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Digitalisation des paiements : un nouveau chapitre pour les TPE au Maroc

Le Conseil de la concurrence a récemment entériné une décision qui pourrait remodeler en profondeur l’écosystème des paiements au Maroc. À partir du 1er mai 2025, le marché des terminaux de paiement électronique (TPE), jusqu’ici verrouillé par le Centre Monétique Interbancaire (CMI), s’ouvre à une pluralité d’acteurs : filiales bancaires, établissements de paiement et startups fintech. Cette ouverture marque un jalon décisif dans la stratégie nationale de digitalisation de l’économie, en écho aux orientations de Bank Al-Maghrib.

La décision du Conseil de la concurrence de libéraliser le marché les paiements au Maroc n’est pas un simple ajustement réglementaire : elle constitue le levier central d’une ambition plus large visant à moderniser les échanges financiers et à contenir l’essor de l’économie informelle. Dans un pays où la circulation du cash reste prédominante, l’adoption des TPE apparaît comme une étape incontournable pour ancrer les transactions dans des circuits plus transparents et sécurisés.

Jusqu’à présent, le secteur des TPE était dominé par le CMI, détenteur de plus de 97% de parts de marché. Ce quasi-monopole a longtemps freiné l’innovation et limité l’accès aux services de paiement électronique, cantonnés aux grands acteurs de la distribution et aux enseignes structurées. L’ouverture du marché devrait désormais permettre l’émergence de solutions plus diversifiées et adaptées aux besoins spécifiques des petits commerçants.

En facilitant l’intégration de ces derniers au système numérique, la réforme ambitionne de renforcer la bancarisation et de favoriser l’assainissement des circuits économiques. L’enjeu est de taille : un paiement électronique généralisé pourrait, à terme, élargir l’assiette fiscale et alléger la pression sur les finances publiques, en luttant plus efficacement contre l’évasion et la fraude.

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Mais au-delà de la dimension financière, cette transformation porte une promesse de démocratisation. « La libéralisation va stimuler l’innovation et démocratiser l’accès à des services jusque-là réservés à une élite commerçante », souligne un expert du secteur. Pour de nombreux petits commerçants, la possibilité de s’équiper en terminaux modernes représente une porte d’entrée vers la formalisation de leur activité.

Cependant, cette ouverture, synonyme d’opportunités, ne se fera pas sans heurts. L’arrivée de multiples opérateurs, dont des startups fintech agiles et des filiales bancaires solidement ancrées, appelle une vigilance accrue des autorités de régulation. La concurrence, si elle est mal encadrée, pourrait fragiliser la confiance des consommateurs, surtout dans un environnement où la cybersécurité reste un sujet sensible.

Le régulateur devra ainsi concilier deux impératifs : garantir un cadre favorable à l’innovation et préserver l’intégrité du système de paiement. La standardisation des technologies, la certification des solutions proposées et la protection des données personnelles constituent autant de chantiers à mener de front pour éviter les dérives et prévenir les failles de sécurité.

Dans cette perspective, la formation et l’accompagnement des commerçants apparaissent comme une priorité incontournable. « L’inclusion numérique des petits commerçants est la condition sine qua non du succès de ce chantier », insiste un observateur averti. Au-delà de la simple fourniture de terminaux, il s’agit de s’assurer que ces outils soient compris, maîtrisés et pleinement intégrés au quotidien des utilisateurs.

Vers un repositionnement stratégique du CMI

Dans ce paysage en recomposition, le CMI est sommé de se réinventer. Confronté à l’érosion prévisible de sa part de marché, l’opérateur historique devra capitaliser sur ses atouts : l’innovation technologique, la fiabilité de ses infrastructures et son expérience accumulée. « L’avenir du CMI réside dans l’innovation, la cybersécurité et l’ouverture à l’international », résume El Fakir, spécialiste du secteur. Cette ouverture pourrait transformer le CMI d’un acteur quasi-monopolistique en une plateforme technologique de référence, capable de fédérer les nouveaux entrants et d’anticiper les évolutions rapides de la monétique.

Au final, l’ouverture du marché des TPE illustre un tournant stratégique pour l’économie marocaine. Elle place le paiement électronique au cœur des efforts de modernisation, dans un contexte où la digitalisation est appelée à redéfinir la relation entre commerçants, consommateurs et institutions financières.

Entre promesses de démocratisation et impératifs de sécurité, cette réforme cristallise les espoirs d’un Maroc plus inclusif et plus compétitif. Mais elle impose également une vigilance de tous les instants : pour que la digitalisation des paiements ne reste pas un simple slogan, mais devienne le moteur effectif d’un développement partagé.

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