enseignement et la Santé : là où le bât blesse encore et toujours

Plusieurs missions de contrôle ont été menées, dont des missions d’évaluation des résultats du Programme d’urgence de l’éducation et de la formation 2009-2012. Faut-il rappeler que l’Etat s’y était engagé avec une enveloppe budgétaire de 43,124 milliards de dirhams sans compter les dépenses de fonctionnement ? Sur la base de ce budget, des projets ont été programmés pour des engagements à hauteur de 35,056 MMDH, tandis que la somme des paiements exécutés a atteint 25,165 MMDH. Or d’une part, la Cour a enregistré l’absence chez les administrations concernées d’un bilan global et précis aux niveaux financier et quantitatif, de tous les projets et mesures de ce programme concernant les réalisations. Et d’autre part, le rapport note que les objectifs fixés par ce programme n’ont pas été atteints. Cherchons l’erreur ensemble !!!

Concernant le secteur de la Santé, les constats relevés par les missions d’audit réalisées dans plusieurs établissements hospitaliers ne diffèrent pas de ceux de l’année dernière. Ce qui revient à dire que rien n’a été fait depuis le rapport de la Cour des comptes de l’année dernière. Les anomalies structurelles au niveau de la planification stratégique inadéquate, de la programmation, de la gouvernance hospitalière, de la gestion des services médicaux, de la facturation et du  recouvrement des recettes, outre la gestion des médicaments et des fournitures médicales persistent et ne connaissent aucune amélioration.

A quand une reddition des comptes ?

Dressant le diagnostic des maux de la gouvernance défaillante, les rapports pointent du doigt les institutions et secteurs qui ne s’acquittent pas de leur mission comme il se doit. Ce qui donne une image désolante du Maroc et pénalise le développement du pays. Ce sont  ces « manquements au devoir » mêmes que Sa Majesté le Roi a qualifié de « trahison », en insistant pour que, gouvernement, partis et institutions « rendent des comptes » et en menaçant de destitution tout responsable qui faillirait à sa mission.

Alors maintenant que le mal est diagnostiqué encore une fois, ne faut-il pas l’éradiquer ? Ne faut-il pas qu’il y ait des décisions fracassantes pour changer les choses et donner l’exemple ? Le Maroc ne peut plus supporter ceux qui gèrent mal ses affaires et l’enfoncent dans des dettes insurmontables. Déterminer les vraies responsabilités et agir en conséquence s’avère nécessaire.

Pour rappel, lors de son premier discours, le Roi Mohammed VI avait signé une nouvelle page dans l’Histoire du Maroc. Le changement, on le savait irréversible et les citoyens s’en remettent à la plus Haute autorité du pays.

« Le nouveau concept d’autorité signifie l’interpellation et l’exigence de reddition des comptes, qui s’opèrent à travers les mécanismes de régulation et de contrôle et l’application de la loi. Pour les élus, cela passe par les élections et la quête de la confiance des citoyens.

Notre concept d’autorité se fonde aussi sur la lutte contre toutes les formes de corruption : dans les élections, l’Administration, la Justice, etc. Le manquement au devoir est aussi une forme de corruption. »

La corruption ronge le pays et a conduit à la faillite de l’autorité et à l’anarchie. Aussi faudrait-il œuvrer pour une refonte des procédures et circuits administratifs pour que le citoyen ne soit plus victime d’abus de pouvoir. Le plus dur reste donc à faire : n’est-il pas encore arrivé le moment des redditions ? Il faut que l’exécution suive les décisions et que la justice soit imparable pour tout le monde.

L’absence de répression et le laxisme judiciaire font que dans notre Royaume, habitués à une fin de non-recevoir, ceux qui sont épinglés attendent toujours que l’orage passe avant que le même scénario reprenne.

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